HomeFocusARRESTATION D’UN JOURNALISTE AU BURUNDI : Qui veut faire taire son journaliste l’accuse d’assassinat

ARRESTATION D’UN JOURNALISTE AU BURUNDI : Qui veut faire taire son journaliste l’accuse d’assassinat


Elles étaient trois Italiennes à avoir débarqué au pays de Pierre N’kurunziza, pour prêcher la bonne nouvelle. Mais un matin de septembre 2014, c’est une mauvaise nouvelle, celle de leur assassinat, qui avait mis en émoi toute la population de Bujumbura. Ce triple meurtre commis sur des  religieuses sans défense, avait suscité une telle indignation que le gouvernement de Pierre N’kurunziza, que nombre de personnes avaient vertement mis en cause, avait  finalement promis d’ouvrir une enquête et de faire toute la lumière sur ces crimes crapuleux. On se rappelle  encore la rapidité déconcertante avec laquelle  l’enquête avait désigné le coupable, en la personne d’un jeune homme de la capitale. Une arrestation qui, loin de convaincre qui que ce soit, n’avait plutôt réussi qu’à agacer davantage les Bujumburais  qui jugeaient qu’elle constituait plutôt une insulte à leur intelligence.

Enquête pour enquête donc, la Radio Publique africaine (RPA), «la plus populaire des radios de ce pays », avait, de son côté, mené ses propres investigations et, comme beaucoup de personnes s’y attendaient, ses résultats mettent plutôt en cause un ancien chef des services de renseignements du Burundi, aujourd’hui chargé de mission à la présidence. Un très proche collaborateur donc du Pasteur- président, Pierre N’kurunziza. L’homme s’appelle Guillaume Harushimana   et a, d’après les résultats des investigations de la radio RPA, « joué un rôle clé dans ce complot » qui a coûté la vie aux trois religieuses italiennes.  La RPA va même plus loin, en affirmant  que c’est Guillaume Harushimana qui a introduit les tueurs dans le couvent des sœurs et leur a fourni les déguisements nécessaires à leur sale besogne. Comme on le voit, l’information n’a pas seulement le mérite d’être pointue, elle a aussi, et surtout, celui de désigner aussi bien le commanditaire, que le cerveau et l’exécutant. Un travail que la société civile burundaise apprécie à sa juste valeur, mais qui est loin de rencontrer l’assentiment du Pasteur N’kurunziza et de son gouvernement.

On n’arrête pas la roue de l’histoire en emprisonnant des journalistes

Dans ce jeu de ping-pong entre le gouvernement et la radio populaire africaine, comment ne pas se demander où se trouve finalement la vérité ? Autant cette affaire conforte la mauvaise réputation du régime, déjà extrêmement impopulaire, autant on ne saurait  donner au responsable de cette radio, le bon Dieu sans confession.  L’expérience de la Radio mille collines au Rwanda voisin est encore vivace dans les esprits et appelle naturellement à la prudence.

En attendant, et pour toute réponse  aux allégations  de la radio, le gouvernement de Pierre N’kurunziza n’a pas trouvé mieux que d’accuser à son tour le directeur de la radio et de l’incarcérer pour  «implication dans un assassinat ». Le ridicule de la situation donne bien envie de rire. Mais le complot  luciférien qui est en train de se tramer en dessous, à l’encontre de la démocratie et de la liberté d’expression au Burundi, fait tellement froid dans le dos qu’on ne pourrait manquer d’écraser une larme pour  ce peuple qui ne demande plus qu’ à «pouvoir  respirer» maintenant.  Il ne fait aucun doute que Pierre N’kurunziza voit dans cette affaire, une occasion en or pour abattre le dernier rempart de la démocratie au Burundi. La Radio populaire africaine, en raison de sa forte audience au niveau de la population burundaise, est aujourd’hui un sérieux  obstacle au projet du Pasteur N’kurunziza de s’éterniser  au pouvoir. C’est pour cette raison d’ailleurs que le pouvoir l’a toujours accusée de rouler pour l’opposition politique. Mais la formule trouvée par le  régime de N’kurunziza pour faire taire cette voix des sans voix qui le tourmente tant, est d’une médiocrité désarmante ;  Comme  dirait tout dictateur qui mérite son nom, « qui veut tuer son journaliste, l’accuse d’assassinat. » Mais jeter un journaliste en prison, fût-il le premier responsable d’un organe de presse, peut-il empêcher la manifestation de la vérité ? Non. On n’arrête pas la roue de l’histoire en emprisonnant des journalistes. Bien des dictateurs l’ont déjà appris à leurs dépens.  Alors, Monsieur le président-Pasteur, plutôt que de réprimer la presse, choisissez le parti de ceux qui dépénalisent le délit de presse. Et vos brebis sauront vous le rendre au centuple.

Dieudonné MAKIENI


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