HomeA la uneATTENTAT DE TUNIS : Kaïd  saura-t-il desserrer l’étreinte des caïds du djihadisme ?

ATTENTAT DE TUNIS : Kaïd  saura-t-il desserrer l’étreinte des caïds du djihadisme ?


 

S’il y a bien un pays qui mérite des larmes, c’est la Tunisie, prise entre les serres de l’aigle noir du terrorisme. L’acharnement de la folie meurtrière djihadiste sur le pays, en hypothèque l’avenir. Par trois fois en une année, sur les plages de Sousse, au musée du Bardo et dans le bus de la Garde présidentielle à Tunis, les cavaliers de l’apocalypse ont attenté à ses organes vitaux. Le pays tourmenté par ces attaques, s’est ankylosé, aidé en cela par la proximité du chaos libyen et le fort attrait de sa jeunesse par l’EI. Pourquoi la Tunisie, précisément, se retrouve-t-elle dans l’œil du cyclone ? D’abord parce qu’elle apparaît comme le fleuron de la démocratie au Maghreb. C’est des anticyclones tunisiens qu’est né l’alizé du printemps arabe. Et cette situation est abhorrée par les tenants de l’islam radical, partisans d’un mode de gouvernance théocratique. La démocratie, temple des libertés individuelles et pouvoir temporel émanant de la volonté des hommes, leur paraît une hérésie en Tunisie, cadre géographique et historique relevant du khalifat. De ce fait, le pays leur apparaît comme une gangrène dont il faut se débarrasser, et au plus tôt. Ensuite parce que l’économie tunisienne est essentiellement tournée vers l’Occident,  en raison de l’essor du tourisme lié à la beauté paradisiaque des plages et aux impressionnants vestiges et monuments historiques. Dans le schéma mental moyenâgeux  djihadiste, cette industrie touristique est synonyme de corruption des mœurs et de débauche. La Tunisie, de ce point de vue, n’est plus qu’un antre du péché dont l’éradication relève d’une mission divine. Enfin parce que politiquement, le pays est encore en proie aux turbulences politiques islamistes avec Ennhada qui cultive un conservatisme propice aux cellules islamistes dormantes.

Pour se tirer du labyrinthe islamiste, la Tunisie doit embrayer sur la coopération avec les pays voisins

 

Quoi qu’il en soit, les conséquences de cette recrudescence des actes terroristes sur le sol tunisien, en plus des nombreuses pertes en vies humaines, sont tout simplement dramatiques en ce sens qu’elles touchent d’abord les symboles de la puissance tunisienne. C’est véritablement à la naissance d’un syndrome tunisien qu’assiste la Communauté internationale encore tétanisée par ces scènes d’horreur. L’économie s’en trouve désossée et le risque d’effondrement est grand, avec toutes ses conséquences sociales dont le chômage des jeunes à l’origine de la révolution. Ce scénario catastrophe, en plus de fertiliser le terreau de l’islamisme, engendrerait de fait l’instabilité politique. Ce chaos, joint à celui du voisin libyen, agrandirait davantage le couloir d’accès des djihadistes aux portes du Sahel. Les investisseurs résignés vont immanquablement tourner le dos à ce qui fut une véritable oasis de prospérité dans le Maghreb. L’autre importante conséquence de ces attaques meurtrières est l’installation de la psychose au sein des populations au point de compromettre le vivre-ensemble. Au plan politique, la persistance de ces actes qui font froid dans le dos, risque d’entraîner le recul de la démocratie, car les populations terrorisées auront du mal à résister aux sirènes des pouvoirs forts, voire totalitaristes et donc incompatibles avec les libertés individuelles quand tout simplement elles ne s’en remettront pas aux islamistes eux-mêmes. La sagesse africaine ne  dit-elle pas que « quand on est impuissant face à son voleur, on l’aide à transporter son butin » ? Ces conséquences sont telles qu’il n’y a pas de place pour un optimisme facile en Tunisie. On peut légitimement douter de la capacité du pays à renaître du chaos djihadiste. Mais « impossible n’est pas ivoirien », entend-on sur les bords de la lagune Ebrié et on peut bien conjuguer ce dicton à la tunisienne car ce peuple, en faisant tomber la dictature de Ben Ali, a fait la preuve de sa bravoure et de sa capacité de rejet du fatalisme et de l’oppression. Pour se tirer du labyrinthe islamiste, le pays doit embrayer sur la coopération avec les pays voisins qui, il n’y a pas longtemps, étaient le nid du terrorisme mais qui ont réussi le pari de s’en extirper. L’Algérie a vaincu l’hydre, et son exemple qui fait école, peut être exporté. Dans un élan de solidarité maghrébine, le partage des renseignements indispensables dans cette guerre asymétrique, peut également être un puissant antidote à la gangrène islamiste.  Les Occidentaux ne devraient pas non plus marchander leur contribution car en plus du fait qu’ils sont les premiers clients du marché touristique tunisien, ils ont tout aussi intérêt à ce qu’un Etat fort subsiste en Tunisie pour que le chaos n’ouvre, de façon incontrôlable, les vannes de la migration vers l’Europe, via la Méditerranée. De ce fait, ils doivent aider à trancher le nœud gordien du désordre libyen né de leur intervention dans le pays, et détruire la ruche Daesh. Mais la Tunisie doit d’abord et surtout compter sur elle-même par l’intensification de la lutte contre la pauvreté et les injustices sociales qui font le lit du terrorisme. C’est à ce prix que Kaïd pourra desserrer l’étreinte des caïds du djihadisme.

 

SAHO


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