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BASSIN DU LAC TCHAD


 Quand Boko Haram continue de donner de l’urticaire aux chefs d’Etat

Les dirigeants des pays de la région du Lac Tchad se sont donné rendez-vous le 15 décembre 2018, au Nigeria, à l’effet de donner une impulsion à la lutte contre le groupe islamiste Boko Haram. Cette rencontre a concerné le Nigeria, le Cameroun, le Tchad, le Niger, le Bénin et la Centrafrique. Il n’est pas anodin de rappeler que les deux derniers pays cités, c’est-à-dire le Bénin et la RCA, y prennent part à titre préventif, puisque, pour  le moment, ils ne sont pas dans l’œil du cyclone djihadiste. Ne dit-on pas que prévenir vaut mieux que guérir ? Ces deux pays, par leur participation à ce sommet consacré à la lutte contre Boko Haram, semblent observer cet adage.

Ce sommet vaut son pesant d’or

Et cela est une attitude à saluer à sa juste valeur. L’on doit d’autant plus leur rendre hommage que bien des pays africains qui sont aujourd’hui en proie au terrorisme, n’ont pas fait preuve de clairvoyance. Résultat : ils ont donné toute la latitude aux forces du mal de tisser leur toile chez eux au point que les en déloger aujourd’hui, relève de la gageure. Cela dit, ce sommet vaut son pesant d’or et se justifie à plusieurs égards. En effet, il apparaît comme une suite logique de la rencontre des mêmes dirigeants qui a eu lieu en novembre dernier au Tchad. A ce rendez-vous, il faut le rappeler, l’accent avait été mis sur la nécessité de changer de stratégie dans la lutte contre les islamistes insurgés. C’est, quelque part, la reconnaissance que les reins de la bête immonde sont loin d’être brisés et l’aveu de l’inefficacité des méthodes déployées pour venir à bout du péril. Certes, la Force multinationale mixte a engrangé des victoires sur les terroristes de Boko Haram, mais cela cache mal les difficultés des pays membres du Bassin du Lac Tchad à bouter le fléau hors de leurs frontières. Et les faits suivants corroborent cette triste réalité. Il y a eu d’abord, en juillet dernier, des attaques de Boko Haram contre des bases militaires de la région. Et depuis cette date, on assiste à une multiplication des assauts de ce genre. Ensuite, en novembre dernier, des djihadistes ont attaqué une base dans le village nigérian de Metelé, près de la frontière avec le Niger, tuant au moins 44 soldats.  L’on peut enfin souligner qu’à la veille de ce sommet, deux soldats nigérians ont perdu la vie après avoir sauté sur une mine artisanale posée probablement par les hommes de Shekau. Et ce n’est pas tout. Quarante huit heures après le sommet d’Abuja, des fous d’Allah ont incendié et rasé un village au Nigeria.  Pour un pied de nez, c’en est un. Car c’est la preuve, parmi tant d’autres, que les pays du Bassin du Lac Tchad, à commencer par le plus puissant d’entre eux, c’est-à-dire le Nigeria, ont du mal à apporter la réplique qu’il faut aux djihadistes de Boko Haram. Et pour ne rien arranger, presque tous les pays membres traversent actuellement des périodes de vaches maigres. En effet, un Etat comme le Tchad est pratiquement au bord de la banqueroute puisqu’il est incapable aujourd’hui d’assurer les salaires de ses agents. Le comble, c’est que certains pays membres de ce regroupement font face à des problèmes domestiques de nature à porter un coup à la cohésion nationale. Tous ces problèmes domestiques les rendent plus vulnérables face à Bobo Haram.

Le tout militaire a montré ses limites

Et le pays qui est censé le plus peser de son poids économique, le Nigeria pour ne pas le nommer, est grippé par une corruption dont les principaux auteurs se retrouvent dans les hautes sphères de l’administration civile et militaire. L’un dans l’autre, l’on peut prendre le risque d’affirmer que ce n’est pas demain la veille que le péril djihadiste sera vaincu dans cet espace. Et ce qui fonde davantage ce pessimisme, est lié au fait que le terrorisme a mis en place une stratégie de guerre contre laquelle les armées de presque tous les Etats du monde sont impuissantes. L’équation est davantage corsée pour les armées africaines dont l’efficacité réside beaucoup plus dans les coups d’Etat et la répression politique que dans la défense de l’intégrité territoriale de leurs pays respectifs. Et le phénomène djihadiste est venu étaler au grand jour les faiblesses des armées africaines et celles des Etats. Dès lors, l’on peut se poser des questions sur l’utilité de ce genre de sommets dans la lutte contre Boko Haram. Tout ce dont on peut être certain, c’est que leur fréquence est le signe que Boko Haram continue de donner de l’urticaire aux chefs d’Etat. En revanche, l’on peut encourager et saluer l’engagement pris par les dirigeants lors de ce sommet, de fournir une aide aux populations touchées par la violence. Il faut même aller au-delà de cette assistance humanitaire pour mettre en place de véritables politiques de développement au profit des régions touchées par les affres du terrorisme. Car, de toute évidence, le tout militaire a montré ses limites. Et pour aller dans ce sens, la volonté politique seule ne suffit pas. Il faut, en plus, d’énormes moyens financiers. Par ces temps qui courent, les pays membres du Bassin du Lac Tchad en manquent cruellement. Et le peu qu’ils ont, sert beaucoup plus les intérêts individuels que l’intérêt général. De ce point de vue, l’on peut bien se demander si le cri de cœur qu’ils ont lancé à leurs partenaires internationaux, sera entendu.

« Le Pays » 


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