HomeA la uneATTENTAT-SUICIDE A FOTOKOL AU CAMEROUN : Les jours se suivent et se ressemblent

ATTENTAT-SUICIDE A FOTOKOL AU CAMEROUN : Les jours se suivent et se ressemblent


 

L’extrême-nord du Cameroun a été une fois de plus la cible de la secte islamiste Boko Haram, avec l’attentat-suicide perpétré par de jeunes filles kamikazes, le 21 novembre dernier, dans les environs de la ville  de Fotokol. Le bilan humain dressé par les autorités locales fait état de 9 morts et de plusieurs blessés. La principale cible de cette opération des terroristes semble être le chef traditionnel de la bourgade et coordonnateur local des comités de vigilance qui sont en pointe dans la lutte contre le terrorisme en fournissant à l’armée camerounaise de précieux renseignements sur la présence et les mouvements des kamikazes. Ces comités de vigilance ont certes réussi à annihiler certaines attaques de la nébuleuse islamiste, mais tout porte à croire que Abubakar Shekau et ses lieutenants ont trouvé la parade contre les boucliers civils créés et encadrés par les autorités militaires camerounaises, puisqu’ils ont encore une fois  semé la panique, la mort et le doute dans l’esprit des résistants de la ville camerounaise. La question qui taraude les esprits au Cameroun et ailleurs est celle de savoir comment ces illuminés arrivent-ils, souvent avec une déconcertante facilité, à atteindre leurs cibles dans une région qui abrite le fleuron de l’armée camerounaise, et censée être étroitement surveillée par des drones américains. On pourrait a priori penser que c’est un exploit copernicien de la part de Boko Haram de réussir à la fois à convaincre leurs adeptes de se faire pulvériser de préférence au milieu d’une foule pour faire le plus de victimes possible, et à passer allègrement entre les mailles des filets sécuritaires et des écrans radars des Camerounais et de leurs alliés. Mais, en vérité, plus que le génie et le panache des cadres de Boko Haram, c’est la proximité du Nord-Est du Cameroun avec les fiefs nigérians de la secte islamiste et la misère des populations locales, qui fragilisent tous les moyens déployés jusqu’ici dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Entre la ville camerounaise de Fotokol et sa jumelle nigériane de Gambaru, il n’y a qu’un pont à traverser et un pas à faire pour les bombes humaines de Boko Haram, convaincues qu’elles réussiront  à déjouer les pièges que leur tendent de l’autre côté de la rivière, l’armée camerounaise et ses indicateurs. Elles bénéficient pour cela de la complicité de leurs compatriotes réfugiés dans les régions frontalières du Cameroun, mais aussi du soutien des jeunes élèves des écoles coraniques qui pullulent dans cette partie du pays, endoctrinés par des prêcheurs locaux d’obédience salafiste et extrémiste.  Le dénominateur commun de tous ces kamikazes est la misère morale ou matérielle sur laquelle leurs commanditaires surfent pour les encourager à écourter leurs souffrances ici-bas, en acceptant de se tuer au nom de la religion musulmane pour s’ouvrir les portes du paradis éternel. Et pour éviter d’éventuelles rebuffades ou désistements volontaires, les donneurs d’ordre n’hésitent pas à doper les auteurs des attentats-suicide au tramol ou au chanvre indien, quand ils n’usent pas  de ruse en leur faisant croire que l’objet qui leur a été remis est inoffensif.

Les djihadistes pourraient faire des lycéennes de Chibok leur source de commandos kamikazes

Dans un cas comme dans l’autre, les chefs intégristes qui passent le clair de leur temps à se protéger des balles et des bombes de leurs supposés ennemis, exploitent cyniquement l’inconscience ou l’inculture de ceux qu’ils projettent au-devant de la mort, souvent pour des raisons farfelues ou bassement matérielles, en totale contradiction avec les valeurs que défend l’islam. C’est donc cette poignée d’intégristes, ou plutôt d’obscurantistes, qui mène un combat d’arrière-garde au Sahel et ailleurs dans le monde et qui cible, ô paradoxe, prioritairement leurs coreligionnaires, en les faisant massacrer par des jeunes à peine sortis de l’adolescence et qui ne prennent pas la pleine mesure des actes qu’ils posent. Le plus inquiétant, c’est qu’on assiste depuis quelques années à une sorte d’escalade dans l’horreur des actes perpétrés par ces hommes et femmes prétendument fanatiques d’une religion  dont ils sont en réalité les premiers ennemis. Les attaques aux colis et voitures piégés, à la roquette ou à la grenade offensive auxquelles on avait coutume d’assister,  font de plus en plus place aux opérations kamikazes qui, en plus de leur « efficacité » meurtrière, sèment une paranoïa ambiante et une méfiance extrême entre les populations. Ce nouveau modus operandi est d’autant plus inquiétant qu’on ne sait ni où, ni quand il sera actionné, encore moins le nombre de « réservistes » dont disposent les commanditaires. Lorsque le premier attentat-suicide avait été perpétré en juillet dernier justement dans la même ville de Fotokol, beaucoup avaient parié sur la fin imminente de Boko Haram qui venait, selon eux, de donner ses derniers signes de vie à travers cet acte désespéré. Le moins qu’on puisse dire, c’est que depuis, les jours se suivent et se ressemblent puisque quatre mois après, Shekau semble toujours disposer d’un contingent impressionnant  de kamikazes pour continuer à semer la terreur dans tous les pays riverains du Nigeria. Au regard de leur jeunesse et du fait que la plupart d’entre eux sont des filles, on ne peut s’empêcher de penser à ces 276 lycéennes enlevées à Chibok par la secte islamiste en avril 2014 et qui n’ont toujours pas été localisées, encore moins libérées. Les djihadistes pourraient en faire leur source de commandos kamikazes, après les avoir endoctrinées et convaincues d’aller à l’assaut des forces ennemies, ceintures d’explosifs sous la burqua. Certaines d’entre elles pourraient se porter volontiers candidates à la mort instantanée, ne serait-ce que pour mettre fin aux humiliations et aux diverses exactions dont elles sont injustement victimes. Mais espérons qu’avec les nombreuses initiatives qui sont prises ces derniers temps par les pays de la région en vue de mutualiser  leurs forces, les chefs islamistes n’auront plus le temps ni les moyens de renouveler leur « stock » de kamikazes, et finiront tous par se faire exploser eux-mêmes en guise de baroud d’honneur, afin qu’on célèbre ensemble et dans la ferveur, la paix et l’œcuménisme retrouvés.

Amadou GADIAGA


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