HomeA la uneALAIN OLE KAM, DIRECTEUR DU CENTRE DE FORMATION POLITIQUE DE L’UPC A PROPOS DE LA JNP« Si le président Diabré avait été élu en 2015, (…) l’on n’aurait pas servi du riz importé aux invités du chef de l’Etat »

ALAIN OLE KAM, DIRECTEUR DU CENTRE DE FORMATION POLITIQUE DE L’UPC A PROPOS DE LA JNP« Si le président Diabré avait été élu en 2015, (…) l’on n’aurait pas servi du riz importé aux invités du chef de l’Etat »


Tout bâtiment ayant besoin de fondations solides, il en va de même pour la conscience politique dont le levain est la formation. C’est ainsi que les partis politiques qui veulent mieux s’encastrer dans le paysage politique, font de la formation de leurs militants, une des priorités. Et l’Union pour le progrès et le changement (UPC) semble dans la même dynamique en créant un centre de formation politique, à en croire Alain Olé Kam, le premier responsable dudit centre, que nous avons rencontré dans le cadre de notre rubrique « Mardi Politique ». En plus de nous parler de l’intérêt de la formation des militants politiques, Alain Kam donne sa lecture de la gouvernance actuelle.

« Le Pays » : Pouvez-vous brièvement nous présenter le Centre de formation politique de l’UPC ?

Alain Olé Kam (A.O.K): Avant tout propos, je voudrais vous dire merci pour l’opportunité que vous m’offrez de vous parler du Centre de formation politique de l’UPC. Le centre qui fonctionne depuis novembre 2018, est un institut de formation politique qui a pour mission la formation idéologique et politique des élus, des cadres, des militants, des sympathisants de l’UPC en particulier et de l’ensemble des Burkinabè en général. Sa vocation est de contribuer au rehaussement du niveau de formation politique des militants afin d’améliorer la qualité de l’offre politique au Burkina Faso. Il est dirigé par un secrétariat technique composé de quatre cadres et j’en suis le premier responsable. Il fonctionne sur la base d’un plan annuel de formation conçu par le secrétariat technique et validé par le Bureau exécutif central (BEC) du parti.

Quel profil faut-il avoir pour diriger un centre de formation politique comme le vôtre ?

Pour diriger un centre de formation politique, je dirais qu’il faut d’abord avoir l’amour pour la formation, l’amour de transmettre le savoir et de contribuer à la transformation de l’homme. Ensuite, il faut aimer la politique, la vraie. Celle qui consiste à servir ses concitoyens, celle qui consiste à participer au développement de son pays à travers la prise de décisions qui protègent et satisfont l’intérêt général. Enfin, je dirais qu’il faut avoir des aptitudes techniques en conception et animation d’une formation.

Pourquoi un centre de formation politique à l’UPC ? Ce Centre est-il inspiré de l’école de formation du MPP et comment avez-vous été désigné à ce poste ?

Lors du dernier congrès de notre parti, nous avons fait le diagnostic des forces et faiblesses du parti et au nombre des faiblesses, il a été mis en lumière la faiblesse des capacités politiques des militants et cadres du parti. La majorité de nos cadres et militants, y compris moi-même, sommes venus à la politique sans formation politique. Or, la politique est une science. Et comme toute science, elle a ses règles que l’on doit connaître et maîtriser afin de mieux servir le pays et le parti.  Ma désignation est intervenue à l’issue du dernier congrès organisé par notre parti en juillet 2018. La plus haute direction du parti a, sans doute, estimé que je faisais partie des cadres qui disposent d’aptitudes pour manager notre centre de formation et elle a porté son choix sur ma modeste personne.

Comment est-il financé ?

Pour le moment, le Centre est financé par les ressources propres du parti. Mais nous travaillons à ce qu’il puisse assurer son autonomie financière dans les années à venir, grâce notamment aux frais de participation que nous facturerons aux bénéficiaires externes de nos formations.

Si ce n’est pas indiscret, peut-on savoir si vous êtes rémunéré pour cette activité ?

Non, aucune rémunération n’est servie et, du reste, le Centre n’a pas vocation à servir de la rémunération à ses dirigeants.

Quel contenu dispensez-vous à vos militants ?

Le contenu prévu est assez varié. Les modules concernent cinq domaines. Un premier domaine concerne la science politique où nous dispensons des modules sur le management, l’organisation, l’animation, les idéologies, le marketing et la communication politiques, et l’engagement militant. Le deuxième domaine concerne la gouvernance politique où nous avons prévu des modules sur la démocratie, le processus électoral, le Code électoral, les élections. Le troisième domaine a trait à la gouvernance économique qui embrasse l’économie politique, les systèmes économiques, les finances publiques, l’économie internationale. Quant au quatrième domaine, il est réservé à la sociologie politique, à l’histoire politique et la géopolitique. Enfin, un dernier domaine est consacré à la science juridique et administrative dans lequel nous dispensons de modules sur le droit constitutionnel, le droit administratif, l’Etat, la décentralisation et la science administrative. Pour être un bon acteur politique au service de la Nation, nous estimons qu’il faut connaître un peu de tout cela.

Alors, pouvez-vous, en français facile, nous dire en quoi consiste le social-libéralisme qui est l’idéologie de l’UPC ?

C’est simplement la science des idées politiques qui met au centre de sa pensée, de son discours, le développement tant intérieur que matériel des êtres humains pensés dans leur interaction sociale. Sur le plan politique, les valeurs que le social-libéralisme défend, s’opposent à l’autoritarisme et cherchent à impliquer les êtres humains dans le processus décisionnel, d’où l’accent mis sur la démocratie. Sur le plan économique et social, il promeut des institutions cherchant à concilier liberté et égalité à travers notamment la mise en place de régulations ayant pour but d’établir une concurrence équilibrée et des politiques de redistribution visant à accroître les capabilités comme la capacité à agir librement des individus. Elle se distingue par trois valeurs fondamentales à savoir la liberté, l’égalité et la justice sociale. En une phrase, c’est l’idéologie qui met l’homme et tout l’homme au cœur de son action, de son programme à travers des mesures de politiques économiques et sociales qui lui permettent de se réaliser pleinement et harmonieusement en tenant compte de l’autre.
Je profite pour insister sur le fait que le social-libéralisme encore appelé nouveau libéralisme, n’est pas à confondre avec le néo-libéralisme. Ce dernier courant est une doctrine qui prône l’Etat minimal, la suprématie du jeu de la libre entreprise et une économie de laisser-faire total. Au contraire, l’idéologie de notre parti, le social-libéralisme, et je le souligne avec force, prône une économie centrée sur le développement intégral des êtres humains dans leur interaction sociale comme je l’ai dit plus haut. C’est avec le social-libéralisme que s’est développée la théorie de la régulation économique qui postule que l’Etat doit intervenir dans le jeu économique pour assurer une régulation, un encadrement des relations économiques. L’Etat est même encouragé à créer des Sociétés nationales si la création de celles-ci permet de réaliser plus efficacement les objectifs de développement économique et social dans un secteur donné que s’ils étaient laissés aux capitaux privés. C’est ainsi que quand vous prenez le programme de société soumis par le président Diabré en 2015, vous trouverez qu’il prévoit, dans le domaine agricole et en vue de résoudre la question de l’équipement agricole, de créer une Société nationale d’équipement agricole (SONEA), pour assembler sur place les équipements dont nos paysans ont besoin : tracteurs, motopompes, charrues, etc., et une Société nationale des engrais et fertilisants (SONEF) qui va produire sur place ce dont notre agriculture a besoin pour booster ses rendements. Si le président Diabré avait été élu en 2015, il aurait créé ces deux sociétés nationales et l’on n’aurait pas servi du riz importé aux invités du chef de l’Etat lors de la dernière Journée nationale du paysan (JNP) tenue à Gaoua et notre coton aurait conservé son premier rang en Afrique. Voilà en français facile ce que signifie le social-libéralisme dont le slogan est, et tous les Burkinabè doivent le savoir, « l’Homme d’abord ».

Quel type de militants recevez-vous dans votre Centre ? Est-il ouvert au citoyen ordinaire ?

Pour le moment, le Centre n’est ouvert qu’aux militants de l’UPC. Le programme de formation déjà conçu n’est adressé, pour cette année 2019, qu’aux militants du parti du Lion. Dans quelques années, les modules seront ouverts à tout citoyen ordinaire.

Etes-vous satisfait du niveau de formation politique des militants de l’UPC ?

Justement, c’est parce que le niveau de formation politique de nos militants nécessite un renforcement que nous avons créé le Centre.

Votre parti semble déployer une stratégie de reconquête des bases électorales des dissidents de l’UPC. Est-ce exact ?

Nous ne sommes aucunement dans une stratégie de reconquête des bases électorales des dissidents. Non, pas du tout. Parce que nous n’avons perdu aucune base électorale. Nous renouvelons les structures de base du parti qui sont en place depuis 2014. Conformément à nos textes, celles-ci sont établies pour une durée de quatre ans. Et donc, depuis l’an dernier, nous nous conformons à nos textes en procédant au renouvèlement des structures de base.

D’aucuns reprochent à l’UPC son manque de démocratie interne. Etes-vous de cet avis ?

Vous savez, c’est ce que disent généralement des militants qui veulent quitter un parti politique. Souvenez-vous de la démission des dissidents du CDP en 2014. Le manque de démocratie interne a été évoqué comme une des raisons principales. C’est « l’argument » le plus facile à trouver, je le reconnais. Comme on le dit, « quand on veut tuer son chien, on l’accuse de rage ». En politique, quand on veut quitter son parti, on l’accuse de manquer de démocratie interne. C’est connu sous nos cieux.
Tout militant honnête et sincère ne peut affirmer que la démocratie n’existe pas à l’UPC. Parfois même, certains militants reprochent à la haute direction politique du parti et à son président d’être trop démocrates. Donc, vous voyez. Je vous ai dit tantôt que notre idéologie met l’accent sur la démocratie en dotant l’homme de capacités d’agir et donc de choisir librement et de s’exprimer librement. Plus que tout autre parti, la démocratie fait partie de l’ADN de notre parti, de par son orientation politique.

Comment avez-vous accueilli l’offre de dialogue politique faite par le pouvoir en place ?

Personnellement, j’ai été heureux d’apprendre cette offre de dialogue politique. Certains amis que j’ai dans le gouvernement pourront vous dire que j’ai souhaité ce dialogue au regard de la situation que traverse notre pays depuis la prise du pouvoir par le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP). Honnêtement, si ce n’est pas parce que nous sommes en politique et que le politique est toujours dans des calculs politiciens, ce dialogue aurait dû arriver plus tôt. Le contexte dans lequel le MPP est arrivé au pouvoir – accueil au sein du CFOP, insurrection populaire menée solidairement et résistance solidaire au coup d’Etat manqué, forte demande sociale, etc., – devait inciter ce régime à rassembler dès sa prise de pouvoir.

Pensez-vous que de ce dialogue sortira quelque chose de concret ?

Primo, je me pose la question de savoir si ce dialogue n’arrive pas un peu trop tard au regard du contexte actuel. Secundo, le format de ce dialogue n’est pas encore précisément connu. Tertio, son mode opératoire n’est pas défini. Ça fait beaucoup d’inconnues. Cela dit, je souhaite et je prie pour que ce dialogue soit franc et sincère et qu’il permette de discuter de tout sujet qui constitue aujourd’hui une préoccupation majeure pour les Burkinabè. Et qu’au terme de ce dialogue, notre pays retrouve un peu de sa sérénité aux plans sécuritaire, politique, économique et social.

En tant que directeur d’un centre de formation politique, que pensez-vous de la multiplication des partis politiques ?

Je fais une observation préliminaire : je note un contraste entre cette multiplication des partis politiques et la distance que prennent de plus en plus les citoyens vis-à-vis de la chose politique. Si les citoyens s’intéressaient à la chose politique en exerçant massivement leurs droits de vote, je comprendrais que parallèlement, des Burkinabè se lancent dans la création de partis politiques. Ceci étant, si ces créations peuvent améliorer l’offre politique actuelle, si elles peuvent rehausser le niveau du débat politique et si elles se posent en de véritables instruments politiques qui se mettent au service du développement, en tant que patriote et démocrate, je ne peux que m’en réjouir. Je dois reconnaître que malheureusement, la plupart des partis politiques créés récemment, sont venus juste gonfler la pléthore de partis déjà existants au Burkina Faso, sans disposer d’un projet politique sérieux.

Qu’aurait fait l’UPC face à la menace sécuritaire si elle avait été à la place du MPP ?

On a aujourd’hui dépassé la simple menace sécuritaire au Burkina. Il y a malheureusement une atteinte à notre sécurité. Contrairement à ce qu’on lit souvent dans les journaux et à ce que disent les tenants du pouvoir, notre pays n’a pas été attaqué seulement à l’arrivée du MPP au pouvoir. Il vous souviendra que les premières attaques ont commencé pendant la Transition. Il y a eu l’enlèvement du Roumain Lulian Gherghut en avril 2015 à Tambao. Il y a eu l’attaque de la gendarmerie à Samorogouan en octobre 2015 et en août 2015, l’attaque de la brigade territoriale de gendarmerie de Oursi. Et j’en oublie.Sachant que le pays est déjà attaqué, l’UPC a prévu dans son programme de société, un ensemble de mesures sécuritaires et de défense du territoire qui auraient sans doute permis de contenir ce que nous vivons aujourd’hui. Je vous renvoie à la seconde partie du programme de société de notre parti, consacrée à ce que nous avons qualifié d’urgence et de priorités. Et bien sûr, les questions de la sécurité et de la défense nationales font partie de celles-ci. C’est donc dire que l’UPC avait conscience que le pays vivrait des moments difficiles, si rien n’était fait au plan sécuritaire. J’en parle parce que si des mesures de prévention avaient été programmées comme l’UPC l’a fait et si elles avaient été rapidement mises en œuvre, nous aurions certainement pu réduire les lâches attaques que nous subissons presque quotidiennement. Maintenant que notre pays est en pleine crise sécuritaire, l’UPC aurait tenu un discours de rassemblement sans chercher à proférer des accusations sans fondement contre qui que ce soit. Il aurait assumé ce discours dans les actes. Aussi, le déploiement de la réforme du secteur de la sécurité aurait été plus diligent et les actions de développement dans les zones favorables à l’implantation des groupes armés auraient été mises en œuvre diligemment et énergiquement.

Propos recueillis par Drissa TRAORE

 

 

Carte de visite (C.V)

Après l’obtention de son baccalauréat en Côte d’Ivoire où il est né, Alain Olé Kam s’est inscrit en droit à l’université Joseph Ki-Zerbo où il a fait une maîtrise en droit des affaires. Sorti de l’ENAREF comme administrateur des services financiers en 2003, il prend service à la Direction générale de la coopération (DGCOOP). Vacataire à l’UFR/SJP comme chargé de travaux dirigés en fiscalité des entreprises et droit des obligations de 2004 à 2006, Alain Olé Kam est dans le privé depuis 2007 après avoir obtenu dans la même UFR , un Master 2 en Droit communautaire et Droit de l’OMC à Rennes, en France. Il est actuellement gérant de firmes de consulting et consultant indépendant. Il a, à son actif, plusieurs consultations et formations réalisées dans les domaines du droit des affaires, des marchés publics comme les procédures nationales et procédures FED/UE au Burkina Faso et dans des pays d’Afrique centrale et de l’Ouest. Il est également, et ce depuis 2009, vacataire à l’ENAM, chargé du cours de procédures des institutions financières internationales ainsi que membre du bassin des formateurs de l’ARCOP (depuis 2011). Au plan politique, Olé Kam est le secrétaire national chargé du Centre de formation politique de l’UPC depuis le 2e congrès du parti en juillet 2018 où il a été le rapporteur de la Commission thème. En novembre 2014, il a été membre de la commission de rédaction de la Charte de la Transition. Et en 2016, il a fait partie de la Commission constitutionnelle. Actif également sur le terrain associatif, il est membre fondateur de l’Initiative de recherche en sciences juridique et économique (IRJEF).  En décembre 2015, Alain Olé Kam a été fait Chevalier de l’Ordre national.


Comments
  • Merci beaucoup pour le travail abattu

    7 mai 2019

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