HomeA la uneATTAQUES TERRORISTES AU BURKINA : Psychose, désarroi et incompréhension à Yalgado

ATTAQUES TERRORISTES AU BURKINA : Psychose, désarroi et incompréhension à Yalgado


Alors que l’assaut contre les djihadistes de l’attaque du Splendid Hôtel et du café Cappuccino se poursuivait au matin du 16 janvier 2016, l’équipe de gestion des catastrophes du Centre hospitalier universitaire Yalgado Ouédraogo était à pied d’œuvre. Mobilisée dès la nuit du 15 janvier, elle s’est occupée des rescapés de la folie meurtrière des « fous de Dieu », aussi bien sur le plan physique que psychologique. Nous y avons fait un tour.

 

A notre arrivée sur les lieux aux environs de 8h, l’atmosphère à l’hôpital Yalgado était plus lourde que d’habitude, le 16 janvier dernier. C’est après avoir montré patte blanche qu’on a pu accéder à la cour de l’hôpital Yalgado. En effet, devant les urgences traumatologiques où sont convoyés les blessés de l’attaque djihadiste, un dispositif sécuritaire filtrait les entrées. Seuls les accompagnants de malades et le personnel de soutien y avaient accès. Massée aux abords dudit bâtiment, une foule impuissante était en attente. La tristesse, l’incompréhension et le désarroi se lisaient aisément sur les visages. Personne ne souhaitait se prononcer. Certains étaient là pour soutenir un parent blessé. D’autres, comme ces deux Suisses, sont venus vérifier si un des leurs ne se trouvait pas aux urgences. Beaucoup étaient sans nouvelles des leurs et effectuaient le déplacement de Yalgado, espérant les retrouver aux urgences. Par moments, des victimes, toujours sous le choc de la nuit cauchemardesque qu’elles ont vécue, quittaient le bâtiment des urgences, et ce, en refusant d’esquisser le moindre commentaire. L’une d’entre elles, sous couvert d’anonymat, consentira, après moult tractations, à nous expliquer son calvaire. Elle nous dira que c’est aux environs de 19h 40 que les djihadistes sont arrivés à l’hôtel et ont commencé à tirer. Elle était à Splendid Hôtel parce qu’elle y avait une réunion. « Ils tiraient avec des armes lourdes et ils sont venus dans la salle dans laquelle nous étions. Ils ont tiré des rafales sur la porte d’entrée puis, ils ont pénétré à deux. Un a tiré sur mon épaule. D’autres qui étaient dans la même salle ont été gravement blessés. A regarder les lieux lorsque nous sortions, les dégâts occasionnés, nul besoin de dire que ce n’était pas la joie. C’est par la grâce de Dieu qu’on s’en est sorti vivant », soutient elle, avec une voix à peine audible. A l’en croire, c’est à l’Armée française que ses collègues et lui doivent leur salut. Ayant déjà reçu les soins, notre interlocuteur a pris la route de sa maison.

C’est un miracle que nous soyons encore en vie

 

Pendant ce temps, un car transportant une vingtaine de passagers a stationné non loin du service psychiatrique. Il était 9h 40. Ceux-ci étaient à Splendid Hôtel et sont sortis indemnes de l’attaque djihadiste. Conduits à l’hôpital Blaise Compaoré dans un premier temps, ils ont été redirigés à Yalgado pour un suivi psychologique. Un simple coup d’œil sur leur visage suffisait à comprendre qu’ils venaient de traverser des épreuves difficiles. « C’est un miracle que nous soyons encore en vie », raconte, entre deux souffles, Fanta N., l’une des passagères. Présents à Splendid Hôtel dans le cadre d’une réunion, c’est dans la salle forte dudit hôtel qu’elle et ses collègues se sont réfugiés pour échapper aux « fous d’Allah ». «  Dans le caveau, nous entendions des coups de feu. La salle était étroite ; nous étouffions et nous nous disions que tout était fini ; cela, après avoir joint par téléphone des proches pour comprendre ce qui se tramait sur Kwamé N’Krumah », a-t-elle ajouté. Et de poursuivre que c’est vers 2h du matin que les militaires les ont exfiltrés de l’hôtel. « Un char blindé a été positionné et nous sommes sortis un à un. Mes collègues et moi sommes sortis sains et saufs. Nous étions 13 et nous avons tous été sauvés », poursuit la rescapée. Fanta N. déplore également le fait que beaucoup de gens ont perdu la vie. Après avoir rencontré la cellule de prise en charge psychologique, les passagers du car ont reçu la visite de Sika Kaboré, l’épouse du président du Faso.

Arrivée à l’hôpital à 10h 15, elle a rendu visite aux patients admis au service traumatologique, à ceux du service psychologique et à une patiente admise au service de maternité. « Je suis sous le choc. Je ne peux pas rester insensible face à cette catastrophe. Je suis venue pour rencontrer les blessés, leur apporter un peu de réconfort, m’entretenir avec le personnel hospitalier pour voir ce qui était possible que je fasse, outre le réconfort moral à l’endroit de nos frères et sœurs pris dans cette tragédie », confie t’elle. Elle a par ailleurs félicité le personnel de l’hôpital Yalgado pour la justesse et le dynamisme avec lesquels il s’occupe des rescapés de ce terrible évènement. Tout comme elle, une équipe gouvernementale a apporté son soutien aux victimes des attaques de Splendid Hôtel et du Cappuccino.

29 housses mortuaires pour enlever les corps

 

Concernant les rescapés, 28 blessés ont été reçus dans le service des urgences traumatologiques. Parmi ceux dont les blessures nécessitaient une intervention chirurgicale, 4 avaient déjà été opérés et 3 étaient en voie de l’être, selon le premier responsable de ce service, Pr Christophe Da.

Au total, 31 blessés, la majorité par balle, ont été reçus à l’hôpital Yalgado, selon son Directeur général (DG), Robert Sangaré. «  Notre équipe de gestion des catastrophes était à pied d’œuvre. Le rappel des troupes, aussi bien le personnel des urgences traumatologiques que ceux des autres services, a été fait depuis la nuit », rassure-t-il. Pour ce qui est des morts, Robert Sangaré, que nous avons rencontré aux environs de 13h, a dit que les autorités lui ont demandé 29 housses mortuaires pour enlever les corps sur l’avenue Kwame N’Krumah, les dépouilles des djihadistes abattus y compris.  «  Nous avons pris des mesures ici pour la conservation de ces corps, d’autres seront envoyés à Tengandogo, à l’hôpital Blaise Compaoré », précise le DG. Il est à noter que sur instruction du gouvernement, la prise en charge des blessés est gratuite.

Thierry Sami SOU

 

 


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