AUDITION DE DADIS CAMARA SUR LES MASSACRES DU 28 SEPTEMBRE :Pourquoi à Ouagadougou et non à Conakry?

 

La Justice a enfin décidé d’entendre l’ancien chef de la junte guinéenne, Moussa Dadis Camara, sur les massacres du 28 Septembre 2009. On se rappelle que près de 160 personnes avaient perdu la vie et une centaine de femmes innocentes avaient été violées au stade de Conakry. Près de cinq ans après ce drame, la Justice guinéenne a demandé à un magistrat burkinabè d’auditionner l’enfant terrible de N’Zérékoré, en exil forcé au Burkina, en qualité de témoin.

 

La voie empruntée pour l’audition de l’ancien président de la junte guinéenne laisse perplexe

 

Va-t-on vers la manifestation de la vérité? Difficile de répondre par l’affirmative. Mais il est évident que le témoignage de l’ancien président du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), pourrait faire avancer ce dossier qui dormait dans les tiroirs. Car, sans doute dispose-t-il d’éléments précieux pouvant permettre à la Justice de son pays, de donner un coup d’accélérateur à ce dossier. Reste que la voie empruntée pour l’audition de l’ancien président de la junte guinéenne, laisse perplexe. Pourquoi a-t-il été entendu à Ouagadougou et non à Conakry? Il est certes en exil forcé au pays des Hommes intègres, mais pour la manifestation de la vérité, son retour au pays n’aurait-il pas été plus indiqué ? D’autant que ce n’est pas la première fois qu’il est accordé une dérogation à l’ex-patron de la junte guinéenne pour rentrer au bercail. En tout cas, le jeu en valait la chandelle. Du reste, aucun sacrifice n’est de trop, si tant est qu’on veuille faire la lumière sur cette affaire. Qui pourrait s’opposer ou qui a intérêt à ce que Moussa Dadis Camara ne soit rapatrié et mis à la disposition de la Justice de son pays ?

 

On est face à un traitement de faveur

 

En fait, on ne le sait que trop bien. Le pouvoir guinéen n’y a pas intérêt et cela pour plusieurs raisons. D’abord, l’ex-président de la junte a toujours de nombreux partisans et sympathisants en Guinée. Et si jamais Dadis Camara avait maille à partir avec la Justice de son pays, cela pourrait créer une onde de choc à laquelle le jeune pouvoir guinéen ne voudrait certainement pas faire face. Ensuite, on sait que l’homme n’a pas sa langue dans sa poche ; son retour éventuel au bercail pourrait lui donner l’occasion, s’il se sent acculé, de faire des révélations fracassantes qui pourraient embarrasser le pouvoir en place. De fait, il n’est pas exclu que Moussa Dadis Camara, bien qu’étant un témoin clé dans cette affaire, ait toujours préféré protéger certains hauts responsables mis en cause dans cette affaire. On sait du reste qu’il y a des dignitaires du régime actuel dont les noms avaient été cités dans cette affaire. La preuve, certains hauts gradés de l’armée, inculpés, continuent de narguer la Justice en refusant de comparaître. Et s’ils le font, c’est sans doute parce qu’ils bénéficient de la couverture du pouvoir. Au total, on peut croire que si Dadis Camara a été entendu en qualité de simple témoin, alors qu’il porte toute la responsabilité morale du drame du 28 septembre, on est face à un traitement de faveur qui n’est pas de nature à déplaire en haut lieu.

Dépité par la lenteur de la Justice guinéenne, l’ancien président par intérim, Sékouba Konaté, avait déposé une liste de personnalités impliquées dans cette affaire. Reste à savoir si son dernier coup de sang a un rapport avec la dernière sortie de la Justice guinéenne.

 

Dabadi ZOUMBARA