HomeLe fait du jourASSASSINAT DE NORBERT ZONGO : Vingt ans après, on marche toujours contre l’impunité

ASSASSINAT DE NORBERT ZONGO : Vingt ans après, on marche toujours contre l’impunité


A l’appel de la CCVC et du CODMPP, les Ouagalais de toutes les couches socioprofessionnelles ont commémoré, ce 13 décembre 2018, le 20e  anniversaire de l’assassinat de Norbert Zongo par une marche de protestation contre l’impunité et la lenteur de la Justice dans cette affaire qui a plongé le pays des Hommes intègres dans la tourmente depuis le 13 décembre 1998. La commémoration a commencé par le dépôt de gerbes de fleurs sur la tombe des martyrisés de Sapouy au cimetière municipal de Gounghin, à Ouagadougou.

 

En cette matinée du 13 décembre 2018, les militants de la Coalition nationale de lutte contre la vie chère, la corruption, la fraude, l’impunité et pour les libertés (CCVC) et du Collectif des organisations démocratiques de masse et de partis politiques (CODMPP) ont fait le déplacement du cimetière de Gounghin pour se recueillir sur les tombes du journaliste Norbert Zongo et ses trois compagnons d’infortune, assassinés le 13 décembre 1998 à Sapouy et dont les corps ont ensuite été calcinés. Le monde de la presse était fortement mobilisé au cimetière pour réitérer son engagement à mener le combat pour la manifestation de la vérité et la justice dans cette affaire. « Après 20 ans de lutte, de sueurs, de larmes et de sang, le peuple du pays réel est encore debout et te renouvelle son engagement à poursuivre la lutte sans fin pour que soient rendues la vérité et la justice dans tous les crimes de sang », dit le président de l’Association des journalistes du Burkina (AJB), Guézouma Sanogo, dans son message au cimetière, à l’endroit du regretté journaliste émérite, Norbert Zongo. Il s’est réjoui des « victoires d’étapes » après 20 ans dans ce dossier, à savoir l’insurrection populaire ayant chassé le président Blaise Compaoré du pouvoir, la réouverture du dossier Norbert Zongo et compagnons, l’inculpation de trois des suspects sérieux identifiés par la commission d’enquête indépendante, l’avis favorable de la Justice française à l’extradition de François Compaoré qui vit en France depuis la chute du pouvoir de son frère aîné Blaise Compaoré. Malgré cela, convient-il, la vérité et la justice sont toujours attendues et les frères Compaoré viendront répondre tôt ou tard de leurs actes devant la Justice burkinabè. « Nous ne voulons pas que la vérité disparaisse sous les coups de boutoir des petits mensonges des bourreaux d’hier ou de leurs  parrains, au moment où ils sont de plus en plus rattrapés par leurs crimes », a fait observer Guézouma Sanogo qui laisse entendre qu’une exposition photos sur le drame de Sapouy est organisée dans le cadre de la commémoration du drame du 13 décembre 1998. Il indique que s’il vivait encore, Norbert Zongo aurait certainement observé que malgré les appels à se saigner pour la patrie, « les gouvernants n’ont rien abandonné des flonflons qu’il a connus sous le régime Compaoré, aurait relevé le lourd tribut payé par les forces de défense et de sécurité, les élèves et les populations dans la guerre contre le terrorisme et aurait dénoncé « la lâcheté de ces généraux, colonels, commandants, lieutenants, adjudants, sergents qui défilent devant le tribunal militaire de Ouagadougou, sans qu’aucun d’entre eux n’ose assumer la responsabilité des victimes du coup d’Etat de septembre 2015 ».  Le ministre en charge de la Communication, Remis Fulgance Dandjinou, parle d’une bonne victoire d’étapes dans le dossier Norbert Zongo. Pour le reste, dit-il, un recours est lancé et il y a le décret que l’Etat français doit signer, susceptible d’être attaqué par les avocats de François Compaoré.

 

« Un pouvoir préoccupé par l’amélioration du niveau de vie de ses ministres »

 

A la place de la Nation, la marche se préparait timidement jusqu’à 10h. Des artistes et animateurs se relaient au parloir, les uns pour des prestations non moins galvanisatrices, les autres pour scander des propos ou des slogans qui en disent long sur la colère, la soif de justice et la détermination du peuple à voir le bout du tunnel dans ce crime de Sapouy qui dure depuis 20 ans maintenant. Une mobilisation pas aussi forte, mais une mobilisation à dominance jeunes, « signe que la jeunesse saura assurer la relève en matière de lutte pour la justice, la bonne gouvernance et le mieux-être pour tous », susurre un potentiel marcheur. Les leaders de la CCVC et du CODMPP en tête, les marcheurs partent de la Place de la Nation pour battre le pavé  sur un circuit fermé de 4km : Place de la Nation, rond-point des Nations unies, avenue Kwame N’Krumah, avenue de la Cathédrale, en passant derrière le siège de la BCEAO pour finir au point de départ, la Place de la nation en l’occurrence. Un parcours au cours duquel on pouvait entendre : «  20 ans de dilatoire, 20 ans de mouta-mouta ! ça suffit !  20 ans, c’est trop ! » . Pour Chrisogone Zougmoré, président du CODMPP, le 20e anniversaire se tient dans un contexte national marqué par l’approfondissement de la crise que traverse le pays depuis le crime odieux de Sapouy le 13 décembre 1998. Un contexte marqué par l’aggravation de la situation sécuritaire du pays, le renforcement de sa domination par la présence de forces militaires étrangères sur le sol burkinabè et les ingérences économiques de la Banque mondiale et du FMI, selon ses mots. Face aux multiples problèmes qui assaillent le peuple, mentionne-t-il, le pouvoir du MPP et de ses alliés montre qu’il est plus préoccupé par l’amélioration du niveau de vie de ses ministres et autres dignitaires que par la recherche de solutions idoines aux préoccupations des Burkinabè. Pendant ce temps, ajoute-t-il,  les travailleurs honnêtes du public, du privé et du secteur informel peinent à joindre les deux bouts et se noient dans un cycle infernal de crédits bancaires, la jeunesse populaire est frappée de plein fouet par le chômage, avec l’accès à un logement décent de plus en plus impossible. « Durant 20 longues années de lutte dans l’affaire Norbert Zongo, le peuple a montré  aux yeux du monde que ni la répression, ni la violence, ni la malice  ne peuvent avoir raison d’un peuple uni, déterminé et guidé par  un esprit patriotique et révolutionnaire », souligne Chrisogone Zougmoré. Il rappelle, haut et fort, les heures sombres de la lutte du Collectif  dont les militants et responsables ont été arrêtés et bastonnés, menacés de mort par des milices armées, chassés de leurs localités de travail. Il ajoute, avec une forte voix, que certains ont vu leurs domiciles saccagés et/ou incendiés, des responsables du Mouvement burkinabè des droits de l’Homme et des peuples arrêtés, rasés et jugés par le pouvoir de Blaise Compaoré et sa Justice aux ordres. Et, malgré cette répression féroce, à son avis, les militants du pays réel ont su maintenir le cap jusqu’à l’avènement de l’insurrection populaire. Le président du CODMPP a salué la mémoire de feu Joseph Ki-Zerbo. Un combattant exceptionnel, dit-il, octogénaire, qui marchait avec les militants du CODMPP dans les rues, pour galvaniser les jeunes. Concepteur de la formule légendaire « Naan laara, an sara » devenue le slogan fédérateur et galvanisateur de toutes celles et tous ceux qui se battent aujourd’hui pour la justice, la liberté et la dignité, se convainc Chrisogone Zougmoré qui a salué, à l’égard du CODMPP, l’élan de solidarité des patriotes, démocrates et révolutionnaires d’autres pays d’Afrique, d’Europe et d’Amérique. Pour lui, l’avis favorable rendu par la Justice française suite à la demande d’extradition de François Compaoré formulée par le Burkina, appelle à l’optimisme et vient rappeler que « seule, la lutte paie ». Toutefois, prévient-il, il ne s’agit là que d’une victoire d’étape et, insiste-t-il, la lutte doit se poursuivre jusqu’à l’extradition effective du « petit président » et le jugement de l’affaire Norbert Zongo. « Nous n’aurons de répit que lorsque tous les commanditaires et les exécutants du crime de Sapouy seront arrêtés, jugés et jetés en prison », conclut le président marcheur du CODMPP.

 

Lonsani SANOGO

 Le député Bénéwendé Stanislas Sankara, 1er vice-président de l’Assemblée nationale, avocat de la famille Zongo

 

L’instruction du dossier Norbert Zongo et compagnons a sérieusement commencé avec la fuite du président Blaise Compaoré. Cela, à la faveur de l’insurrection, permettant à la Justice de se saisir du dossier avec des éléments ayant pu charger des gens, aujourd’hui inculpés  On ne peut parler d’évolution dans le dossier que lorsque le juge d’instruction va rendre une ordonnance de renvoi devant une juridiction de jugement. Nous sommes au stade d’instruction où il y a des auditions, des confrontations, la réunion des  éléments de preuves à charge comme à décharge. Je veux rassurer l’opinion que les avocats constitués veillent d’abord au procès équitable, au principe des droits  de la défense, au principe du contradictoire et à la manifestation de la vérité. La France, à travers l’engagement de son président, Emmanuel Macron, tenu à Ouagadougou, a respecté l’obligation de coopérer avec le Burkina et a pris des actes majeurs tels que revoir le Code pénal, ratifier les accords de coopération judiciaire entre le Burkina et la France, pour permettre l’évolution sereine du dossier Norbert Zongo.  Ce sont  des volontés politiques qui se sont affirmées quelque part. Nous pensons que cette volonté politique doit se poursuivre pour que nous n’ayons pas d’arguties ou d’obstacles artificiels pouvant remettre en cause les décisions de justice.

 Le message de Zida

 

Le peuple burkinabè commémore en ce 13 décembre 2018, le 20e  anniversaire de l’assassinat du journaliste Norbert ZONGO et de ses trois (3) compagnons sous le signe de la poursuite de la lutte pour la manifestation de la vérité et la justice. Une fois de plus, tous les défenseurs de la démocratie, de la liberté de presse et d’opinion réclament vérité et justice pour les quatre suppliciés de Sapouy.
Directeur de publication et Fondateur du premier journal d’investigation au Burkina Faso, Norbert Zongo a refusé de bâillonner sa plume jusqu’au sacrifice suprême. Pour donner une suite conséquente à ces fortes attentes, également exprimées par les insurgés d’octobre 2014, le gouvernement de la Transition, dès son installation, avait pris des actes forts sur différents dossiers dont, notamment, celui de Norbert ZONGO.
Mon gouvernement avait décidé de la réouverture du dossier, de la désignation d’un nouveau juge d’instruction, de la mise à la disposition du juge d’instruction, de moyens conséquents pour la conduite du dossier et, enfin, de l’exécution par le gouvernement de la Transition de l’arrêt sur les réparations, objet de la requête n°03/2011, rendu le 5 juin 2015 par la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples dans la cause opposant les ayants droit de feu Norbert Zongo et 4 autres à l’Etat du Burkina.
En ce jour anniversaire de l’acte ignoble du 13 décembre 1998, je voudrais réaffirmer avec force, toute ma solidarité avec tous les acteurs de la société civile ainsi que tout mon soutien et ma compassion aux familles des suppliciés.
Oui, quelle que soit l’intensité de l’obscurité, elle finira toujours par s’amincir devant le rayonnement de la lumière.
Et j’en suis persuadé, la lumière de la lampe qui est allumée au lieu emblématique de la liberté de la presse, même si elle n’est pas visible par tous les Burkinabè, rayonnera un jour sur la terre des Hommes Intègres et même au-delà.


Vive la liberté de la presse !

 

Justice pour tous nos héros nationaux !

 

C’est ensemble que nous bâtirons un Burkina meilleur !

 

Que Dieu bénisse le Burkina Faso.

SEM Yacouba Isaac Zida

 


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