HomeA la une28e ANNIVERSAIRE DE L’ASSASSINAT DE THOMAS SANKARA : Sous le signe de la résistance

28e ANNIVERSAIRE DE L’ASSASSINAT DE THOMAS SANKARA : Sous le signe de la résistance


 

Jeudi 15 octobre 1987- jeudi 15 octobre 2015, cela fait 28 ans que le président Thomas Sankara et ses douze compagnons d’infortune ont été assassinés. Pour commémorer ce triste anniversaire, l’Union pour la renaissance/Parti sankariste (UNIR/PS) a organisé une série d’activités à Ouagadougou. Parmi celles-ci, des messes de requiem dans les 45 provinces du Burkina Faso, des veillées-débats, des projections cinématographiques et une conférence publique sur les événements du 15 octobre 1987, conférence au cours de laquelle de nombreux hommes et femmes qui ont connu et collaboré avec le Père de la Révolution d’août 1983 ont rendu des témoignages fort émouvants de ce qu’ils ont vécu. Cette commémoration était placée sous le thème : « 28 ans de résistance, à quand la justice ? »

 

C’est une commémoration aux allures d’un meeting politique que le parti de l’œuf, l’Union pour la renaissance/Parti sankariste (UNIR/PS) a organisée le jeudi 15 octobre 2015, sur le terrain Miramar du quartier Tampouy de Ouagadougou, pour marquer d’une pierre les 28 ans de l’assassinat du président Thomas Sankara et ses douze compagnons d’infortune. Des hôtesses arborées de tee-shirts à l’effigie de l’UNIR/PS à l’avant et à l’arrière, et du capitaine Thomas Sankara, étaient chargées d’accueillir et d’installer les différentes personnalités. Le public qui s’est massivement mobilisé sur le terrain à l’occasion scandait des slogans connus comme étant ceux que Sankara lui-même affectionnait : « L’impérialisme, à bas ! », « le néocolonialisme, à bas ! » et d’autres slogans inspirés par le dernier coup d’Etat qu’a vécu le Burkina Faso. L’on pouvait donc entendre : « Le Diendéréisme, à bas ! », « Le kéréisme, à bas », « Le Léonisme, à bas ! » ou encore « Le RSPisme, à bas ! », « Le Fatou Diendiéréisme, à bas ! », « L’Achilisme, à bas ! » ; pour ne citer que ceux-là. Une minute de silence a été observée en la mémoire de tous ceux qui sont tombés lors du putsch manqué du 16 septembre dernier. Et, juste après, l’on pouvait entamer l’hymne nationale comme quoi, on ne pouvait débuter une telle cérémonie sans entonner auparavant l’hymne des vainqueurs.

La Justice ayant commencé à faire son travail, cette commémoration ne pouvait donc pas se tenir au cimetière de Dag-Noën comme cela a toujours été le cas depuis un bon moment ; les corps ayant été exhumés pour besoin d’autopsie, d’où le choix du terrain Miramar de Tampouy. Cette commémoration du 15 octobre se déroule, selon le président du comité d’organisation, Athanase Boudo, dans un contexte particulier où la jeunesse burkinabè s’est mobilisée, comme un seul homme, contre la modification de l’article 37, poussant du même coup le président Blaise Compaoré à la chute. Cette insurrection des 30 et 31 octobre 2014 s’est poursuivie, a-t-il mentionné, par la mise en échec du putsch perpétré par le Général Diendiéré. Un contexte post-insurrectionnel qui, à son avis, a favorisé l’avancée certaine du dossier Thomas Sankara. Pour lui, des millions de Sankara sont nés aujourd’hui et ont même grandi. La prophétie s’est donc réalisée : « Tuez Thomas Sankara et des milliers de Sankara naîtront », disait le capitaine lui-même.

De Mousbila Sankara à Ablassé Ouédraogo, président du parti « Le Faso autrement », en passant par Harouna Traoré, survivant des événements du 15 octobre 1987, Germaine Pitroipa, première femme Haut-commissaire, vivant aujourd’hui en France par la force des choses, Adèle Ouédraogo, ministre du Budget de Sankara d’août 1984 au 15 octobre 1987, Bassirou Sanogo ambassadeur sous la Révolution, ce sont par des témoignages aussi émouvants les uns que les autres qu’ils ont rendu hommage à un « grand homme ». Un homme dont ils ont tous reconnu la bonté, l’humanisme, le franc-parler, l’esprit d’équipe. Pour eux, Thomas Sankara aimait les débats. Et Germaine Pitroipa de souligner : « Je suis la preuve vivante qu’avec Thomas Sankara on pouvait mener un débat du matin au soir, pour peu qu’on ait des arguments ». A son avis donc, l’argument selon lequel on ne pouvait pas discuter avec Sankara que laissaient sous-entendre  ceux qui l’ont éliminé, ne tient pas la route. Pour Thomas Sankara, une femme était égale à un homme, se rappelle-t-elle. « Le 15 octobre 1987, j’étais à Paris. La dernière conversation que j’ai eue avec lui, raconte Germaine Pitroipa, c’était en septembre. » Elle se souvient comme si c’était hier. « Il m’avait dit, je ne veux pas me salir les mains. Je ne trahirai jamais un ami. Si je commence par Blaise, il va falloir aller jusqu’au bout. Je ne veux pas me salir les mains. » Harouna Traoré lui, se souvient que lorsqu’on est venu pour arrêter Sankara, ils étaient tous en réunion, il a levé les mains et s’est rendu. « Comment un homme qui a les mains levées pouvait-il encore tirer et tuer des gens comme on le prétend aujourd’hui ? », se demande-t-il ! Quant à Adèle Ouédraogo, elle était ministre du Budget à l’époque et témoigne que le budget de l’Etat, en son temps, se discutait à la Maison du peuple, devant le peuple et par le peuple. C’est le peuple qui décidait de ce qu’il fallait faire de l’argent disponible. Au conseil des ministres, l’on se rendait compte que c’était un homme qui avait une vaste connaissance de tous les domaines, confie-t-elle. Adèle Ouédraogo reconnait cependant que la Révolution a eu des erreurs comme beaucoup d’autres régimes mais, fallait-il en arriver là ?, questionne-t-elle d’une voix tremblante. Selon elle, l’histoire s’est réécrite. « Je sais qu’aujourd’hui, il dort en paix dans sa tombe », conclut-elle.

Christine SAWADOGO


No Comments

Leave A Comment