HomeA la uneAPPEL AU DIALOGUE DE JUBA SUR L’ENVOI DE 4000 CASQUES BLEUS : Le revirement calculé de Salva Kiir

APPEL AU DIALOGUE DE JUBA SUR L’ENVOI DE 4000 CASQUES BLEUS : Le revirement calculé de Salva Kiir


Face à la forte dégradation de la situation sociopolitique au Soudan du Sud, l’ONU a voté, le 12 août dernier, une résolution prévoyant l’envoi de 4000 Casques bleus supplémentaires dans ce pays. Farouchement opposée au projet au départ, Juba vient d’assouplir sa position en se disant ouverte à un dialogue avec les Nations unies. «Nous ne sommes pas opposés à une aide et nous écoutons tous les conseils », a déclaré, le 15 août dernier, le président Salva Kiir devant les députés, dans son discours à l’occasion de l’ouverture du Parlement de transition, avant de préciser que l’aide « ne devait pas être imposée, sous peine de devenir une intervention qui compromettrait  la souveraineté du Soudan du sud ». Comme on peut le constater, en l’espace de 72 heures, la position de Salva Kiir a considérablement évolué sur la question, passant de l’opposition catégorique à l’ouverture d’un dialogue concernant ce déploiement de troupes onusiennes supplémentaires.  Si ce n’est pas un revirement calculé, cela y ressemble fort. Et pour cause.

L’infléchissement de la position du maître de Juba marque une légère avancée

Primo, parce que Salva Kiir sait qu’il a toujours besoin de la communauté internationale et ne veut certainement pas se la mettre  à dos. Secundo, parce que, de toute évidence, il ne veut pas d’une force d’interposition qui pourrait rétablir un certain équilibre dans le rapport de forces sur le terrain, au moment où ses troupes ont visiblement pris de l’ascendant sur celles de son rival Riek Machar, savamment évincé de la vice-présidence et réduit de facto à la clandestinité. Par conséquent, celui qui s’est toujours opposé au renforcement des troupes onusiennes que réclamait à cor et à cri son adversaire, Machar, a manifestement de bonnes raisons d’infléchir aujourd’hui sa position parce que dans la situation actuelle, cela ne pourrait contribuer qu’à renforcer son pouvoir. En effet, si ce renfort arrivait pour stabiliser la situation au moment où il était pratiquement au coude-à- coude avec son adversaire, il y a fort à parier qu’il ne serait pas dans la position qui est la sienne aujourd’hui, au point de vouloir imposer ses vues, à l’instar de son homologue burundais, Pierre Nkurunziza. Mais à la différence du boucher de Bujumbura qui est resté hermétiquement fermé à toute idée d’envoi de troupes sur son sol, l’infléchissement de la position du maître de Juba marque une légère avancée. Même si l’on peut dire que c’est un refus qui, d’une certaine façon, ne se justifie même pas ; d’autant que les Casques bleus sont déjà dans le pays et qu’il s’agit tout simplement d’un renforcement des effectifs. Et Dieu seul sait ce que serait le Soudan du sud aujourd’hui, s’il n’y avait pas eu cette présence onusienne. En tout cas, à présent qu’il a travaillé à écarter son plus farouche adversaire, tout porte à croire que Salva Kiir avance désormais de façon calculée. Et c’est de bonne guerre. Mais il faut qu’il travaille à ce que les exactions dont est régulièrement accusée son armée sur certaines populations, cessent le plus tôt possible. Surtout quand il ressort que ces exactions sont fonction de l’appartenance ethnique.

Malgré l’éviction de Riek Machar, le problème sud-soudanais reste entier

C’est pourquoi l’on ne peut que saluer la ténacité de l’ONU dans sa volonté de renforcer ses effectifs au Soudan du sud pour parer à toute risque de génocide. Mais encore faut-il que les Casques bleus sortent de la passivité qui leur est reprochée dans cette mission de protection des populations, si l’ONU ne veut pas être accusée plus tard de complicité ou d’avoir simplement laissé faire. Cela dit, il faudra qu’au-delà du Soudan du sud, de la même façon que l’ONU a réussi à imposer ses troupes, elle se montre aussi intraitable sur le cas burundais. Car ce qui est valable à Juba, doit l’être aussi à Bujumbura. D’autant que ce sont les mêmes massacres, les mêmes exactions que subissent des populations innocentes. En tout cas, l’ONU doit travailler à éviter le deux poids deux mesures. Il ne faut pas se voiler la face. Malgré l’éviction de Riek Machar dont tout le monde semble s’accommoder, le problème sud-soudanais reste entier. Car, tant que l’ex-vice président  sera dans la nature, Salva Kiir doit se convaincre qu’il ne dormira jamais du sommeil du juste. Machar restant toujours un danger pour lui. Et le silence prolongé de ce dernier, n’augure rien de bon pour le Soudan du Sud. A moins que d’ici là, une solution durable ne soit trouvée à la crise. Mais comment ? Là est toute la question.

 

 « Le Pays »


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