DEPLOIEMENT MILITAIRE ALLEMAND AU PAYS DE SOUNDJATA KEÏTA : Solidarité européenne ou soutien à un Mali terrorisé ?

 

L’Allemagne a décidé de déployer environ 650 soldats au Mali. Ce n’est pas courant de voir autant de soldats allemands sur des théâtres d’opération étrangers. En effet, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne est devenue pacifiste dans le principe. Ce contingent viendra renforcer considérablement la présence militaire allemande au Mali. En effet, quelques militaires allemands sont déjà sur le terrain malien et certains participent à la mission européenne de formation de l’armée malienne. Mais, ce déploiement à venir est-il une marque de solidarité européenne vis-à-vis de la France ou un soutien à un Mali terrorisé ? En tous les cas, ce déploiement qui survient après les attentats sanglants de Paris et de Bamako et l’appel des autorités françaises à l’activation de la clause de solidarité européenne, devrait soulager quelque peu la France.

François Hollande peut se targuer d’engranger des succès diplomatiques

Comme on le sait, l’Hexagone est sur plusieurs fronts actuellement, notamment au Nord-Mali, en Centrafrique, mais aussi au Proche-Orient. Cette multitude de terrains n’est pas facile pour l’armée française. De ce fait, il est de bon ton que les autres Européens lui apportent leur soutien, sous peine que soit mise en péril la traque des islamistes radicaux. L’axe Paris-Berlin, le couple franco-allemand, se porte donc bien. On parlerait même de « MerkHollande », par allusion au terme « MerKozy» utilisé au temps de la présidence de Nicolas Sarkozy pour traduire l’excellence des relations entre le dirigeant français et son homologue allemand, Angela Merkel. Et François Hollande peut se targuer d’engranger des succès diplomatiques. Sa détermination à placer la France en pôle position dans la lutte contre le terrorisme, n’a jusque-là pas fait défaut. On sait avec quelle célérité l’armée française, sous ses instructions, a dû voler au secours d’un Mali aux abois face à l’assaut des islamistes. On se souvient également de la détermination avec laquelle François Hollande était prêt à frapper le régime syrien accusé d’avoir fait usage d’armes chimiques contre l’opposition, laquelle utilisation avait été qualifiée de ligne rouge par les Occidentaux. Cet engagement du président français à combattre frontalement le régime syrien, aura pâti du manque d’entrain des autres dirigeants occidentaux dont Barack Obama et David Cameron. Quand on sait que Daesh connaît une telle expansion aujourd’hui, en partie parce que le régime syrien décrié est toujours en place avec ce que cela comporte comme fracture dans le pays, on se rend bien compte que Hollande avait vu juste. Si Bachar El Assad avait quitté le pouvoir et laissé un pays assez stable, les islamistes n’auraient certainement pas pu poser leurs valises avec autant de facilité et d’arrogance en Syrie. Aujourd’hui encore, après les attentats de Paris, c’est Hollande qui mène une intense activité diplomatique en vue de constituer une large coalition des grandes puissances occidentales contre Daesh, aux côtés de la Russie et de la France. C’est dire que sur le terrain de la lutte contre le terrorisme, le leadership de Hollande est évident. Tout se passe comme si les autres grandes puissances étaient moins exposées à la foudre islamiste. Pourtant, le terrorisme ne vise pas que  la France et par conséquent, il est incompréhensible qu’elle soit la seule à se démener ainsi. Les autres pays européens ont visiblement compris cette réalité après les attentats de Paris, eux qui sont disposés à «déployer des solidarités » à l’endroit de la France, à sa demande. L’Allemagne, en décidant ainsi d’envoyer des centaines de militaires au Mali, fait donc preuve de solidarité avec la France et in fine, se protège de la menace terroriste en contribuant à son élimination.

L’Allemagne est en train de confirmer son engagement aux côtés de l’Afrique

Mais, il s’agit aussi d’un soutien au Mali terrorisé. En effet, même si cette solidarité se manifeste d’abord vis-à-vis de la France, son impact contribuera à éradiquer autant que faire se peut, le péril islamiste qui sévit au Mali. L’apport des militaires allemands sera certainement orienté dans le domaine du renseignement. Leur logistique et leur technicité ne seront pas de trop dans la traque des terroristes qui écument la bande sahélo-saharienne et ont de plus en plus le toupet de s’attaquer à des cibles situées jusque dans la capitale malienne, Bamako. Bien au contraire ! Le renseignement est indispensable pour gagner une guerre, qui plus est, est une guerre asymétrique comme celle contre les terroristes dans le Sahel. Au finish, le succès des troupes en place devrait avoir pour conséquences la stabilisation et la sécurisation du Mali. En soutenant ainsi la France, l’Allemagne soutient donc par ricochet le Mali. Ce pays ne va donc pas cracher sur ce énième soutien venu d’Europe. Mais, cet engagement allemand au Mali n’est pas sans remettre au goût du jour la question de la responsabilité des Africains. Une fois de plus, les Africains sont quasi inactifs. Le G5 du Sahel, pour ne prendre que cet exemple, n’a jusque-là pas pu opérationnaliser son dispositif de lutte contre le terrorisme, en dépit des multiples réunions tenues. On en vient à se convaincre que les Africains, dans l’état actuel des choses, ne savent que verser des larmes et étaler leurs incohérences. En effet, généralement les pays africains tournent en rond dans la mise en œuvre des dispositifs de sécurité, lesquels sont pourtant des éléments d’affirmation de leur souveraineté. Les chefs d’Etat africains se donnent juste la peine de verser des larmes avant de replonger dans l’attentisme jusqu’au prochain attentat. Ceux qui fuient ainsi leurs responsabilités et mettent leur sort sécuritaire entre les mains des Occidentaux, sont les mêmes qui s’empressent toujours de revendiquer une prétendue souveraineté quand leurs intérêts mesquins sont en jeu. D’aucuns pensent que le contingent allemand annoncé est peu habitué aux réalités du Sahel, ce qui serait un handicap à sa performance. Mais, l’apport technique et logistique, en plus de l’effet psychologique qu’il produit, est fort précieux. Toujours est-il que l’action de l’Allemagne est à saluer à sa juste valeur. Elle est en train de jouer sa partition et de confirmer son engagement aux côtés de l’Afrique, déjà manifeste dans bien des domaines de la coopération. En effet, le pays de Merkel est déjà présent, notamment  en termes de soutien à l’agriculture et à la communication en Afrique. En matière de communication pour ne citer que cela, on peut noter le rôle prépondérant de la coopération allemande dans le développement des radios rurales. Reste à espérer que son engagement dans la lutte contre le terrorisme au Mali, fasse tâche d’huile dans bien des capitales et qu’il contribue au salut de l’humanité.

« Le Pays »