HomeA la uneAXES OUAGA-DOHA/OUAGA-PYONGYANG : Vive la diplomatie du chéquier !

AXES OUAGA-DOHA/OUAGA-PYONGYANG : Vive la diplomatie du chéquier !


Aujourd’hui, 21 décembre 2017, « le pays des hommes intègres » reçoit la visite de l’Emir du Qatar. Pour un événement, c’en est un. Car, sauf omission ou oubli de notre part, c’est la première fois que le Burkina est honoré d’une visite d’un Emir de cette péninsule désertique de seulement 11 400 km2 mais, la précision vaut son pesant d’or, très riche en pétrole et surtout en gaz naturel. De manière générale, l’on peut faire le constat que les déplacements d’un Emir de ce richissime pays, à l’étranger et notamment en direction de l’Afrique, sont aussi rares que les larmes d’un chien. D’où la fierté du Burkina de mettre les petits plats dans les grands pour lui réserver un vibrant et retentissant « Marhaban Bikoum » (bienvenue en arabe ). Le Burkina saisira aussi l’occasion pour traduire à son illustre hôte « choukran », c’est-à-dire toute sa reconnaissance pour l’ensemble de ses bonnes œuvres. En effet, celles-ci sont multiformes et variées. Elles concernent en particulier les domaines de la santé, des infrastructures et  de l’immobilier. Et les autorités burkinabè attendent davantage de ce pays, puisqu’elles savent que celui-ci croule sous le poids des pétrodollars et aussi parce que le Burkina Faso, par ces temps de vaches maigres qui courent, ne peut pas s’offrir le luxe de cracher sur l’aide que peut lui apporter le Qatar pour réaliser certains de ses projets à l’effet de sortir la tête de l’eau.

Le Burkina Faso a intérêt à caresser les deux pays dans le sens du poil

C’est cette diplomatie de la survie ou du chéquier qui a conduit le Burkina Faso à s’interdire de prendre parti dans la tension actuelle qui prévaut entre le Qatar et l’Arabie Saoudite, le second accusant le premier, à tort ou à raison, de financer le terrorisme. Et l’on peut d’autant plus comprendre la position du Burkina Faso que le Qatar et l’Arabie Saoudite sont tous les deux généreux vis-à-vis du pays des Hommes intègres. Le Burkina Faso a donc intérêt à caresser les deux pays dans le sens du poil. Interpellé sur la question de savoir si le rapprochement avec le Qatar ne va pas créer des problèmes entre le Burkina et l’Arabie Saoudite, le ministre des Affaires étrangères, Alpha Barry, s’est contenté de dire ceci : « Cela n’est pas souhaitable ». Le moins que l’on puisse dire à propos de cette brève réponse du chef de la diplomatie burkinabè, est que le pays des Hommes intègres ne peut se permettre de s’aliéner le soutien ni de l’un ni de l’autre. C’est pour cette raison d’ailleurs que les nouvelles autorités du Burkina Faso courtisent les deux monarchies richissimes à coups de visites et d’autres actions tendant à renforcer ses relations avec Doha d’une part, et de l’autre avec Ryad. C’est cette diplomatie fondée sur le chéquier qui peut également expliquer la promptitude avec laquelle le Burkina Faso a répondu favorablement au rappel à l’ordre de l’Oncle Sam lui enjoignant de mettre fin à ses échanges commerciaux avec l’un des pays les plus emblématiques de « l’axe du mal », pour reprendre l’expression des Américains. Ce pays-là que les Etats-Unis  ne veulent pas voir même en peinture, vous l’aurez imaginé facilement, est la Corée du Nord. Sitôt dit, sitôt exécuté. Le Burkina Faso cesse tout négoce avec l’ennemi juré devant l’Eternel de la puissante et friquée Amérique.

Les Etats-Unis sont mal placés pour sommer le Burkina de respecter une résolution onusienne

Pour atténuer la vigueur du diktat américain et pour signifier que le Burkina Faso n’est pas le pantin des Américains, le chef de la diplomatie burkinabè, Alpha Barry, a vite fait de brandir la résolution de l’ONU (Organisation des Nations Unies) selon laquelle les importations de produits de ce pays d’Asie sont formellement interdites. L’on peut avoir franchement envie de rire à propos de cette justification, pour les raisons suivantes. D’abord, il est de notoriété publique que le plus grand partenaire économique de la Corée du Nord est la Chine populaire. Peut-on imaginer que l’Amérique somme ce pays d’arrêter tout rapport avec la Corée du Nord et qu’il s’exécute à la vitesse de l’éclair comme vient de le faire le Burkina Faso ? La réponse est claire comme de l’eau de roche. L’autre raison est liée au fait que les Etats-Unis sont mal placés pour sommer le Burkina de respecter une résolution onusienne. En effet, en matière de respect des résolutions de l’ONU, les Etats-Unis d’Amérique pourraient mériter le bonnet d’âne. L’on peut illustrer cette appréciation en rappelant le cas de l’Etat hébreux, c’est-à- dire, l’Israël. Combien de résolutions onusiennes  ce pays a-t-il violées ? On ne les compte plus, tellement elles sont nombreuses. L’on peut citer à titre d’exemple la résolution des Nations Unies donnant un statut neutre à la vieille ville de Jérusalem. Et pourtant, les Etats-Unis entretiennent avec ce pays  des relations étroites et privilégiées. S’agissant de la Corée du Nord, les Américains la vouent aux gémonies car, disent-ils, ce pays développe un programme nucléaire. Tout en reconnaissant la dangerosité pour l’humanité de l’arme nucléaire, l’on peut se poser la question de savoir pourquoi les Etats-Unis se sont arrogé le droit de décider qui a l’autorisation de s’en procurer et qui ne doit pas en posséder. Bien sûr, le pauvre Burkina Faso n’ose pas poser ce genre de question à l’Oncle Sam au risque de se voir tirer les oreilles et de se faire fermer le robinet. De tout ce qui précède, l’on peut retenir que les relations internationales sont régies par les intérêts et les rapports de force. De ce point de vue, les plus forts ont toujours raison. Et les plus faibles, comme le Burkina Faso, contraints à tendre la sébile pour exister, doivent être prêts à avaler toutes les couleuvres et cela, sans murmure. Quelque part, leur dignité en prend un coup. Mais, l’on peut se demander si cette perte de dignité et de personnalité constitue une préoccupation pour les pays pauvres. L’essentiel, pour eux, est de survivre. Les questions d’ordre moral sont le cadet de leurs soucis. Le Burkina Faso est dans cette logique, comme d’ailleurs l’écrasante majorité des pays d’Afrique. C’est pourquoi le pays des Hommes intègres a mis en place depuis pratiquement toujours, une diplomatie fondée sur le chéquier. Mais, l’on doit se garder de lui jeter la pierre, car, ne dit-on pas que « les pays n’ont pas d’amis mais des intérêts » pour reprendre l’expression  d’un ancien président français ?

« Le Pays »


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