HomeA la unePROCES D’UN INDEPENDANTISTE BIAFRAIS : La répression seule ne suffit pas

PROCES D’UN INDEPENDANTISTE BIAFRAIS : La répression seule ne suffit pas


 

Le procès de l’indépendantiste biafrais, Nnamdi Kanu, s’est ouvert le 9 février dernier à Abuja. Le parquet a soutenu que ce dernier, par ailleurs directeur de Radio Biafra basée à Londres, a appelé à la sécession de certains Etats avec l’intention, selon l’acte d’accusation, de «  faire la guerre » au Nigeria. Il faut rappeler que Kanu avait été accusé initialement de terrorisme. Mais le juge avait ordonné sa libération, estimant que le dossier d’accusation était vide. Cela avait été vite balayé du revers de la main par le président Muhammadu Buhari en personne. C’est dire que l’affaire Kanu est prise très au sérieux au sommet de l’Etat nigérian. Et pour cause. Buhari, tout comme bien d’autres Nigérians, garde certainement encore en mémoire l’épouvantable guerre civile qu’avait connue le Nigeria suite à la sécession du Biafra.

Nnamdi Kanu risque gros dans cette affaire

Cette éphémère République du Biafra, qui avait été portée sur les fonts baptismaux par le Colonel Ojukwu, entre 1967 et 1970, avait fait des centaines de milliers de morts et un nombre effarant d’orphelins. Le pouvoir de l’époque, piloté par le Général Gowon, conscient que derrière le colonel Ojukwu étaient tapis des acteurs étrangers attirés par le pétrole dont regorge la région de Biafra, n’avait pas hésité à sortir l’artillerie lourde pour mater sans état d’âme la rébellion indépendantiste. Plus de 40 ans après la fin de cet épisode douloureux de l’histoire du Nigeria, l’on peut faire le constat que la cause des indépendantistes du Biafra reste vivace et insatisfaite. En effet, l’ouverture du procès de Kanu, qui semble marcher sur les traces du colonel Ojukwu, a déjà provoqué une manifestation à Aba, ville de l’Etat d’Abia, où au moins, selon des sources indépendantistes, deux  personnes auraient été tuées. Il faut dire que Nnamdi Kanu risque gros dans cette affaire. Car s’il est reconnu coupable, il pourrait être condamné à la prison à vie. Le Nigeria, peut-on dire, de ce fait, ne badine pas avec les indépendantistes. L’on se souvient encore du sort qui avait été réservé à Ken Saro-Wiwa. En effet, le fondateur du MOSOP (Mouvement pour la libération du peuple Ogoni), accusé de porter un projet indépendantiste, avait été pendu haut et court par le régime du  général Abacha, le 10 novembre 1995, à Port-Harcourt, à la grande indignation de la communauté internationale. Huit autres membres du MOSOP avaient subi le même sort. Si le pouvoir n’était pas détenu aujourd’hui par un démocrate au Nigeria, la même peine aurait été appliquée à Kanu, si d’aventure les charges retenues contre lui venaient à être établies. Le général Buhari n’est certes pas le général Abacha, mais l’on peut s’attendre à ce que son régime adopte une posture de tolérance zéro et de fermeté vis-à-vis de toutes les velléités indépendantistes. Et il pourrait aisément évoquer l’histoire pour se justifier. En plus de cela, le président nigérian pourrait voir derrière l’activisme de l’indépendantiste déjà écroué, des mains invisibles de certains acteurs politiques. Car sans accuser l’ancien président Goodluck Jonathan, l’on pourrait se poser la question de savoir pourquoi c’est seulement quelques mois après qu’il a perdu le pouvoir que Kanu est sorti du bois pour revendiquer l’indépendance du Biafra. Quelque part, il faut avouer que la coïcidance est troublante. Et comme sous nos tropiques, certains hommes politiques font feu de tout bois pour nuire à leurs adversaires, cette hypothèse pourrait tenir la route. Cela dit, Buhari peut légitimement bander les muscles face à l’indépendantiste Kanu et sévir, mais la répression seule ne suffit pas pour venir à bout du projet qu’il porte. En effet, le Biafrais Nnamdi Kanu a beau être un personnage sulfureux, cela n’enlève rien au fait que certains de ses griefs qu’il formule contre l’Etat fédéral sont fondés. L’on peut citer entre autres le reproche de prédation des richesses du pays Ibo par la nomenclature politique et militaire basée à Abuja. Pendant ce temps, les populations des zones pétrolières croupissent dans la misère. Cette triste réalité est connue du Genéral Buhari.

Le Général Buhari doit travailler à assécher le marigot où s’abreuvent tous les caïmans sécessionnistes du Nigeria

C’est pourquoi l’on peut avoir envie de lui suggérer, en guise de solution durable, de méditer sur l’adage suivant : « pour ne pas donner raison au scorpion, il faut d’abord balayer la maison ». Dans le cas d’espèce, c’est la corruption, les passe-droits, les détournements des rentes générées par le pétrole, les injustices, bref la mauvaise gouvernance dont le Nigeria est coutumier depuis l’indépendance, qui créent des frustrations au sein des populations au point de les amener à ne pas se reconnaître en l’Etat fédéral. Cette gouvernance, qui se soucie peu de la vertu, les expose à des replis identitaires qui peuvent déboucher sur des velléités indépendantistes. Tant que ces manquements graves ne seront pas corrigés, l’on peut parier sans grand risque de se tromper que les populations des zones pétrolières du Nigeria prêteront toujours une oreille attentive à n’importe quel aventurier politique qui s’appuyerait sur les scories du gouvernement fédéral pour défendre des thèses indépendantistes. L’arbre ne pouvant cacher la forêt, le Général Buhari, sans attendre, doit travailler à assécher le marigot où s’abreuvent tous les caïmans sécessionnistes du Nigeria. Cela est d’autant plus impératif que par ces temps qui courent, où la gangrène djihadiste a pratiquement déjà rongé toute la partie Nord du pays, une éventuelle sécession du Sud-Est du pays, pourrait s’apparenter à un scénario-catastrophe non seulement pour le Nigeria, mais aussi pour l’ensemble de la sous-région voire de l’Afrique, au regard du poids économique et démographique que représente ce pays.

« Le Pays »


Comments
  • L’attitude de Kanu n’est pas un cas isole en Afrique subsaharienne et meme a travers le monde. Les gouvernements centraux manque de patriotisme ou de nationalisme pour mener une politique de developpement inclusif. Au Congo Brazzaville par exemple, en plus de la dictature qui tire sa force sur le tribalisme, le regionalisme, le nepotisme et le clanisme des plus abjets, le dictateur Sassou Nguesso pille les richesses du sous-sol congolais du sud et en particulier les ressources du petroles qui ne profitent qu’a lui-meme. D’ou l’idee de la creation du Sud -Congo. l’existence du Soudan du Sud fait et fera jurisprudence dans les etats artificiels cres par l’envahisseur blanc pour les besoins de sa politique hegemonique et economique. Et le Biafrais ne sont pas les seuls peuples a exiger l’existence en tant qu’un Etat et un peuple. Tant qu’il n’existera pas de veritable politique d’integration globale, les pays africains, tous tant qu’ils sont aujourd’hui, connaitront les secousses secessionnistes. Les mouvements corse, basque et katangais sont la pour nous rappeler que le peril de la dislocation de nos etats n’a pas encore trouver de vaccin capable pour nous en prevenir.

    11 février 2016

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