HomeA la uneALY NANA, COORDONNATEUR DU MRP, A PROPOS DES ATTAQUES TERRORISTES

ALY NANA, COORDONNATEUR DU MRP, A PROPOS DES ATTAQUES TERRORISTES


L’homme semble avoir gagné la sympathie des populations du Centre-Nord depuis que sa structure, le Mouvement de résistance populaire (MRP), a été lancée à Kongoussi pour venir à bout des attaques terroristes dans cette région du Burkina Faso. Aly Nana, coordonnateur de ce mouvement, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a accepté d’échanger avec nous, sur l’épineuse question des volontaires pour la défense de la patrie. Les moyens, ils en ont besoin, dit-il. Il regrette que la loi votée sur le recrutement des volontaires, soit toujours en attente.

«  Le Pays » : La résistance populaire est entrée dans sa phase opérationnelle, de façon précise ; quel est le travail exact de vos hommes sur le terrain ?

Aly Nana : Je voudrais saisir cette occasion pour dire merci au journal « Le Pays » qui, depuis la création de ce mouvement, le 5 octobre 2019, à Kongoussi, nous a accompagnés en matière de communication et d’adhésion populaire. Pour répondre à votre question, depuis octobre, nos structures sont en alerte sur le terrain. Et nous couvrons 30 provinces sur les 45 que compte le Burkina Faso. Dans chaque province, nous avons des coordinateurs du Mouvement de résistance populaire qui sont chargés de mettre nos structures en place dans les différents villages et départements. Ces structures, nous les appelons les comités de surveillance et de défense du territoire et ces hommes sont sur le terrain. Ils travaillent en étroite collaboration avec nos Forces de défense et de sécurité (FDS), sous leur encadrement et leur contrôle. Tout ceci démontre que nos hommes abattent du travail. Pour preuve, les deux attaques à Tébra dans la commune rurale de Bourzanga et à Titao, dont les dernières informations font cas de 60 terroristes repoussés, sont l’œuvre de nos structures. Malheureusement, nous avons enregistré quelques pertes en vies humaines que nous déplorons. 5 mois après le lancement de ce mouvement, nous pouvons dire qu’il est dans sa phase d’opérationnalisation. Nous travaillons réellement sur le terrain avec les moyens du bord.

Et en 5 mois, à combien pouvez-vous estimer le nombre de personnes que vous avez réussi à mobiliser ?

Quand nous lancions le mouvement à Kongoussi, nous avions dit que dans chaque village, nous allions mettre en place des structures de surveillance et de défense villageoises composées entre 60 et 100 hommes. Donc, si nous prenons les 30 provinces et la moyenne de 60 personnes par village, nous avons des milliers de résistants au sein de notre mouvement. Nos structures sont composées de Koglwéogo, de Dozo, d’anciens militaires, d’anciens CDR et des jeunes qui ont décidé de ne pas fuir mais de rester plutôt pour défendre leurs villages respectifs.

Pour défendre son village, il y a des difficultés qu’on rencontre ; à votre niveau, quelles sont les difficultés que vos hommes rencontrent sur le terrain ?

Les difficultés que nous rencontrons sont énormes et elles sont fondamentalement liées au manque de moyens. Nous avons en face de nous des bandits, avec des armes lourdes qu’ils n’arrivent souvent même pas à manipuler. Nos hommes sont déterminés certes, mais cette détermination n’est pas soutenue par des moyens adéquats. C’est vrai que les FDS nous apportent une aide logistique, l’encadrement et la formation nécessaires, mais ce qui nous manque sur le terrain, ce sont les moyens de réplique. Nous n’avons pas les moyens appropriés pour faire le travail comme il se doit. Sinon, la motivation et l’adhésion populaire y sont. Au regard de ce dont nous disposons, nous pouvons dire que nous avons plus de volonté que de moyens.

Mais comment arrivez-vous à résorber ce problème en attendant ?

Nous sommes actuellement en train de travailler avec les moyens du bord qui sont légaux et conventionnels, avec l’appui des Forces de défense et de sécurité. Nos hommes ne travaillent pas seuls. Toutes les stratégies, toutes les organisations dans les villages sont contrôlées par nos FDS. Donc, la question de moyens est liée à la logistique et à l’encadrement.  Cela dit, sachez que nous travaillons dans la légalité. Nous sommes un mouvement républicain, patriotique et nous agissons dans la légalité en tenant compte du respect des droits de l’homme.

Mais ce que le lecteur voudrait savoir, c’est si vous travaillez au moins avec du matériel qui puisse vous permettre de sauver vos vies ?

Oui, puisque nous arrivons à repousser les attaques dans les villages depuis notre création. A Namisiguima, avec une attaque de plus de 100 terroristes, nous sommes arrivés à les repousser. Cela a été également le cas à Bourzanga et même à Titao où les terroristes reviennent de manière récurrente. Mais nous les avons toujours repoussés. Cela veut dire qu’avec les moyens du bord et la détermination, nous y parviendrons.

D’aucuns craignent des exactions de la part de vos hommes sur le terrain ; que leur répondez-vous ?

Ces propos viennent de ceux qui n’ont pas compris le sens du Mouvement. Nous l’avons déjà dit, le mouvement est républicain et patriotique. Il est né suite à un certain nombre de constats, d’exactions commises par certains groupes par le passé. Mais aujourd’hui, nous pouvons rassurer que nous travaillons dans la légalité et aucune exaction n’est commise. Et nous travaillons même à sensibiliser les gens qu’aucune ethnie, aucune communauté ou région ne doit être indexée du fait du terrorisme. Seuls les terroristes doivent être incriminés et traités comme tels. Toutes nos structures mises en place et les membres qui les composent, sont répertoriés et les listes sont transmises à la hiérarchie militaire. Donc, à ce niveau, il n’y a pas de crainte à avoir. Maintenant, ces propos peuvent être de bonne guerre parce qu’il y a des gens aussi qui trouvent leur compte quand la situation s’enlise et ce sont ces personnes qui peuvent véhiculer de tels propos. Et nous sommes dans une situation où les gens préfèrent critiquer plutôt que de proposer. Nous les invitons donc à proposer des solutions. Nous, nous avons eu le courage et la détermination nécessaires pour prendre cette initiative même si aucune œuvre n’est parfaite. En ce sens, nous travaillons à nous perfectionner et à éviter un certain nombre d’écueils dans le comportement de nos hommes. Je vous assure donc qu’aucune exaction n’est possible au sein de notre Mouvement.

« Je félicite par ailleurs, l’ensemble de la classe politique qui a voté la loi à l’unanimité »

Vous êtes au courant de la mise en place de la loi sur les volontaires de défense pour la patrie, quel est la différence avec votre mouvement ?

Je vais profiter de vos lignes pour inviter les autorités à accélérer la concrétisation de cette loi. Je félicite par ailleurs, l’ensemble de la classe politique qui a voté la loi à l’unanimité. Cela prouve que cette voie demeure la solution. Nous leur demandons d’accélérer ce processus, au regard du changement de stratégies des terroristes qui s’attaquent maintenant aux civils parce qu’ils savent que cette décision risque d’apporter la réponse adéquate au terrorisme. Pour répondre à la question, il n’y a pas de différence fondamentale entre les volontaires et le Mouvement de résistance populaire. La seule nuance, c’est que les volontaires ne sont pas d’abord opérationnels. La loi n’est pas encore effective. Donc, on ne peut pas dire qu’il y a des volontaires sur le terrain à ce jour, aux côtés de nos FDS. Tous ceux qui opèrent aujourd’hui aux côtés de nos Forces de défense, sont les membres de nos comités de défense et de surveillance villageois. Ce sont les Dozos, les Koglwéogo, des militaires retraités, d’anciens CDR. Ce sont nos structures qui sont en train de mener ce travail parce que la loi n’est pas encore effective. Nous attendons donc la prise du décret d’application de cette loi des volontaires afin de travailler de manière harmonieuse avec les volontaires qui seront recrutés. Nous lançons donc un appel afin que pour la mise en place du recrutement, on prenne en compte ce qui existe déjà à savoir nos structures de base qui agissent sur le terrain depuis 5 mois. Il faut qu’on enrôle d’abord nos structures et ensuite, s’il y a d’autres volontaires, qu’on les ajoute. Parce que si l’on superpose d’autres structures parallèles en plus de celles déjà existantes, je doute fort qu’il y ait un amalgame et cela risque de mettre à mal la collaboration.

A vous entendre, vous souhaitez qu’on recrute directement vos éléments qui sont déjà sur le terrain. N’est-ce pas ?

Qu’on enrôle nos éléments d’abord et ensuite, s’il y a d’autres volontaires, qu’on puisse aussi les enrôler. Parce que déjà, on a avec nous, des hommes nécessaires et aguerris. C’est la logistique qui nous manque.

C’est vrai que vos hommes font déjà un travail sur le terrain. On sait aussi qu’il y a un prototype robot qui est défini dans la loi pour pouvoir être volontaire. Est-ce que vous pensez que l’ensemble de vos éléments répondent à ces critères d’enrôlement ?

Vous savez, nos structures sont hiérarchisées. S’il arrive qu’un de nos éléments ne remplisse pas les critères pour l’enrôlement de volontaires, nous avons nos représentants sur place qui peuvent échanger avec son chef hiérarchique. Mais ce qui est sûr, si un de nos éléments ne remplit pas les conditions pour être enrôlé, soyez rassurés qu’il n’en fera pas partie. Il y a d’autres actions qu’il peut mener pour servir sa communauté. Vous savez, nous n’avons aucune considération que celle de défendre notre territoire. Nos structures sont mises en place de façon démocratique. C’est une démocratie directe qui est pratiquée. Si on veut mettre en place une structure du Mouvement de résistance populaire (MRP), les villageois se retrouvent autour de leur chef ou d’une personne morale. Lors de cette rencontre, tous ceux qui veulent s’enrôler déclinent leur identité. Avec cette technique, même si tu traînes des casseroles, évidemment, l’assistance va réagir ; d’où le contrôle citoyen. Cela se fait comme sous la Révolution. Après cette étape de désignation, nous établissons une liste de volontaires avec les références de leurs pièces d’identité qu’on remet par la suite à la hiérarchie militaire. Même s’il s’agit de milliers de personnes, nous connaissons nos hommes.

« On ne peut pas nous dire actuellement que ceux qui nous attaquent, viennent d’ailleurs. Ce sont des gens qui vivaient avec nous et qui connaissent bien nos familles »

Ceux qui attaquent sont peut-être des gens qui maîtrisent ces zones. Est-ce que vous ne craignez pas des infiltrations ?

C’est tout ce travail que nous devrons faire aujourd’hui. C’est pour cette raison que nous avons placé ce mouvement sous la tutelle de la hiérarchie militaire qui est spécialiste en guerre. C’est vrai que nous allons travailler à éviter les infiltrations. Parce que cet aspect est très important. Car, on ne peut pas nous dire actuellement que ceux qui nous attaquent, viennent d’ailleurs. Ce sont des gens qui vivaient avec nous et qui connaissent bien nos familles. Pour cette inquiétude, soyez rassurés que des infiltrations ne seront pas possibles. Nous avons nos stratégies qu’on ne peut pas dévoiler. Nous avons aussi une stratégie de filtrage des enrôlés. A ce niveau, il n’y a pas de crainte. Nous avons élaboré des stratégies avec les Forces de défense et de sécurité. Il n’y a pas de risques d’exactions, d’infiltrations et de règlements de comptes.

Quel type de collaboration y a-t-il entre vous et les FDS ?

Ce sont nos FDS. La loi est claire. Ce sont elles qui doivent assurer la défense et la sécurité du territoire. Partant de ce principe, toute force qui a pour objectif de les appuyer dans cette tâche, doit évidemment être sous leur responsabilité. Aujourd’hui, nos FDS sont ouvertes. On échange régulièrement. Elles nous prodiguent des conseils et nous aussi, nous leur faisons souvent des suggestions. Nous avons une collaboration très franche, et cela vaut son pesant de sécurité.

« Nous assurons que ces volontaires ne deviendront pas des milices »

La mise en œuvre de la loi piétine-t-elle?

Il faut qu’on aille vite et au charbon, parce que le temps joue contre nous actuellement. Ce n’est pas une loi comme les autres. C’est une loi qui répond à un besoin vraiment pressant. Cela fait 4 ans que nous subissons ces attaques avec environ 800 morts. On ne peut donc pas avoir le même rythme pour mettre en application cette loi, comme si nous étions dans une situation ordinaire. Il faut aller vite pour concrétiser la loi sur le recrutement des volontaires pour que les gens aient les moyens substantiels de se défendre. Vous savez que nos ennemis ont changé de stratégies. Ils sont maintenant en train de perpétrer les attaques partout. C’est vrai qu’ils ont diminué en nombre mais à travers les attaques éparpillées qu’ils perpètrent en nombre réduit, ils créent la psychose. Deux, trois voire quatre personnes attaquent, juste pour créer la zizanie. Avec cette réalité, j’invite les autorités politiques, si elles nous lisent, à lever tous les obstacles pour mettre en vigueur cette loi. Les gens sont en train de parler d’élections et d’enrôlement. Mais, c’est qui on va enrôler ?

Comment arrivez-vous à savoir que ces terroristes n’attaquent plus en grand nombre ?

Nous avons des informations. Quand il y a des mouvements et des attaques dans nos zones d’intervention, dans les minutes ou heures qui suivent, nous sommes informés. Le reste fait partie de notre stratégie.

D’aucuns pensent que ces volontaires peuvent devenir des milices. Qu’en pensez-vous ?

Nous assurons que ces volontaires ne deviendront pas des milices. Ecoutez, les CDR ont été armés. Ils ont opéré durant 4 ans. Mais lorsqu’après le 15 octobre 1987, ils ont été dissous, avez-vous vu un ancien CDR devenir milicien ? Non ! En attendant, on fait quoi ? On ne peut pas s’asseoir et attendre une solution optimale. Il n’existe rien qui n’ait pas d’inconvénients ni de risques. On essaie de les minimiser au maximum et au fur et à mesure, on arrange. S’il y a des imperfections, on va essayer d’améliorer. Pour l’instant, nous allons faire avec cette résistance populaire ainsi que mettre en œuvre l’appel du chef de l’Etat par rapport au recrutement de volontaires pour la défense de la patrie. Le débat est ouvert. Tout Burkinabè qui croit qu’il peut apporter d’autres solutions, nous l’attendons impatiemment.

Qu’attendez-vous de façon générale des Burkinabè ?

Ce que nous attendons d’eux, c’est ce qu’ils sont en train de faire. La résilience, la détermination et l’adhésion populaire. Actuellement, il y a une adhésion populaire au Mouvement de résistance populaire. Voici pourquoi aucun député ne s’est opposé au vote de la loi sur le recrutement des volontaires. Quand on lançait le mouvement, les gens ont critiqué. On voulait quelqu’un qui allait voter contre cette loi. On serait allé lui demander de nous proposer sa solution à lui. De par l’histoire, c’est de cette façon que ce genre de crise a été réglé.

Propos recueillis par Boureima KINDO

 

 


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