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27E  SOMMET AFRIQUE-FRANCE : Le bal des démocrates et des dictateurs


 

Le somment Afrique-France, le 27e du  genre, a refermé ses portes le 14 janvier 2017 à Bamako, capitale du Mali. L’hôte de l’évènement, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), a des raisons d’en être satisfait. Et pour causes. D’abord, le défi sécuritaire a été relevé. En effet, pour une rencontre de cette envergure et au regard du contexte d’ensemble qui est celui du Mali, l’on pouvait craindre que les forcenés barbus se signalassent d’une manière ou d’une autre à l’effet de perturber le sommet. Rien de tout cela ne s’est produit non seulement à Bamako, mais également sur l’ensemble du territoire malien. L’on peut mettre cela à l’actif du pouvoir malien et de celui des forces amies qui, pour la circonstance, peut-on dire, avaient le doigt sur la gâchette. L’autre motif de satisfaction que pourrait tirer IBK de ce sommet, est d’ordre diplomatique. 37 chefs d’Etat et de gouvernement, en effet, ont effectué le déplacement de Bamako.

Le président malien a réussi un grand coup diplomatique

Pour un exploit, c’en est un. Car, même certains sommets de la plus grande organisation africaine, c’est-à-dire l’UA (Union africaine), n’ont pas pu enregistrer un tel score. Même les têtes couronnées africaines qui avaient l’habitude de bouder les sommets France-Afrique, n’ont pas voulu se faire conter l’événement. A titre d’illustration, l’on peut citer l’homme mince de Kigali, Paul Kagame. De ce point de vue, l’on peut dire que le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, a réussi là un grand coup diplomatique. Il peut donc se frotter les mains. Mais ce que l’on peut retenir véritablement de ce sommet, tient à deux choses. La première est liée à l’hommage appuyé rendu à François Hollande pour l’ensemble de ses œuvres en direction de l’Afrique et notamment son engagement franc aux côtés du continent noir pour combattre le péril djihadiste. Le président français a été particulièrement encensé pour cela. Et son ami IBK qui, à l’occasion, a tordu le cou aux convenances diplomatiques en le tutoyant, a su trouver les mots justes pour le lui signifier. Et comme c’est le dernier sommet du genre auquel François l’Africain participera en tant que chef d’Etat, le témoignage de reconnaissance a été marqué par le sceau de l’émotion. En tout cas, c’est la gorge nouée et pratiquement avec une larme à l’œil, que l’hôte du sommet lui a traduit un vibrant et pathétique anitchié*. Le deuxième fait majeur qui aura marqué le sommet de Bamako, est lié à la crise gambienne. En effet, celle-ci a ravi la vedette à tous les autres points de l’ordre du jour. Et la présence du président élu de ce pays, Adama Barrow, sur invitation de la CEDEAO, (Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest), est un message clair que cette organisation sous-régionale africaine envoie à Yahya Jammeh et ce, à  quelques encablures du 19 janvier 2017, date à laquelle il doit passer le témoin à Adama Barrow. Pour le moment, les chefs d’Etat de la CEDEAO sont en train de jouer la carte de la négociation pour convaincre l’autocrate de débarrasser le plancher pacifiquement. Mais ils n’excluent pas, au cas où cette approche capoterait, de passer par la manière forte pour l’extirper de son palais. L’on peut saluer, à sa juste valeur, la résolution de la CEDEAO de faire respecter par tous les moyens, le choix du peuple souverain de la Gambie par ce fou de Yahya Jammeh. Car, dans l’hypothèse où le satrape gambien réussirait à tourner à son profit la situation pour se maintenir au pouvoir, ce serait un camouflet non seulement pour les démocrates gambiens, mais également une insulte à l’ensemble des démocrates du continent noir. Déjà, ils sont nombreux, les Africains qui sont installés dans l’idée selon laquelle les élections ne servent à rien sous nos tropiques. Et ils n’ont pas totalement tort, au regard de ce qui se passe dans bien des pays africains.

Bien des Africains commencent à se poser la question de la pertinence de certains sommets

En effet, outre le cas gambien qui aura tenu en haleine les participants de ce sommet Afrique-France, l’on peut aussi évoquer d’autres cas d’atteintes gravissimes à la démocratie en Afrique. Le cas le plus récent et emblématique est celui du Gabon. Dans ce pays, on se rappelle qu’Ali Bongo avait opéré un nauséeux hold-up électoral pour s’accrocher à son trône, à l’occasion de la présidentielle. Et tous les observateurs crédibles s’étaient accordés à reconnaître que le scrutin gabonais a été tout sauf un rendez-vous avec la démocratie. Malgré ce tollé, la Cour suprême a validé la plus que suspecte victoire d’Ali Bongo. Et c’est le même Bongo qui, après son forfait, s’est retrouvé à Bamako à l’occasion de ce sommet Afrique-France aux côtés de François l’Africain qui, faut-il le souligner, a eu la dent dure contre les présidents africains qui s’accrochent à leur trône à coups de simulacres d’élections et de tripatouillages des Constitutions. Et Bongo n’était pas seul à être concerné par l’homélie du locataire de l’Elysée. Il était en compagnie d’autres présidents qui pourraient partager le même marigot que Yahya Jammeh. Il faut aussi noter qu’en plus de ces moutons noirs, il y avait aussi des exemples réussis de la démocratie à ce sommet. En somme, ce sommet s’apparente à un bal de démocrates et de dictateurs. Et tant que l’Afrique ne va pas se débarrasser de ces derniers, il sera illusoire et vain de parler de partenariat, de paix et d’émergence dont il était justement question à ce 27e sommet Afrique-France. Autre chose dont les Africains doivent se convaincre, c’est que la lutte contre le terrorisme ne doit pas se mener uniquement sur le terrain militaire. Elle doit aussi intégrer le bien-être des populations et l’emploi des jeunes. Or, de cela, l’on n’en a pas suffisamment parlé à Bamako au point de leur trouver des solutions concrètes. Mais que voulez-vous ? C’est le propre de ce genre de sommets. Et bien des Africains commencent véritablement à se poser la question même de leur pertinence.

« Le Pays »

 

* Anitchié : merci en dioula


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