HomeRencontreBACHIROU DRAME, CONSEILLER MUNICIPAL : « Le plus grand rêve de ma vie, c’était de construire cette école pour les enfants de mon village »

BACHIROU DRAME, CONSEILLER MUNICIPAL : « Le plus grand rêve de ma vie, c’était de construire cette école pour les enfants de mon village »


Bachirou Dramé est un jeune marabout. Il est aussi Conseiller municipal UPC du village de Tonséré, situé à 16 km de Nouna sur la RN14 entre Nouna et Dédougou.

Issu d’une famille de 27 enfants, il est marié et père de 4 enfants. Bachirou Dramé s’est vite forgé une bonne image dans son village en défendant la cause des pauvres, des orphelins et des veuves. Il vient de construire une école à une classe à ses propres frais, ce, d’une valeur de 5 millions de F CFA. Dans l’interview qu’il nous a accordée, Bachirou Dramé nous dévoile son secret. Lisez !

 

« Le Pays » : Vous êtes en train de construire une école à une classe pour votre village. D’où est venue cette inspiration ?

 

Bachirou Dramé : D’abord la construction de cette école est un long rêve qui est devenu une réalité par mes prières avec la grâce du Dieu Tout-Puissant, que son nom soit exalté et loué.

En réalité, depuis notre enfance jusqu’à nos jours, le village de Tonséré qui est un vieux village dans la commune de Nouna, à mon sens, est délaissé par les autorités. Aucune réalisation de l’Etat n’a été faite ici. Le seul devoir que tous les habitants de ce village avaient, c’est de voter à chaque élection et toutes les promesses ne sont pas respectées après ces échéances électorales. Tous ceux-là qui sont venus battre campagne et ça a marché ne sont plus revenus nous rendre compte, même pas un simple merci en retour à l’endroit de la communauté.

J’ai donc réuni la jeunesse pour qu’on prenne notre destin en main et croire en nos potentialités et en nos chances de réussir à tout prix.

Au début, je l’ai sensibilisée sur les valeurs individuelles et collectives qui sont les conditions premières pour y accéder en se basant sur la valeur “travail”.

Ma première initiative pour l’autonomisation des jeunes de mon village était la vente du bois et la pêche.

Revenant ainsi au projet de construction de l’école, j’ai remarqué qu’avec le bitumage de la voie, la circulation devenait de plus en plus dangereuse à supporter par les enfants qui risquaient leur vie en partant étudier à Bourasso à une distance de 7 km. Pire, d’autres n’ont pas de vélos. A force de marcher chaque jour pour partir à Bourasso, certains ont fini par abandonner. C’est pour juguler cet état de fait pour plus d’accès et de maintien des enfants à l’école que j’ai jugé bon avec toute la communauté de construire cette école.

 

Est-ce que toute la communauté a adhéré à ce projet ?

 

Avant ce projet, j’ai réuni toutes les couches sociales chez le chef du village, Lossani Dama, pour en parler.

Elles ont pris acte et ont promis de me soutenir en ramassant les agrégats, mais auparavant, d’autres avaient peur des dépenses pensant que j’allais demander une éventuelle contribution financière. J’ai tenu à les rassurer qu’ils ne vont pas débourser un kopeck à cet effet. J’avais bien avant parlé de ce projet à mon grand frère qui a un niveau de la classe de 4e. Celui-ci m’a signifié que ce projet doit être exécuté le plus rapidement possible au grand bonheur des enfants qui souffrent en allant étudier loin du village. Je lui ai dit de souffler ce projet à l’oreille de ma mère. Mais, celle-ci a refusé catégoriquement au départ. Cependant pour la mettre au même niveau d’information et de compréhension, j’ai intercédé auprès des sages pour la convaincre d’épouser mon initiative de construire une classe pour mon village. Au finish, elle a donné son accord et j’ai demandé ses bénédictions avant d’entamer la construction. Sinon, le chef du village, l’imam, Kalifara Dama et le président CVD, Drissa Kiénou, ont donné leur avis favorable et je bénéficie actuellement de leur sincère accompagnement pour le plein aboutissement de ce projet.

 

Vous avez fait l’école coranique plus de 13 ans et le paradoxe, vous construisez une école classique. Comment expliquez-vous cela ?

 

(Rire) La religion dans laquelle j’ai été éduquée prône la paix, la solidarité, le vivre ensemble, le pardon et la tolérance entre les musulmans et les non musulmans. Un bon musulman pur et dur, ne doit jamais haïr ses semblables, quelle que soit leur appartenance religieuse. De toute façon c’est le même Dieu que nous vénérons. Nous devons éviter tout amalgame tendant à sous-estimer les autres religions. 

Des fois, nous assistons à certaines discriminations religieuses, et, s’agissant de la mosquée dont vous faites cas, j’ai confectionné des briques en dur d’une valeur de 300 000 F CFA et j’ai approché des sages pour les informer de mon ambition de construire une mosquée pour les fidèles. Ils m’ont dit que le moment n’est pas propice pour cela. Néanmoins, je continue de sensibiliser, et dès qu’ils reviendront à un meilleur sentiment, la mosquée sera érigée inch Allah. Et l’école coranique viendra aussi par la suite. Tout est prioritaire à mon sens.

 

Monsieur Dramé, vos proches parents et votre famille ne revendiqueront-ils pas la propriété de cet établissement ?

 

Non ! loin de là. Je vous assure que cette école a été construite pour l’Etat burkinabè et la communauté villageoise de Tonséré. Je prends à témoin le chef du village, l’imam, le président CVD et le maire que les locaux seront receptionnés et retrocédés à la communauté et à l’Etat avec des signatures officielles. La religion nous recommande d’être francs et la parole donnée est un serment pour ma famille et moi. Si nous étions égoïstes, nous n’allions pas penser à ce projet. C’est pour le bonheur de tous les enfants d’ici et d’ailleurs.

 

D’aucuns traitent les marabouts d’escrocs ou des vendeurs d’illusion. Quel est votre avis ? Est-ce que le maraboutage nourrit son homme ?

 

Dans tous les métiers, il y a des brebis galeuses. La sincérité dépend de soi. A Tonséré, je reçois des Gabonnais, des Français, des Italiens, des Ivoiriens, des Sénégalais et des Maliens. Je fais le travail pour donner à certains et quand ça marche, ils ont tout le temps pour me rembourser, il arrive des fois que d’autres, par satisfaction font le double de ce que j’ai recommandé. Il y a des orpailleurs artisanaux qui me rendent aussi visite et je les satisfais en retour, ils me donnent des cadeaux.

 

Avez-vous bénéficié de soutien des autorités politiques ou administratives depuis le début de la construction  ?

 

Alors, je profite de cette occasion pour remercier le maire de la commune urbaine de Nouna, Issoufou Traoré, qui s’est même rendu ici pour nous encourager et nous accompagner.

C’est tout à fait normal que nous soyons reconnaissants, à son égard,  car l’acte qu’il a posé dénote de la maturité. Je nourrissais la peur car, comme nous ne sommes pas du même bord politique, il n’allait pas venir, mais il nous a surpris ce 11 septembre 2016.

Ce projet est purement apolitique. Ce n’est pas une promesse de campagne de l’UPC, ni une vision pour moi d’être réélu comme conseiller municipal les prochaines années. J’étais moi-même comme ça avant d’être politicien.

Nous devons être de vrais acteurs de développement de nos communautés.

 

Quelles sont vos solutions pour réduire l’incivisme ?

 

Nous le remarquons amèrement à travers les médias et le mal est profond. A ce niveau, la responsabilité est partagée. Nous demandons aux parents de bien éduquer les enfants par le bon exemple car il est plus facile de former un enfant fort que de réparer un adulte brisé.

Les enfants ne doivent pas être laissés à eux-mêmes parce qu’ils ont des droits. Avant de quitter la maison pour l’école, ils doivent avoir un minimum de vertus et de valeurs inculquées par leurs parents.

Nous invitons l’Etat à donner le plein droit à l’enseignant afin de bien éduquer nos enfants.

Aussi, l’Etat doit être regardant sur les petits mendiants qui vadrouillent dans la rue. Dans certains pays, comme le Sénégal, la mendicité est interdite. L’Etat s’arrange à créer un cadre idéal pour les héberger et les nourrir.

 

 

Que préconisez-vous pour lutter contre le terrorisme ?

 

Pour lutter contre le terrorisme, l’Etat devra recadrer les écoles coraniques en phase avec l’homme qu’il désire bâtir en fonction du système éducatif. Il doit instaurer un dialogue permanent avec le monde religieux qui se chargera de véhiculer les valeurs aux jeunes enfants.

Aussi, les citoyens devraient coopérer à tout prix avec nos forces de l’ordre pour signaler tout mouvement suspect.

 

Avez-vous mené d’autres actions entrant dans le cadre de la solidarité dans ce village ?

 

Retenez, nul n’est assez nantis pour se départir de la solidarité, et nul n’est assez pauvre pour ne pas être solidaire.

Dans ce village, j’ai creusé un puits et implanter un moulin où j’ai rabattu les prix pour permettre aux plus démunis d’avoir accès à cette générosité. Je cultive sur un terrain de 30 ha. Les jeunes qui ont voulu aller à l’aventure pour travailler, je les ai invités à annuler tout projet d’aventure et à rester au village. Si on s’est entendu, pour un salaire de 75 000 F par an, je fais le double pour lui afin qu’il travaille chez moi et auprès de sa famille, parce qu’un bras valide qui s’en va est une perte pour le village. J’ai ainsi aidé une quarantaine de jeunes qui voulaient tenter leur chance à l’aventure,  au péril de leur vie. C’est d’ailleurs la raison de ma venue en politique pour être le porte-parole des doléances des habitants de mon village.

 

Quelles sont les projets qui vous tiennent toujours à cœur pour votre village ?

 

J’ai beaucoup de projets tels qu’un CSPS. Quand je vais finir de construire l’école, j’engagerai des démarches administratives pour la pose de la première pierre du CSPS.

J’ai vu ma propre femme en train d’accoucher devant moi en cours de route lorsqu’on courait pour se rendre au CSPS de Bourasso.

J’invite l’Etat à agrandir l’école à 3 classes, à électrifier le village, à nous doter de latrines, d’un centre d’alphabétisation, d’un jardin à l’école, de construire une maison des jeunes et des femmes, une cantine scolaire, des plaques solaires pour des cours du soir, une pompe et une plaque d’indication du village. On l’avait confectionnée pour le village, mais avec le bitumage de la voie, les Caterpillar l’ont arrachée ; ça n’a jamais été remplacé alors que dans certains villages, nous constatons la présence de ces plaques, à l’entrée comme à la sortie.


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