HomeA la uneANNIVERSAIRE DE L’ASSASSINAT DE NORBERT ZONGO : « 16 ans après, la mobilisation ne faiblit pas»

ANNIVERSAIRE DE L’ASSASSINAT DE NORBERT ZONGO : « 16 ans après, la mobilisation ne faiblit pas»


Le 16e anniversaire de l’assassinat du journaliste Norbert Zongo et de ses trois compagnons d’infortune a été commémoré le 13 décembre 2014, à Ouagadougou. En plus du traditionnel dépôt de gerbes de fleurs sur les tombes des disparus au cimetière de Gounghin, une marche dans les artères de la ville de Ouagadougou et un meeting suivis d’un concert à la place de la Révolution, ont été les moments forts de cette commémoration organisée par le Collectif  des organisations démocratiques de masse et de partis politiques (CODMPP)  et la Coalition nationale de lutte contre la vie chère, la corruption, la fraude, l’impunité et pour les libertés (CCVC).

« Je peux vous rassurer que justice sera rendue à Norbert Zongo et à tous ceux qui sont tombés sous les balles assassines de Blaise Compaoré. » C’est ce qu’a déclaré le Premier ministre Yacouba Isaac Zida, à la place de la Révolution, le 13 décembre 2014, lors de la commémoration du 16e anniversaire de l’assassinat du journaliste Norbert Zongo et de ses trois compagnons d’infortune : Ernest Zongo, Blaise Ilboudo et Ablassé Nikiéma. Devant l’insistance de la foule pour qu’il prenne la parole, le Premier ministre ne s’est pas débiné. « Je suis venu, a-t-il expliqué, pour écouter les aspirations du peuple et son message est clair : le peuple veut la justice ».

En effet, de retour à la place de la Révolution après une marche à travers les artères de la ville en scandant des slogans, dénonçant, entre autres, les crimes et l’impunité sous le pouvoir de Blaise Compaoré, la population attendait le message du Collectif  des organisations démocratiques de masse et de partis politiques (CODPP)  et de la Coalition nationale de lutte contre la vie chère, la corruption, la fraude, l’impunité et pour les libertés (CCVC). Les derniers réglages s’opéraient quand, contre toute attente, un invité a traversé la foule pour prendre place sous les tentes dressées à cet effet : le Premier ministre Yacouba Isaac Zida, accompagné du ministre de la Justice, de celui de la Communication, celui de l’Administration territoriale, de la décentralisation et de la sécurité, et celui des Sports.

Ceux-ci ont été rejoints plus tard par le président du Conseil national de la transition (CNT), Shériff Sy. C’est alors que l’hymne du Collectif fut chanté et le représentant des familles des victimes du drame de Sapouy, Victor Zongo,  frère de Norbert Zongo, prit la parole pour exprimer la reconnaissance desdites familles pour les 16 années d’engagement de la population pour que lumière soit faite sur l’affaire Norbert Zongo. « Nous approchons du but », a-t-il dit.  «  L’homme pour lequel vous vous êtes levés était un vaillant journaliste d’investigation, engagé pour la défense des droits de l’Homme et la cause des sans-voix. Durant son parcours journalistique, il ne cessait de dénoncer l’impunité, l’injustice, les crimes de sang, les crimes économiques et la corruption dans notre pays. C’est en enquêtant sur la mort de David Ouédraogo, chauffeur du frère de Blaise Compaoré, François Compaoré, que Norbert Zongo a été assassiné », a rappelé Victor Zongo. Et de conclure que les familles Zongo, Ilboudo et Nikièma attendent de voir le dossier jugé et que les assassins soient arrêtés, jugés et condamnés à la hauteur de leur forfait. Puis ce fut au tour de la veuve de Norbert Zongo de dire bonjour au public, sans céder à la demande de celui-ci qui voulait qu’elle prenne la parole.

Le président du collectif, Chrysogone Zougmoré, a, pour sa part, rappelé le contexte particulier dans lequel se tient le 16e anniversaire de la mort de Norbert Zongo. « Pour nous, Collectif de lutte contre l’impunité, un des traits caractéristiques de ce contexte, c’est l’espoir de voir aboutir le dossier Norbert Zongo », a-t-il confié. Faisant allusion à l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, « qui résonne comme un résultat du sursaut patriotique salvateur consécutif au drame de Sapouy », Chrysogone Zougmoré a confié qu’elle a fait renaître au sein des démocrates, l’espoir d’un changement en matière de gouvernance et de démocratie. « Pour les militants et sympathisants du pays réel et pour notre jeunesse, c’est enfin l’espoir de voir étancher cette insatiable soif de justice, une soif immense et intense qui nous a conduits dans la rue, au cours des 15 dernières années », a-t-il lancé. Selon lui, après le départ forcé de Blaise Compaoré, le Collectif et la coalition contre la vie chère pensent que les conditions de la manifestation de la vérité et de l’exercice correct de la justice sur les nombreux dossiers de crimes économiques et de crimes de sang impunis, particulièrement  celui de Norbert Zongo, sont réunies.

Et de rappeler le contenu de la plateforme revendicative du Collectif, réactualisé pour être adaptée à l’actualité, notamment la demande de la dissolution du RSP, la vérité et la justice pour les martyrs de l’insurrection populaire et l’identification et la saisie des biens et fonds détournés par le régime du pouvoir Compaoré et la prise de mesures idoines en vue de recouvrer l’ensemble des fonds expatriés.

Tout  en prenant acte de la volonté du chef de l’Etat, Michel Kafando, et de celle du Premier ministre, Yacouba Isaac Zida, de faire de la lutte contre l’impunité, la corruption et la gabegie leur cheval de bataille, Chrysogone Zougmoré a dit attendre que des actes concrets soient joints à la parole.

En plus des tombes de Norbert Zongo et de ses compagnons,  des gerbes de fleurs ont été déposées sur les  tombes des matyrs de l’insurrection des 30 et 31 octobre derniers.

C’est avec un grand espoir que les membres du CODPP de la CCVC et les autres mouvements de lutte contre l’impunité ont déposé les gerbes de fleurs sur les tombes de Norbert Zongo et de ses compagnons, le 13 décembre dernier, aux environs de 7h. Un espoir de franchir au moins une étape importante dans le dossier Norbert Zongo pour lequel, faut-il le rappeler, un non-lieu a été prononcé sous le régime de Blaise Compaoré.  Avec Me Bénéwendé Sankara, Chrysogone Zougmoré et quelques membres de la famille de Norbert Zongo aux avant-postes, les participants à la commémoration ont, après quelques instants de recueillement, déposé les gerbes de fleurs, tour à tour sur les tombes de Abdoulaye Nikiéma, de Blaise Ilboudo, de Ernest Zongo, de Flavien Nébié et de Norbert Zongo, sous les « lala Silga » de la chorale du Collectif.  Pour la première fois depuis 1998, la joie semblait se lire sur les visages, en ce moment solennel de la commémoration du 13- Décembre. « Enfin justice peut être rendue à toi et à tes frères », pouvait-on lire sur une pancarte. « L’espoir est permis de connaître au moins la vérité sur le quadruple assassinat de Sapouy », confient des membres du mouvement « Le Balai citoyen ».  Une joie qui se comprend aisément puisque, selon Guézouma Sanogo, président de l’Association des journalistes du Burkina, « avec la fuite des présumés commanditaires, nous supposons que les menaces et les peurs qui pesaient  sur tous ceux qui avaient des choses à dire, se sont éloignées et que des témoignages viendront étayer le dossier ».  L’optimisme est donc grand, vu la volonté des nouvelles autorités de la transition de faire la lumière sur les crimes économiques et de sang qui ont été commis sous le régime de Blaise Compaoré. « Il reste donc à espérer que des magistrats se saisissent du dossier pour le rouvrir et l’instruire conformément aux règles de droit », a ajouté Guézouma Sanogo.

Une absence remarquée des responsables du Mouvement « Le Balai citoyen »

Après les tombes de Norbert Zongo et de ses compagnons, le public s’est rendu sur celles des 7 martyrs de l’insurrection des 30 et 31 octobre, toujours au cimetière de Gounghin, pour y déposer des gerbes de fleurs. La célébration du 16e anniversaire s’est faite sans les pères fondateurs du mouvement Le Balai Citoyen. Sam’s K le Jah et Smockey qui, au cours des célébrations précédentes étaient pourtant présents. Ceux-ci n’ont pas été de la partie cette année, non seulement au cimetière, mais aussi à la place de la Révolution. Il n’y avait que les membres du mouvement. Joint au téléphone, Smockey a justifié son absence par le fait qu’il était en studio. « Je devais terminer un album ; c’est pourquoi je n’étais pas là ». Quant à Sam’s K le Jah qui était injoignable, Smockey a confié qu’il ne savait pas où il se trouvait.

Thierry Sami SOU et Yannick SANKARA

ENCADRE 1

Quelques points de la plateforme revendicative du Collectif

1-Pour les martyrs de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 :

Vérité et justice pour les martyrs de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 ;

Accord de statut de pupilles de la Nation aux enfants des martyrs, ainsi qu’à ceux des blessés handicapés à vie.

2-Pour les libertés politiques et démocratiques

Introduction dans la loi fondamentale de la reconnaissance de l’insurrection populaire comme mode de contestation et de lutte du peuple ;

Dissolution du RSP (Régiment de sécurité présidentielle) ;

Instauration des candidatures indépendantes aux élections municipales et législatives.

3-Contre l’impunité des crimes de sang :

Réouverture et instruction sérieuse du dossier Norbert Zongo et de ses compagnons ;

Identification et jugement de ceux qui ont ordonné de tirer, ainsi que de ceux qui ont tiré sur les insurgés des 30 et 31 octobre 2014.

ENCADRE 2

Quelques réactions après la marche-meeting

Naïm Touré

« J’ai espoir que la lumière sera prochainement  faite »

« Je suis venu pour soutenir le peuple libre et indépendant du Burkina Faso. J’avoue avoir été surpris, comme beaucoup d’ailleurs, par la présence du Premier ministre, de membres du gouvernement et du président du CNT. Mais je pense que le Premier ministre a la corde au cou, si je puis m’exprimer ainsi. Il avait promis que toutes les décisions se prendraient ici à la Place de la Révolution et il ne peut donc se mettre en marge des aspirations du peuple. Je salue sa présence et son intervention. Cela nous encourage à persévérer dans notre lutte. J’ai espoir que la lumière sera prochainement  faite sur l’assassinat de Norbert Zongo et de ses compagnons. »

Mariam Traoré

« On attend de voir !»

« Le Premier ministre a pris des engagements devant le peuple. On attend de voir s’il va  effectivement réaliser les promesses qu’il a faites. La population veut la justice pour ceux qui sont tombés sous les balles lors de l’insurrection des 30 et 31 octobre, pour Norbert Zongo  et pour tous ceux qui ont été tués. Il appartient au Premier ministre de veiller à ce que Justice soit rendue. En tout cas, on attend de voir avant de croire. »

Amadou Mandé, enseignant à l’Université de Ouagadougou

« Ce que nous attendons, ce sont des actes »

« La cérémonie s’est bien passée. Ce qui est important, c’est d’abord le contenu. Nous avons vu que l’engagement reste ferme et les revendications égrenées par tous ceux qui sont passés au parloir sont conformes aux aspirations du peuple. La justice pour Norbert Zongo et ses compagnons, justice pour tous les crimes de sang et les crimes économiques impunis. C’est important que le peuple se mobilise et continue de le faire pour montrer que l’insurrection populaire et le changement qui sont intervenus n’ont pas encore réglés tous les problèmes. Nous ne devons nous arrêter que lorsque tous les problèmes auront trouvé solution. (…) La participation du Premier ministre, des membres du gouvernement et du président du CNT est à saluer. Ils n’étaient pas obligés d’être là. Mais s’ils ont compris qu’ils doivent être avec le peuple et qu’ils doivent venir écouter directement les propos du peuple au lieu de se les faire rapporter, nous ne pouvons que les saluer. Nous avons entendu le Premier ministre prendre un certain nombre d’engagements ; nous attendons qu’ils soient traduits en actes. Cela fait un mois que le changement est fait et ce que nous attendons, ce ne sont plus des engagements, mais des actes pour prouver que le changement est réel. »

Me Benewendé Sankara

« C’est au pied du mur qu’on reconnaît le bon maçon »

« Je dois vous rappeler que dans le dossier Norbert Zongo, nous n’avons pas attendu le gouvernement pour obtenir de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples, une décision qui condamne l’Etat du Burkina à rouvrir le dossier. Aujourd’hui, à la faveur de l’insurrection populaire, les autorités de la transition ont pris l’engagement d’ouvrir tous les dossiers pendants ; il faut s’en féliciter. Mais c’est au pied du mur qu’on reconnaît le bon maçon. Nous pensons qu’on a trop discouru ces 15 dernières années ; maintenant, il faut des actes concrets. Mais comme les états généraux de la Justice sont annoncés, comme le président du Faso, Michel Kafando, a dit que le non-lieu dans l’affaire Norbert Zongo est nul et non avenu, nous le prenons au mot. Comme je l’ai dit, on lie les hommes par la parole, les taureaux par les cornes. De mon point de vue, la présence du Premier ministre, de membres du gouvernement et du président du CNT est un acte fort. Le gouvernement doit communiquer avec le peuple ; le gouvernement de transition doit prôner plus que jamais la rupture pour qu’on puisse aller de l’avant. »

Victor Zongo, frère de Norbert Zongo

« Je suis ravi de la présence du Premier ministre »

Je suis ravi de la présence du Premier ministre, de membres du gouvernement et du président du CNT. Si le Premier ministre traduit en actes les engagements qu’il a pris, il y aura un grand changement dans le dossier Norbert Zongo  et dans ceux des autres crimes. »

Frédéric Nikièma, ministre de la Communication

« Il était important pour nous de venir à cette place »

« Il était important pour nous de venir à cette place avec la société civile, les partis politiques, la population, pour qu’ensemble, l’on puisse rendre hommage à Norbert Zongo, un grand combattant de la liberté qui est mort pour qu’aujourd’hui nous puissions vivre une démocratie au Burkina Faso. Comme le Premier ministre l’a dit, on est dans un gouvernement où la question de l’impunité est très importante. »

Propos recueillis par TS et YS


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