HomeA la uneASSASSINAT DE BERTINE BAMBARA : Retour sur un crime qui laisse perplexe

ASSASSINAT DE BERTINE BAMBARA : Retour sur un crime qui laisse perplexe


Le mardi 28 juillet 2015, la brigade-ville de gendarmerie de Kosyam a rendu publique l’arrestation de deux présumés suspects dans la disparition et l’assassinat, dans la nuit du 9 juin 2015 aux environs de minuit, de Bertine Bambara. Cette femme de 38 ans, mère d’une fillette de 3 ans (qui a fêté son anniversaire six jours seulement avant la disparition de sa mère), vendait de l’attiéké non loin de la direction régionale de la Société nationale d’électricité du Burkina (SONABEL), sis à la Zone d’activités diverses (ZAD). Le sort qui lui a été réservé par ses bourreaux fait froid dans le dos. Le scénario du crime est extravagant et ressemble à une histoire de film d’assassinat à la hollywoodienne. En attendant le procès des deux suspects, Sofiane Ouédraogo et Ibrahima Traoré, pour espérer connaître les éléments constitutifs du puzzle de cet assassinat, on peut déjà esquisser les péripéties de cette histoire dramatique.

 

Le 9 juin 2015, Bertine Bambara croyait pouvoir retourner chez elle au quartier Silmissin où l’attendait certainement sa fillette de trois ans autour de 23 heures. Comme d’habitude, c’est autour de cette heure-là qu’elle finissait son commerce d’attiéké et rentrait à la maison. Mais la situation qui l’attendait cette nuit-là était autre. Arrivée devant sa porte, elle se vit accoster par des jeunes qu’elle connaissait très bien. Le premier, Sofiane Ouédraogo, 23 ans, un « débrouillard » dans la vie et qui semblait ne pas aimer le travail. Pour lui permettre de s’occuper utilement, on lui avait payé une machine à laver pour moto. Un instrument de travail qu’il a vite vendu. Le second, Ibrahima Traoré, 22 ans, étudiant en 1re année de Sciences économiques et de gestion (SEG) à l’Université de Ouagadougou. Sa grande sœur est amie à Bertine Bambara. Après avoir obtenu son baccalauréat en Côte d’Ivoire où il vivait avec ses parents, Ibrahima Traoré est envoyé au Burkina Faso, auprès de sa sœur pour ses études universitaires. En fait, ses parents l’ont envoyé au pays, espérant qu’il changerait, l’enfant étant connu pour ses actes de délinquance.

Bref, cette nuit du 9 juin 2015, Bertine Bambara arriva à la porte de la cour où elle logeait. L’un des deux jeunes qui avaient bien préparé leur coup, cria : «Tantie, tantie, ne rentrez pas ! Il y a des braqueurs dans la cour » ; « Ouvrez, je vais rentrer ! ». Parce qu’elle connaissait parfaitement les garçons et qu’elle ne pouvait penser un instant que ceux-ci lui tendraient un piège, Bertine ouvrit sa portière. L’un des jeunes qui a crié entra, l’empoignant jusqu’à l’étranglement. «Elle s’est débattue» vainement. Une fois la victime morte, le second jeune entra à son tour dans le véhicule et ils démarrent. Direction ? Probablement la Zone d’activités diverses (ZAD) puisque c’est là que le corps a été retrouvé. L’idée de Sofiane et son complice : soumettre le corps de leur victime à un autodafé. Ils conduisirent jusqu’à la station Shell en face de Ouagarinter où ils achetèrent deux litres d’essence. Ils aspergèrent le corps d’essence avant d’y mettre le feu ; histoire de faire disparaître les traces. Une fois cette étape franchie, il fallait dissimuler le corps. Le choix avait été déjà fait : le jeter dans un canal et se servir des dalles pour tout cacher. Et c’est ce qui fut fait. La dernière étape a consisté à abandonner le véhicule dans un six-mètre du quartier Patte-d’Oie. Ont été également abandonnées la carte d’identité de la victime, ses paires de chaussures et une bouteille de gaz chargée.

Ils ont essayé de brouiller les pistes de l’enquête

Au matin du 10 juin, la famille de Bertine Bambara, très inquiète toute la nuit de son non-retour à la maison, commença à la chercher partout, en contactant toutes ses connaissances. L’information fut portée à la gendarmerie de Kosyam, chez l’adjudant-chef major Abdoulaye Sawadogo qui lança aussitôt un avis de recherche. L’enquête était, au bout d’un certain temps, au point-mort jusqu’à ce qu’un sms indique à l’oncle de Bertine où se trouvait le véhicule qu’elle utilisait. L’oncle rendit compte immédiatement à la gendarmerie qui essaya d’identifier le numéro du téléphone portable qui avait envoyé le sms. Mais en vain. Le numéro était non identifiable. Pourquoi ce numéro n’a-t-il pas pu être identifié ? Parce que les conditions de délivrance de la puce n’ont pas été respectées. Les bourreaux de Bertine ont payé la puce autour de la station Petrofa de Kalgondin, sans une pièce d’identification. Deux jours après le sms indiquant la localisation du véhicule, un autre numéro appela la petite sœur de Bertine Bambara et lui fit comprendre que cette dernière était blessée, gravement malade et qu’elle se trouvait dans un CSPS à Pama, à une soixantaine de kilomètres de Fada N’Gourma. L’appel demandait à la sœur d’envoyer la somme de 50 000 F CFA par Airtel money en vue de la prise en charge des soins d’urgence, en attendant ses parents. La famille en informa l’équipe du major Abdoulaye Sawadogo. En collaboration avec l’opérateur de téléphonie concerné, les gendarmes essayèrent d’établir la géolocalisation de l’appel. Il s’avéra que dans la réalité, cet appel a été émis aux alentours de la Maison de la culture de Bobo-Dioulasso. Les services de renseignements de la ville de Sya et la direction régionale de la téléphonie sont mis à contribution pour traquer l’auteur de cet appel. Encore une fois, un obstacle : le numéro utilisé était hors service.

A Ouagadougou, les gendarmes de Kosyam changèrent de stratégie en utilisant leurs « propres relations » pour identifier les numéros IMEI des deux portables de la victime emportés par ses bourreaux. Le code IMEI (International Mobile Equipment Identity) est un numéro de série composé de 15 à 17 chiffres. Il constitue en quelque sorte la carte d’identité d’un téléphone mobile et sert à débloquer ou bloquer le téléphone. Surtout, et c’est ce qui est important dans l’enquête, le code IMEI permet de retrouver les traces d’un téléphone perdu, car les opérateurs ont accès à ce code. Autrement dit, si quelqu’un vole votre téléphone portable, jette la puce qu’il contient et l’utilise avec une autre puce, il est repérable grâce à ce code. Il suffit de composer la formule suivante pour connaître le code IMEI de votre portable : *#06# . En fait, les assassins de Bertine avaient enlevé les puces de ses téléphones portables et utilisaient les appareils avec d’autres puces. En tout cas, pendant un bout de temps. Avec cette nouvelle stratégie, les gendarmes commencèrent à mettre la main sur un certain nombre de personnes. Près de 20 personnes ont été arrêtés avant d’atteindre les assassins qui avaient déjà troqué les appareils.

La fin de la manipulation et la découverte des gendarmes

C’est Ibrahima Traoré qui a été le premier à être appréhendé. C’était le 20 juillet 2015. «Il était fortement soupçonné dès le début», nous a expliqué le major Sawadogo. Après leur forfait, Ibrahima Traoré s’est enfui à Zabré. Le sachant «très proche de la victime», les parents ont essayé de le joindre. Au premier appel, il a dit être allé à Ouahigouya. Par la suite, il a reconnu être à Zabré, chez une connaissance, un certain « infirmier ». Les gendarmes de Kosyam lui demandèrent de se rendre à la brigade de la localité. Arrivé, ordre fut donné de le garder. Il sera conduit les jours suivants à Ouagadougou. Après son audition, les gendarmes ne trouvèrent pas de preuve pour l’arrêter. Il est relaxé. Mais voilà : l’une des dernières personnes qui ont détenu un des téléphones portables de Bertine reconnut Ibrahima Traoré comme celui-là qui lui a vendu l’appareil. Confondu, l’étudiant finit par reconnaître sa responsabilité dans l’enlèvement et l’assassinat de Bertine. Il a révélé avoir fait le « boulot » avec Sofiane Ouédraogo qui sera mis aux arrêts à son tour le 27 juillet 2015. Mais entre eux, chacun a indexé l’autre d’être celui qui a étranglé la dame. Ce sont eux qui ont indiqué que le corps retrouvé entre-temps à la ZAD était celui de Bertine Bambara, en détaillant la méthode utilisée. Au moment de la découverte de ce corps, la gendarmerie avait fait appel à la famille Bambara pour l’identifier, mais celle-ci n’avait pas établi que c’était celui de leur fille. Dans cette affaire, les deux garçons ont manipulé tout le monde. Ibrahima Traoré a même aidé à rechercher Bertine. Selon Lazare Bambara, grand frère de Bertine, le jeune avait commencé à accuser certaines personnes. Les deux garçons auraient pu échapper aux filets des enquêteurs si certaines personnes n’avaient pas accepté apporté leur aide à la gendarmerie pour identifier les codes IMEI des téléphones de Bambara. Autrement dit, le seul élément qui a fait la différence dans cette affaire est le code IMEI des téléphones de la victime. Ceux qui regardent l’émission Enquêtes Impossibles ont là un exemple pratique au Burkina Faso.

Quid du mobile de ce crime ?

Les présumés coupables ont avancé deux thèses. La première dit qu’ils voulaient récupérer les recettes du commerce de Bertine cette nuit-là. Selon la seconde, ce serait une vengeance contre la victime que l’étudiant accuse d’avoir poussé sa grande sœur à déposer une plainte à la gendarmerie pour le vol d’un ordinateur portable. Ibrahima avait volé et vendu l’ordinateur de sa grande sœur qui, d’ailleurs, a pu le récupérer. Pour ces mobiles, a-t-on besoin de tuer ? Le mystère reste entier. La famille Bambara est toujours en larmes et attend que justice soit rendue. Quant aux proches des deux bourreaux, en particulier Ibrahima Traoré, ils sont terrés, enfermés dans leur cour avec de multiples questions en suspens.

Michel NANA


Comments
  • Merci et bravo à la gendarmerie pour sa perspicacité et son professionnalisme. Ces jeunes assassins sont les purs produits de la 4è république qui n’a offert aux petits burkinabè comme seule perspective que le chômage, et comme religion, la recherche du gain facile par tous les moyens.

    30 juillet 2015
  • Dans ce même forum, nous disions il y’a environs un mois qu’il faut être désormais très ferme et sans pitié avec les criminels et les assassins sur des victimes innocentes, et qui avaient elles aussi droit à la vie ! Comment peut-on permettre à de tels voyous de hotter la vie d’honnêtes femmes pour des raisons obscurs ? Figurez-vous que ces victimes sont généralement des Femmes ! Et puis, en amont il faudrait lutter farouchement contre les trafiquants de Drogue car c’est souvent sous les effets des stupéfiants que ces sérials killers, commettent leurs basses besognes ! L’horreur de tels crimes interpellent les autorités chargées de la Justice et de la Sécurité, car il serait de bon ton que des mesures radicales soient prises ici et maintenant afin de nettoyer toutes ces racailles qui méritent l’application de la loi du talion et les atrocités sur leurs victimes ! Nous pensons que c’est la solution qui pourrait dissuader d’éventuels criminels et assassins qui essaiment nos villes et villages au Burkina ! Que Dieu protège notre Faso ! Salut !

    30 juillet 2015
  • Chers Gendarmes, je vous respecte. Mais cherchez un autre mobile. Trop facile.

    31 juillet 2015
  • Quand je vois ce travail abattu par la gendarmerie, je me demande pourquoi les douaniers sont mieux lotis qu’eux. Ce n’es pas normal. Il faut que l’Etat revoit cette situation que je juge injuste.

    31 juillet 2015
  • Bonjour Monsieur NANA. Quel article et quel style!!! Vous êtes super et je encourage. Je crois que Le Pays a là une des plumes “incroyables” de la presse. Pour ce qui est des mobiles, je crois que l’enquête doit voir ailleurs. Je pense que cet assassinat a des liens avec celle de Bernadette. Il se pourrait que ces femmes ou filles appartiennent à un réseau “mafieux” au service d’un système qui, pour des raisons secrètes, a préféré s’en débarrasser. Autrement, les suspects pourraient agir pour le compte de mains invisibles. Il me semble d’ailleurs qu’il existait au temps de l’ancien régime des filles du genre chargées de faire du sale boulot ou à soutirer des informations pour les renseignements!

    1 août 2015
  • Je ne comprends pas bien lorsque vous dites que c’est grâce à certaines personnes que la gendarmerie a pu décoder les numéros IMEI. Pourquoi pas les opérateurs de téléphonie mobile?

    Il faut être ferme avec les opérateurs de téléphonie mobile dans cette affaire de vente de puce. Chaque opérateur doit cibler des établissements officiellement pour la vente des puces. Et toute personne qui voudrait une puce se rend soit dans les locaux des opérateurs de téléphonie mobile, soit dans ces établissements choisis par eux.

    Nous sommes dans une période de grand terrorisme et de banditisme. Il faut être sérieux dans le secteur du mobile sinon, cela nous perdra.

    3 août 2015
    • Slt Megd’. Vous avez raison. La réalité est que les téléphonies coopèrent très difficilement dans l’identification des codes IMEI parce que cela leur demanderait trop de travail ou endommagerait leur matériel. Or, le IMEI est un élément très capitale dans la lutte contre la délinquance. Les services de sécurité sont souvent contraints de demander l’appui de relations influentes pour avoir accès à ces codes. C’est dommage mais c’est la triste réalité.
      Michel NANA

      4 août 2015
  • Bon boulo a tous les gendarmes

    16 octobre 2016
  • TRÈS BON BOULO DES GENDARMES.

    2 novembre 2016
  • Commentaire…vreiment je suis satisfaite au gendarme bf.je vous remercie beaucoup d’avoir fait ce magnifique travail.ses assasins devraient les tués aussi. surtout sofiane (artise) on devrais l’envoyer a la rtb et coupé son viande morceau par morceau pour lui donner il va manger.là les autres métrié vont voir et arrèté.ce batar a gaté les noms des chanteurs burkina faso.mercie pour votre fidilité seul le travail paye.

    11 novembre 2016
  • chapeau aux gendarmes.vraiment c’est triste,il faut que le burkina adopte une loie autorisant au gendarmes de tuer et brùler les corps de ces genre de personnes.quand vous regargez ces deux jeunes hommes sont-ils rentables a notre société?mes codoléance a la famille Bambara.

    19 décembre 2016
  • je remerci les gendarme qui ont fais ce bon boulo! ces assasins il ne devrait pas les liberer.parceque sans ces artistes le bf peut toujours avancer dans l’art.

    6 janvier 2017
  • Commentaire…vrèment!!! çè vrèment triste ? surtt ken vous pensiez ke cet assassin est votre fan burkinabé. certes, je sui ivoirienne, mè je sui de trè prè la musik burkinabé.
    mè condoleances a la famille bambara et ke justice soit faite !! car ça serait trop facile !

    15 janvier 2017
  • Il faut les punirent

    2 avril 2017
  • Commentaire…aidé nous que le bf soi le bf.

    13 juin 2017

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