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ATTAQUE DE LA GENDARMERIE DE DJIBASSO : Retour sur les lieux du drame


Dans la nuit du 31 août au 1er septembre 2017 aux environs de 21h, des individus lourdement armés non encore identifiés, au nombre de 6, tous habillés en noir et cagoulés, ont attaqué la brigade de gendarmerie de Djibasso et le maquis Centre populaire de loisirs (CPL). Ils ont abattu froidement un douanier et ont causé d’énormes dégâts matériels (privés et  publics), avant de confisquer 3 motos dont celle d’un policier. Ces malfrats se sont par la suite   volatilisés dans la nature en direction de la frontière du Mali.

 

Des bâtiments criblés de balles et noircis par la fumée, trois motos incendiées, des taches  de sang, des impacts de balles, plus de 265 douilles de balles de 22 mm, des documents incinérés, un téléviseur  et un réfrigérateur  endommagés, sont, entre autres, les dégâts matériels constatés sur les lieux de l’attaque terroriste de Djibasso, une localité située à 65 km au Nord de Nouna, province de la Kossi, sur la RN14.

Lorsque nous sommes arrivés sur les lieux autour de 7h dans la matinée du 1er septembre 2017, la consternation et l’émotion se lisaient sur les visages. L’heure n’était plus à la fête de Tabaski.

Le défunt douanier Barthélémy Yé, alias Bartho pour les intimes, est l’époux de Hortense Eveline Yélémou, journaliste à la RTB.

 

Retour sur une soirée cauchemardesque à Djibasso

 

Le marché de Djibasso a lieu chaque jeudi. C’est le cadre par excellence où les populations se côtoient et font des échanges commerciaux.

Les terroristes ont profité de cette aubaine pour s’infiltrer à Djibasso. Certaines indiscrétions affirment qu’ils fréquentaient chaque fois ledit marché.

D’où est venue cette attaque ? Difficile pour l’heure d’apporter une réponse. L’on sait que cette attaque a provoqué une psychose au sein des populations qui se sont regroupées par endroits non loin de l’épicentre de l’attaque, à savoir la gendarmerie et le maquis CPL, au lendemain de l’acte odieux. A la morgue du CSPS de Djibasso où le corps sans vie du douanier Barthélémy Yé a été déposé, l’atmosphère était lourde et tendue. Ce dernier a été mortellement touché  alors qu’il était assis avec des amis devant le maquis CPL. Très déprimé et désemparé, le gérant du maquis CPL, Lazare Tiemtoré, n’arrive plus à contenir ses larmes. Il dit avoir perdu plus qu’un ami, un parent qui avait le sens de la considération pour ceux qui le côtoyaient. Paulin Diarra, un des témoins,  nous confie qu’il a été le premier à apercevoir les malfrats au moment de l’assaut. «  Je revenais de chez ma sœur, lorsque j’ai vu des individus en noir et cagoulés qui se cachaient et se relevaient dans les herbes derrière les arbres ; ils se dirigeaient vers la gendarmerie, en détenant des armes lourdes. Ce mouvement inhabituel a attiré mon attention. C’est pourquoi je suis allé raconter cela au gérant du bar. Ce dernier faisait des appels téléphoniques intempestifs. J’étais obligé de l’interrompre, vu l’ampleur de la situation. Il s’est immédiatement intéressé à ma préoccupation. Nous avons alerté les gendarmes qui étaient de garde. L’un des gendarmes a loué l’initiative de notre collaboration. C’est au cours de ces échanges que les malfrats ont commencé à ouvrir le feu. C’était un véritable sauve-qui-peut. Après l’arrêt des tirs, j’ai eu la malchance de les rencontrer devant ma cour. Cette fois-ci, ils s’étaient remorqués sur des motos. Je me suis caché pour leur céder le passage. Ils se sont dirigés vers le village de Kolonzo, certainement pour se réfugier dans les falaises des derniers villages maliens », a relaté Paulin Diarra l’air choqué et désabusé.

Sadraque Dembélé, un client du maquis CPL, nous a susurré qu’il était là quelques minutes avant l’attaque, avec sa copine autour de 21h. Ils ont été paniqués par les tirs nourris qui venaient de partout et ont tenté de s’échapper. Il a pu sauver sa compagne en escaladant le mur du WC de la buvette. Il a pour la suite dû ramper dans les herbes pour avoir la vie sauve.

Dès qu’il s’est approché de sa famille, il a entendu des pleurs et des cris annonçant qu’il était resté dans l’attaque. Mais lorsqu’il est rentré chez lui, c’était la joie pour les membres de sa famille. Mahamadou Kientéga, alias tout puissant, était assis avec le disparu devant le maquis CPL. Il relève qu’ils étaient au nombre de 5. Ils s’apprêtaient même à rentrer lorsqu’ils ont entendu des tirs à l’arme lourde derrière la gendarmerie. Selon ses explications, son amie et lui se sont réfugiés dans une cour voisine jusqu’à 5h du matin. Ils ont perdu leurs téléphones portables sur les lieux. C’était difficile pour eux de joindre leurs familles. « C’est le matin du 1er septembre que nous avons appris que notre ami douanier, Barthélémy Yé, y a malheureusement perdu la vie. C’est terrible et très déplorable  que des honnêtes citoyens soient tués de la sorte ».

El hadj Abdou Sawadogo, dans un franc-parler, a dénoncé la présence des terroristes dans les derniers villages du Mali, Yékré et Bapra, frontaliers avec la commune de Djibasso. « Ils mènent des prêches dans des mosquées de  ces villages environnants pour propager l’Islam dans la localité, comme voulu par leur père spirituel, Ahmadou  Kouffa ». Dans son récit, il confirme que ces délinquants vont de marché en marché pour faire leurs achats au vu et au su de tous, sans être inquiétés.   Tout récemment au marché de Yékré, ils ont rafalé de justesse un militaire malien en tenue, qui était venu pour les funérailles d’un de ses proches. Celui-ci a fui pour leur échapper. L’une des balles perdues a fauché mortellement un cheval. Ils ont remboursé au propriétaire de l’animal la somme de 300 000 F CFA,  tout en s’excusant publiquement. Très cultivé, El hadj Sawadogo  suggère une série d’alternatives pour venir à bout du terrorisme. Il propose un mini-camp militaire à Djibasso et le recadrage des prêcheurs déguisés dans les différentes mosquées. Pour lui, n’importe qui ne peut pas se lever du jour au lendemain pour être prêcheur, même s’il maîtrise le Coran. « Ces individus sans foi ni loi sont en train de doper les ignorants, en utilisant l’Islam à des fins inavouées », déplore-t-il. Il invite la communauté islamique à prendre conscience du danger, en accompagnant l’action du gouvernement dans son élan de lutte contre le terrorisme, en sensibilisant les fidèles afin qu’ils distinguent la bonne graine de l’ivraie dans les mosquées. Il recommande de renforcer le renseignement, de bien équiper les Forces de défense et de sécurité (FDS), de rouvrir le détachement militaire de Nouna, de mettre en place des postes de police et/ou de gendarmerie dans tous les chefs-lieux de commune de la Kossi, de renforcer la collaboration avec la population, de surveiller les prêches dans les mosquées et lors des cérémonies, d’investiguer sur l’origine des fonds alloués à la construction des mosquées.

Les autorités régionales qui ont été alertées se sont, avec à leur tête le gouverneur par intérim de la Boucle du Mouhoun, le haut-commissaire de la Kossi Alfred Ouaré, et des autorités militaires et paramilitaires, immédiatement rendues sur les lieux de l’attaque. Le gouverneur dit être venu encourager les FDS, présenter ses condoléances et  apporter  sa compassion à la famille du disparu. Il a, par ailleurs, invité la population à la vigilance et à la franche collaboration pour démasquer tout suspect inspiré par les forces du mal. Le procureur du Faso près Tribunal de grande instance (TGI) de Nouna, Fissuonté Hien,  a ouvert une enquête pour situer les responsabilités. Dans l’après-midi du 1er septembre, les FDS de Djibasso ont appréhendé un suspect qui serait l’un des terroristes.

En fin de soirée, l’honorable député Daouda Simboro a effectué une visite sur les lieux de l’attaque pour encourager les FDS, présenter ses condoléances à la douane avant d’aller rendre une visite de courtoisie au chef de canton de Djibasso.

 

 

Madi KEBRE (Correspondant)

 

 


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