HomeFocusAttaque de l’aéroport de Bangui : le palier de trop

Attaque de l’aéroport de Bangui : le palier de trop


La crise centrafricaine ne cesse de nous étonner. Après les hommes, c’est au tour des filles de manier la machette, synonyme de terreur et de mort en RCA. Même si elles prétendent protéger les habitants de Bangossoa de la grande île sur le fleuve Oubangui, ces filles anti-balaka n’en restent pas moins des milices. Elles risquent de rendre plus complexe la sortie de crise en RCA si elles ne déposent pas vite leurs machettes. En tout cas, si ces amazones veulent être cantonnées et avoir la vie sauve comme le souhaite le policier Eric Golf, leur chef, elles doivent se départir des actes barbares et remplacer les machettes par des spatules. Car les forces internationales qui ont reçu mandat de faire usage de la force, n’entendent plus céder la moindre parcelle aux fauteurs de troubles en RCA. On assiste bel et bien à un nouveau chapitre de la crise centrafricaine. Au moment où ces anti-balaka filles font leur montée, on a assisté, la semaine dernière, à l’épreuve de force de manifestants se réclamant des milices Anti-Balaka, contre les forces de la Misca et de Sangaris, lesquelles tentaient d’évacuer des Tchadiens. Aux alentours de l’aéroport de Bangui, les barricades, les explosions, les tirs nourris d’armes automatiques traduisaient, visiblement, des scènes de guérilla, voire de guerre entre les forces internationales et les Anti-Balaka.

Il faut avoir un culot inqualifiable pour penser un seul instant qu’avec des machettes, des gourdins, des fusils de chasse, on peut mettre en déroute des forces internationales lourdement équipées et professionnelles

Mais pourquoi ces milices osent-elles s’attaquer à des forces adossées à la légalité internationale, présentes pour secourir et sauver un peuple complètement naufragé ? Le changement de stratégie des Anti-Balaka s’explique-t-il uniquement par une simple opération d’évacuation des ressortissants tchadiens ? Evidemment, rien n’est moins sûr. Il convient de souligner que depuis les propos musclés d’un général français traitant les Anti-Balaka d’ « ennemis de la paix », une guerre larvée est ouverte entre ces milices et les forces internationales. L’opération d’évacuation des ressortissants tchadiens n’est qu’un prétexte, un alibi utilisé par ces milices pour promouvoir leur nouvelle stratégie, celle de la terre brûlée. Mais il faut avoir un culot inqualifiable pour penser un seul instant qu’avec des machettes, des gourdins, des fusils de chasse, on peut mettre en déroute des forces internationales lourdement équipées et professionnelles. Cela dit, ce culot des Anti-Balaka a un mérite : il va clarifier, une fois pour toutes, à Bangui, la situation sécuritaire. Les forces internationales sont condamnées à prendre stratégiquement le dessus, en désarmant définitivement les Anti-Balaka. Mais au cœur de la stratégie centrafricaine, ce qui inquiète et stupéfie, c’est cette marche irrésistible vers le fratricide entre les enfants, tous membres de la même famille d’Abraham. En RCA, certains miliciens se réclamant chrétiens rêvent de faire la fête à tous les musulmans centrafricains, notamment d’origine tchadienne.

L’amour est plus ancien que la haine et l’on peut encore en Centrafrique, faire triompher la vie sur la mort

Or, les préceptes chrétiens sont destinés à faire vivre concrètement la fraternité humaine. Comme l’écrit Jean : « Qui prétend être dans la lumière tout en haïssant son frère, est encore dans les ténèbres. Celui qui aime son frère demeure dans la lumière, il n’y a en lui aucune occasion de chute » (jn2,9-10). Ainsi, l’amour de Dieu ne peut s’accommoder de la haine de l’Autre. Et tous les préceptes chrétiens et musulmans enseignent comment aimer son prochain. En vérité, face au culot des Anti-Balaka, nous avons affaire à des illuminés néo-païens, possédés par un désir de puissance illimité. Pourquoi leur conception du christianisme doit-elle inciter à la haine et au meurtre, en lieu et place de l’estime réciproque et de la fraternité ?
Pourtant, par-delà la haine sidérante provoquée par ces ruptures violentes du lien humain entre Centrafricains, le chemin de la paix, du pardon , de la justice et de la réconciliation reste ouvert, praticable. Quoi qu’il en soit, l’amour est plus ancien que la haine et l’on peut encore en Centrafrique, faire triompher la vie sur la mort.
Au-delà des Anti-Balaka, la communauté dite internationale doit aider la RCA à réintroduire la pluralité, la discussion et le conflit constructeur, en vue de restaurer l’unité du peuple centrafricain. Mais ici, il ne suffira pas de pieuses professions de foi pour y parvenir.

« Le Pays »


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