HomeA la uneAN I DE L’INSURRECTION  POPULAIRE : En janvier 2010, « Le Pays » avait déjà publiquement prévenu Blaise Compaoré

AN I DE L’INSURRECTION  POPULAIRE : En janvier 2010, « Le Pays » avait déjà publiquement prévenu Blaise Compaoré


 

Dans sa lettre de l’éditeur de janvier 2010, le Fondateur des Editions « Le Pays », tel un visionnaire, mettait en garde Blaise Compaoré sur les risques qu’il encourait en voulant coûte que coûte modifier l’article 37* de la Constitution de notre pays. Quatre ans plus tard,  l’histoire lui a donné entièrement raison puisque les 30 et 31 octobre 2014, Blaise Compaoré, a dû quitter le pouvoir sous l’effet d’une insurrection populaire, abandonnant ses proches à eux-mêmes, pour trouver refuge en Côte d’Ivoire. Comme quoi, « on ne peut jamais réveiller quelqu’un qui ne dort pas ». Car, c’est peu de dire que si Blaise Compaoré avait écouté ces conseils qui lui étaient prodigués sans frais, il serait aujourd’hui perçu comme un héros, par qui notre pays allait connaître sa première alternance politique pacifique. Hélas ! Lisez plutôt

« Il y a moins d’une semaine, l’Eternité expurgeait de ses mystérieuses entrailles,  une nouvelle année. Fille cadette du temps incommensurable, elle porte sur son front un diadème lumineux avec une  inscription : 2010. Un chiffre qui annonce le dernier sprint de la première décennie du 21è siècle. Les années sont ainsi faites qu’elles portent à la fois les marques de la vie et de la mort, des espoirs et des craintes, des certitudes et des doutes, des regrets et des nostalgies. Et comme les jours, elles nous glissent entre les doigts sans que nous ne puissions rien faire face au néant qui est notre ultime destination. 2010, une année qui se situe au confluent de deux décennies. Douze mois qui ont chacun une importance toute singulière pour le Burkina Faso, ce petit espace cosmique qui se gargarise  de l’appellation flatteuse et de plus en plus surannée de « pays  des hommes intègres ». Cette année qui s’annonce pour le Burkina Faso, est grosse d’une infinité de possibles que nous devons nos attacher à rendre vertueux par la force de notre génie politique, par le renoncement à nos égoïsmes, par l’abandon de nos absolutismes  et de nos méchancetés. Un pays n’est jamais, ni définitivement à l’abri des périls et ceux-ci sont multiformes, divers et gradués en gravité. Mais le péril le plus dangereux pour notre pays, celui qui cristallisera en 2010 toutes les passions, qui sonnera le réveil des énergies  assoupies de Thanatos, sera sans aucun doute la révision annoncée de l’article 37 de notre constitution. En dépit de l’adage selon lequel l’art d’un prince consiste à faire faire le mal par les autres, on éprouve quelques difficultés à croire que Blaise Compaoré ait pu inspirer tous ces zélateurs qui, couteau au poing, dansent autour de notre constitution, prêts à la malmener en son article 37. Quoi qu’il en soit, si c’est le chef de l’Etat qui a instruit ces cavaliers de l’apocalypse de faire sonner le glas pour la limitation des mandats présidentiels, alors, que les dieux, dans leur infinie sagesse, lui fassent entendre les clameurs réprobatrices qui montent déjà des premiers rangs de la foule. Qu’il écoute avec discernement les pulsations du pays sans penser aucunement à la solution du référendum dont on connaît la qualité trompeuse des résultats, du fait de l’indigence matérielle et  cognitive des populations. On peut se permettre de poser des questions sur les motivations et la sincérité des révisionnistes, la qualité de leur loyauté envers le chef de l’Etat. On peut surtout s’interroger sur la densité de l’estime, de l’amitié, de l’amour qu’ils portent à Blaise Compaoré. Certes, les hommes sont insatiables de gloire, mais 22 ans de pouvoir ce n’est pas 22 mois de farniente. C’est bien plus que cela. Le président  de tous les Burkinabé doit faire valoir ses droits à la retraite après 2015.

Plombée par les mensonges et l’absence de vision

Ceux qui, dans l’ombre ou à découvert, veulent assassiner  l’article 37, ne veulent de bien ni au chef de l’Etat, ni au Burkina Faso, encore moins à son peuple. Ils veulent du bien à eux-mêmes. Ils veulent la perpétuation de ce que  le système a de mielleux pour eux-mêmes d’abord. Cet acharnement à toujours imaginer Blaise Compaoré au gouvernail, renvoie à l’amour de la fougère pour l’arbre.  En effet, la fougère se veut toujours plus florissante, plus abondante, enlassant et enserrant  sans cesse l’arbre, sans jamais se préoccuper de son étouffement.  Epargnez la berezina  à ceux que vous aimez ou croyez aimer. La courtisanerie est l’une des principales tares de l’Afrique d’aujourd’hui, de l’Afrique des palais présidentiels. De cette Afrique pourtant vieille en douleurs et en souffrances, mais jeune en rires et en gaîté  et dont l’aspiration constante à aller de l’avant est épisodiquement contrariée, plombée par les mensonges et l’absence de vision. Les courtisans tournent aussi longtemps qu’ils peuvent autour du prince avec la conviction que le nez ne peut sentir le cerveau pourri. Or, aucun gouvernant éclairé et avisé dans ce monde globalisé ne doit ignorer que l’histoire de l’humanité est un perpétuel  mouvement de balancier, oscillant entre le nécessaire et l’inutile. Pas plus qu’il ne doit ignorer  que les véritables et seuls héros sont les peuples, non les souverains et les courtisans. Quelle que soit la prégnance de ces derniers sur le gouvernant, il ne doit jamais oublier que là où il n’y a pas de vérité, il n’y a pas de grandeur et que, surtout, il doit marcher le moins longtemps possible vers une sortie glorieuse, dans l’amour de son peuple. Raspoutine incarne à lui seul, toute la mythologie de la courtisanerie. Il a fait plus de mal que de bien au Tsar et à sa cour. Or beaucoup de Raspoutine arpentent les allées des pouvoirs africains.

La gloire est insatiable comme un ogre

Il y a toujours quelque chose de menaçant dans l’unanimisme  constant et dans le silence permanent. Le gouvernant doit éviter d’être comme ce souverain qui avait fermé  les yeux pour  ne point voir le mal et qui s’était finalement retrouvé sans défense face  à la calamité. Méditons aussi cette pensée du sage qui déclare désabusé : «vous ne pourrez pas facilement me dégoûter de la guerre. On dit qu’elle anéantit les faibles, mais la paix en fait autant.» De décembre 1998 à janvier 2010, cela fait douze années fermes. Le Burkina Faso revient de loin, de très loin. Depuis cette année-là, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, raviné  ou nivelé des espaces. De grands acquis démocratiques générés par les réformes consécutives à l’horrible braconnage de Sapouy, ont été engrangés. N’oublions jamais la nasse quand le poisson est pris. Ne perdons jamais de vue qu’il y a tant de choses à faire dans notre pays. Le monde tourne et le temps presse. Sachons  raison garder pour éviter tout recul. A l’endroit des Raspoutine et du peuple des indifférents, à l’endroit des menteurs et des flatteurs, il convient sans doute de savoir que nous n’augmenterons pas notre vertu en nous livrant de façon effrénée à l’hédonisme, à la jouissance. La postérité pourrait nous le compter plutôt comme faute grave. La gloire est insatiable comme un ogre. Mais le plus important pour le gouvernant, c’est de gérer son pays en donnant des exemples sublimes. « Il devient alors comme l’étoile polaire qui demeure sereine et immobile pendant que toutes les autres étoiles se meuvent autour d’elle ». Et l’Afrique compte déjà ses étoiles polaires qui ont pour noms John Jerry Rawlings, Léopold Sédar Senghor, Mathieu Kérékou, Alpha Oumar Konaré etc. Mais il est vrai que, d’un peuple à l’autre, les différences sociologiques, historiques et caractérielles sont abyssales et influencent dans un sens ou dans l’autre la perception et le comportement du gouvernant. Plaise à tout dirigeant de savoir que « sur la terre, au commencement, il n’y avait pas de chemins. Ceux-ci ont été faits par la foule anonyme des passants, qui se sont depuis, éteints ». Chacun doit jouer sa partition et quitter les planches, dans l’honneur et sans bruit. Le propre d’une société humaine, soucieuse de son devenir, c’est de constamment se reproduire, se renouveler à travers ses intelligences, ses compétences, ses expertises et ses forces.  Il ne devrait donc y avoir ni crainte ni déshonneur à appliquer cette loi universelle de la reproduction. En l’occurrence, ce qu’il faut craindre, c’est le temps qui vient à bout de tout, même de la gloire. Les hommes et les femmes du Burkina Faso, ce petit morceau de terre perdu dans l’Eternité immobile, ont sans aucun doute des qualités mais aussi, comme tout le monde, des défauts. Ceux du Burkina ont pour noms : méchanceté, jalousie, affabulations, mensonges et médisances. Ils sont tout le contraire de ce qui est cher à Auguste Comte : le positivisme. Au Burkina, l’enfer pour chacun de nous, c’est le négativisme qui luit dans l’œil de l’autre. Entre eux, les Burkinabé sont même parfois cruels. Les « success stories » qui devraient, tel un élixir,  les stimuler, emplissent leur  cœur et leur âme de  vilains sentiments. Ils cherchent plutôt ardemment les moyens de tirer leur compatriote vers le bas.

L’extrême assurance est pernicieuse, voire dangereuse

Toutefois, ce peuple, aussi paradoxal et complexe que cela puisse paraître, n’a pas la rancune tenace envers ses gouvernants. En la matière, le passé nous fournit des exemples édifiants. Nous avons  en nous la culture intrinsèque de la paix, la culture des peuples de la savane. Nous n’avons pas la culture de violence de certains peuples africains. Au Burkina, comme l’atteste le passé, on peut s’agiter, gesticuler, se dire prêts pour la vengeance, mais quand vient l’heure de franchir le pas, le pardon,  longtemps fossilisé en nous, remonte à la surface. Les Burkinabé savent jeter leur rancune à la rivière. Au demeurant, très rares sont les gouvernants qui ont su, au dernier moment, parler avec humilité, dans un élan de contrition et subir malgré tout, les foudres mortelles et humiliantes de leur peuple. L’extrême assurance est pernicieuse, voire dangereuse parce qu’elle est davantage fondée sur l’émotion que sur la rationalité. Le Burkina mérite mieux que le désordre, et la fable enseigne que le lion, fût-il très fort, peut hélas, succomber sous le rassemblement acharné des fourmis. Puisse le ciel nous épargner un spectacle aussi horripilant. Mais commençons d’abord par rejeter toute idée de désacralisation de l’article 37 qui a déjà si bien été sanctifié par la constitution de juin 1991. Que cette année charnière de 2010 inspire et fortifie chacun dans les valeurs cardinales du travail, de la tolérance et de la fraternité.”

*L’article 37 de la Constitution du Burkina Faso fixe la durée du mandat présidentiel à cinq (5) ans renouvelable une fois.


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