HomeA la uneAUGUSTIN ZONGO, DG DE SPLENDID HOTEL : « Les assaillants n’ont pas logé à Splendid Hôtel »

AUGUSTIN ZONGO, DG DE SPLENDID HOTEL : « Les assaillants n’ont pas logé à Splendid Hôtel »


Le 16 janvier 2016, des individus ont attaqué trois lieux dans la ville de Ouagadougou. Il s’agit de Splendid Hôtel, du café restaurant Cappuccino et du maquis le Taxi-Brousse. Le bilan fait état de 30 morts et de plusieurs blessés. Hier, notre équipe de reportage est repartie sur les lieux, en fin d’après-midi. Sur place, c’était le calme plat. Le patron de Cappuccino qui a perdu plusieurs membres de sa famille était là. Il était tenu dans les bras et soutenu par un « ami ». Ils faisaient des va-et-vient. Visiblement, il tenait difficilement sur ses deux jambes, cherchant toujours à comprendre ce qui lui est arrivé. Le ministre de la Justice était aussi là, en compagnie du Procureur du Faso. Ils échangeaient à voix basse. A Splendid Hôtel, l’heure est au nettoyage. Augustin Zongo, le DG, était dans son bureau où, fréquemment, des hommes chargés de l’enquête pénétraient pour échanger quelques mots avec lui. C’est dans cette ambiance que nous avons recueilli les propos du DG qui essaie de tenir le coup. Lisez plutôt !

 

« Le Pays » : Pouvez-vous nous raconter les faits tels que vous les avez vécus ?

Augustin Zongo, DG de Splendid hôtel : Le 15 janvier j’étais à Koudougou, sur un chantier et c’est aux environs de 20h qu’on m’a informé qu’il y avait des tirs au niveau de Cappuccino. J’ai démarré immédiatement pour Ouaga. Arrivé, j’ai entendu qu’il y avait une attaque à Splendid Hôtel. J’ai continué directement à l’état-major de la gendarmerie pour donner des informations sur le plan de l’hôtel. Après cela, j’ai été en contact avec le service de renseignement français qui voulait aussi des informations sur le même plan. Ensuite, on s’est déplacé au niveau du bâtiment du ministère de la Fonction publique à partir duquel les opérations étaient coordonnées. C’est de là-bas que j’ai suivi l’assaut.

En visionnant les casettes de vidéo-surveillance, quel constat avez-vous fait ?

 

J’ai constaté que les assaillants étaient au nombre de trois. On sentait qu’ils étaient déboussolés. C’était des jeunes qui n’avaient pas plus de 25 ans.

Ils ont été tués à Taxi-brousse. Comment ont-ils pu quitter l’hôtel pour s’y retrouver ?

 

Même au niveau de la gendarmerie, on n’arrive toujours pas à expliquer cela. On pensait qu’ils étaient toujours à l’hôtel alors qu’ils étaient à Taxi-brousse où ils ont été abattus.

Est-ce que vous avez soupçonné des complicités au niveau même de l’hôtel ?

 

Tout cela ne peut se faire sans complicités. On sentait qu’ils étaient perdus. Dans la vidéo, en tout cas, ils étaient déboussolés.

-ce vrai ?Certains ont estimé qu’ils ont logé à l’hôtel ici. Est

On a bien vu la vidéo mais ils n’ont pas logé à Splendid Hôtel. On a montré la vidéo à tout le personnel et tout le monde a vu qu’ils n’ont pas logé à l’hôtel. Mais il y a des suspects. Il y a des gens qui ont logé à l’hôtel et qui sont présentement entendus par la gendarmerie.

 

A-t-on vu ceux qui sont entendus actuellement, par les enquêteurs, avec les terroristes ?

 

Non ; on ne les a pas vus ensemble. Ce sont des gens du Niger. Je pense qu’ils sont au nombre de quatre dont un député nigérien. Dans la vidéo, on a remarqué beaucoup de mouvements de leur part. Il y a les Touaregs qui venaient de l’extérieur et qui échangeaient avec eux sous le hall…Ce qui est sûr, les enquêteurs sont là-dessus. Pour le moment, on ne peut pas savoir s’il y a des liens. Ils ont dit qu’ils sont là pour préparer la campagne présidentielle au Niger et dans ce cadre, ils sont rentrés en contact avec des Nigériens qui sont au Burkina Faso.

Pensez-vous que trois ou quatre personnes peuvent causer tous les dégâts constatés ?

 

C’est possible. Au niveau de la vidéo, on sait à quel moment l’attaque a commencé. C’est à 19h42 qu’on a vu les gens courir. Jusqu’à 9h le lendemain matin, il y avait toujours des tirs. Donc, ils ont eu tout le temps de faire ce qu’ils veulent. Vous voyez que les véhicules qui étaient garés le long de Splendid Hôtel, ont été incendiés. C’est ce qui a noirci la façade et le hall de l’hôtel.

« Ils m’ont demandé le plan de l’hôtel trois jours avant l’attaque »

 

Pour faire un tel travail, il faut être bien armé. N’est-ce pas ?

 

Posez plutôt la question aux forces spéciales françaises ou aux éléments de la gendarmerie. Il était difficile d’approcher les lieux. Même depuis le bâtiment de la Fonction publique, on a senti la puissance de feu. On n’osait pas mettre la tête dehors. Ils utilisaient des armes de guerre. Je pense qu’ils avaient aussi des grenades.

Qu’ont fait les terroristes quand ils sont entrés dans l’hôtel ?

 

Dans la vidéo, il y en a un qui est venu le premier. Il a commencé à incendier les véhicules. En entrant, bizarrement, il ne touche pas la porte qui est pourtant facile à ouvrir. Il a cassé les vitres pour entrer, peut-être pour éviter de laisser des empreintes. Il est ressorti immédiatement avant de revenir avec les deux autres. Les deux sont montés au niveau des étages ; le dernier est passé par le bas. Après, on les a vus à une certaine heure avec des torches parce qu’il n’y avait plus de lumière en bas.

Quel bilan faites-vous des dégâts à votre niveau ?

Les dégâts sont énormes. Déjà au niveau de la réception, tout est parti en fumée. Tout est à reprendre. La façade est à refaire. Au niveau des chambres, toutes les portes ont été défoncées ; il faut les changer. Il y a des chambres où il y a eu des tirs. Il y a donc des impacts de balles partout. Donc, tout est à rénover.

Si l’on devait mesurer l’impact psychologique de ces attaques sur vous et sur le personnel de l’hôtel, que pourriez-vous dire ?

Disons que ce n’est pas facile. Présentement, j’essaie de plaisanter avec eux pour essayer de remonter le moral des uns et des autres mais c’est difficile. Deux ou trois des employés sont tombés malades parce que la situation n’a pas été facile pour eux. Mais on ne va pas baisser les bras ; on doit continuer à vivre.

 

Quel pourrait être l’impact sur votre activité ?

 

Là, c’est sérieux. Mais ce qui m’encourage, c’est qu’on reçoit des appels et des messages de nos clients qui sont à l’extérieur, qui nous demandent la date de réouverture de notre hôtel. Le 16 janvier dans la matinée, j’ai été dans une chambre récupérer le sac d’un de mes clients. Avant de partir, il m’a dit : « monsieur le directeur, après la rénovation, si ce n’est pas à Splendid, je ne pars dans un aucun autre hôtel ». Cela nous encourage. C’est dire que la vie continue.

Avant ces attaques, comment était organisée la sécurité de votre hôtel ?

 

Au niveau du secteur privé, c’est très compliqué. Pendant les élections, il y avait des gendarmes qui filtraient l’entrée de l’hôtel. Ils fouillaient les sacs avant même que les gens n’aient accès à l’hôtel. Dès que les élections ont pris fin, les gendarmes sont repartis et nous, nous avons été, soit au niveau de la gendarmerie, soit au niveau de la police des hôtels, pour voir comment ils pouvaient renforcer notre sécurité. Mais ils nous ont fait savoir qu’au niveau du privé, ce n’était pas possible. Et que tant qu’il n’y a pas un évènement exceptionnel, ils ne pouvaient pas renforcer notre sécurité. Je leur ai même rappelé cela. Eux-mêmes disaient qu’il y avait un risque d’attaque. Ils m’ont demandé le plan de l’hôtel trois jours avant l’attaque. Cela veut dire effectivement que la sécurité était consciente du risque. Je pense que maintenant, ils vont prendre tout cela en compte. Les vigiles ne sont pas formés pour ce type de sécurisation.

 

Avez-vous autre chose à dire ?

 

Sur le plan de la sécurité, on peut dire que le mal est déjà fait. On n’y peut rien mais il faut que les autorités revoient le système sécuritaire. Hier dans la soirée, je suis passé devant un restaurant de la place dont je ne citerai pas le nom. Il n’y avait pas de dispositif particulier alors qu’il y avait beaucoup d’étrangers. Même si ce n’est pas devant l’établissement, on peut renforcer la sécurité dans certains endroits stratégiques.

Propos recueillis par Michel NANA

 

 

 

Trois assaillants « encore recherchés », selon Manuel Valls

Hier mardi 19 janvier 2016, le Premier ministre français, Manuel Valls, a indiqué que trois assaillants présumés de l’attentat de Ouagadougou étaient “encore recherchés”. Car, selon lui, l’attentat de Ouagadougou aurait été mené par “six” personnes. En rappel, trois terroristes ont été tuées. Valls rapporte que « six individus ont ouvert le feu sur le café Cappuccino (…) avant de se réfugier dans l’hôtel Splendid ». « Je veux exprimer à mon tour ma solidarité avec le Burkina Faso, attaqué, les morts de ce pays et toutes les victimes de ces attentats terroristes », a laissé entendre le Premier ministre français avant d’ajouter que « l’Afrique est la cible des actes terroristes, la cible de ces groupes terroristes. Et notamment des pays comme le Burkina Faso, le Mali ou la Tunisie, qui représentent la démocratie, l’apaisement ». En tout cas, l’enquête suit toujours son cours à Ouagadougou et les limiers semblent s’orienter vers la piste d’un commando composé de trois assaillants.


Comments
  • Depuis un certain temps, je refuse systématiquement d’emmener mes enfants au Restaurant le Verdoyant malgré leur insistance. La raison est simple: c’est un restaurant qui reçoit beaucoup d’étrangers et est une cible potentiel pour Djihadistes alors qu’aucun système de sécurisation des lieux n’est en place. Ce genre d’établissements doit retenir l’attention de nos autorités.

    21 janvier 2016

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