HomeA la uneMe BENEWENDE SANKARA A PROPOS DE LA MARCHE DU 23 AOUT:« C’est l’attitude du chef de l’Etat qui nous dicte ce comportement conjoncturel »

Me BENEWENDE SANKARA A PROPOS DE LA MARCHE DU 23 AOUT:« C’est l’attitude du chef de l’Etat qui nous dicte ce comportement conjoncturel »


L’itinéraire de la marche-meeting annoncée par le Chef de file de l’opposition politique burkinabè (CFOP) contre les « propos belliqueux » du président Blaise Compaoré, prévue pour se tenir le 23 août prochain, pose problème. En effet, certains lieux tels le rond-point de la Patte-d’oie, ont été refusés à l’Opposition qui a entrepris de rencontrer le maire de la ville de Ouagadougou, Marin Casimir Ilboudo, pour trouver une solution. Pour mieux comprendre, nous avons approché Me Bénéwendé Sankara de l’UNIR/PS, qui a bien voulu répondre à nos questions. Lisez !

 

« Le Pays » : Il y a beaucoup de bruit autour de la marche-meeting de l’Opposition prévue pour se tenir le 23 août prochain. L’activité est-elle maintenue ? Les tractations autour de cet évènement ne vont-elles pas susciter la colère des manifestants ?

 

Me Bénéwendé Sankara : La marche-meeting du 23 août est maintenue. L’itinéraire pourrait connaître quelques réaménagements. Le Chef de file de l’opposition politique burkinabè (CFOP) a rencontré la presse pour lui exprimer toutes ses inquiétudes par rapport à la lettre du maire de la ville de Ouagadougou, qui opposait un refus quant à l’occupation de la SONATUR qui relève, selon lui, du domaine privé et également de l’itinéraire initial qui a fait l’objet d’un communiqué de presse du CFOP. Au regard du motif qui a été évoqué, à savoir les problèmes de sécurité et des questions d’ordre public, l’Assemblée générale des chefs de partis a estimé qu’il fallait rencontrer le maire de la ville de Ouagadougou, pour en savoir davantage parce que, tel qu’allégué, cela ne justifie pas du tout un refus. D’autant plus que la presse est témoin que toutes les activités que l’Opposition politique burkinabè a pu mener jusqu’aujourd’hui, ont été encadrées. Nous n’avons jamais eu de problèmes de sécurité. Quand on parle « d’ordre public », c’est vague. La rencontre a effectivement eu lieu à la mairie centrale et nous avons exprimé au maire de la ville de Ouagadougou, nos inquiétudes, aussi bien sur le point des faits que sur le point du droit ; parce que, si c’est une interprétation du décret qui a prévu les zones rouges, l’activité se mène sur des artères qui ne sont pas identifiées comme étant des zones rouges. Si c’est par rapport à la SONATUR qui relèverait du domaine privé, le CFOP avait déjà écrit à la Direction générale de la SONATUR pour prendre acte de cela. Nous avons rassuré le maire que si c’est vraiment les questions sécuritaires, nous ne sommes pas du tout inquiétés. Nous avons même essayé de faire des comparaisons parce que le maire semblait dire que c’est une zone qui est beaucoup plus peuplée que là où nous avons l’habitude de marcher. Nous lui avons fait comprendre que les marches passées ont eu lieu près du grand marché de Ouagadougou et de « Zabr-Daaga ». Il n’y a donc pas de comparaison possible. Sur le plan des arguments, je pense que les autorités communales ont été battues sur tous les points. Mais il faut retenir que, selon l’explication du maire, on a compris qu’il a utilisé, en tant que maire, un pouvoir qui lui est discrétionnaire. Si le pouvoir lui est discrétionnaire, cela veut dire qu’il peut faire une fausse interprétation. Se retrouver autour d’une table de discussion, cela permet aux deux parties de mieux se comprendre, de pouvoir réajuster les choses pour permettre à l’activité de se dérouler dans la légalité et dans le respect du souci partagé qui est de pouvoir mener une activité sans problème. C’est vrai que cette tergiversation joue quelque part sur les nerfs des militants, sur la mobilisation. Cela laisse libre cours à beaucoup de non-dits et d’interprétations ; mais en tant que responsables, nous essayons de gérer tout cela, parce que c’est quand même une lutte que nous menons depuis des années. L’essentiel pour nous, est d’aboutir à une transition démocratique avec l’engagement serein de notre peuple.

On reproche à l’Opposition de n’agir que lorsque le président du Faso pose un acte dans le sens de la modification de l’article 37. Que répondez-vous ?

 

L’Opposition politique burkinabè n’a pas pour agenda de répondre du tic au tac au président Blaise Compaoré. L’agenda de l’Opposition politique burkinabè est de créer les conditions subjectives et objectives du changement. Maintenant, si le président Compaoré ou toute autre personne pose des actes qui nécessitent une réaction spontanée de l’opposition, cela entre en droite ligne des activités qui s’inscrivent dans le statut de l’Opposition politique burkinabè. C’est cela aussi avoir un statut. C’est pouvoir apprécier ce que les acteurs font et pouvoir apporter une réponse. Ce n’est pas notre agenda que de répondre au président Blaise Compaoré. Nous avons une feuille de route qui a été déclinée ; nous menions nos activités sans même savoir que le président Compaoré allait se rendre à Washington DC et tenir des propos fracassants. Mais cela mérite quand même réplique dans ce contexte où, depuis des années, le peuple burkinabè a focalisé le débat sur l’article 37 de la Constitution, et que le chef de l’Etat aille dire, lors d’un sommet, « écoutez, le référendum, je peux le faire », et que l’opposition politique ne réagisse pas. Je crois que la réaction a vraiment été systématique et bien à propos.

 

De votre rencontre, il n’y a pas eu, sur place, des propositions d’itinéraire de la part du maire ?

 

Quand nous avons quitté le maire, il était question qu’il nous donne une suite dans les heures qui suivaient. Nous allons tenir une rencontre tout à l’heure, à 16 h, et nous allons donner une conférence de presse à l’issue de cette rencontre. Donc, l’objectif de notre rencontre était de convaincre le maire que sa lettre est inappropriée et est sans fondement.

Pensez-vous que les marches-meetings de l’opposition peuvent amener le président du Faso à reconsidérer sa position ?

 

C’est seul Blaise Compaoré qui ne croit pas que les marches peuvent faire plier un régime, et je ne sais pas où il a appris cela. Comme il avait en bandoulière une kalachnikov, il pense que seules les kalachnikovs peuvent, dans un Etat, ébranler quelqu’un. Nous, nous pensons qu’en démocratie, c’est une façon de parler. C’est ce qui se passe dans le monde entier et c’est ce qui se passe actuellement aux Etats-Unis, où l’assassinat d’un jeune Noir a provoqué des émeutes. Est-ce cela que nous voulons pour le Burkina Faso ? Nous disons non. Mais quand il y a des comportements que nous pouvons dénoncer par la loi qui a prévu le droit de manifester et de s’exprimer qui sont des libertés fondamentales, il n’y a rien de tel. Voilà pourquoi à l’UNIR/PS, nous avons dénoncé les zones rouges depuis longtemps. Maintenant, l’histoire nous rattrape. Ceux qui ont fait ces zones rouges, beaucoup marchent avec nous aujourd’hui sur les mêmes zones qu’ils ont tracées.

En plus des marches-meetings, est-ce que l’opposition a prévu d’autres actions ?

 

La feuille de route que l’opposition politique avait tracée et qui avait fait l’objet d’une conférence de presse tient toujours. Notre dernier meeting était à Dori, puisqu’au niveau de l’opposition, il était question de faire le tour des 13 régions, pour que l’ensemble des militants sur tout le territoire ait la même compréhension de nos actions. C’est donc dans une logique de sensibilisation et de mobilisation de nos troupes, que nous étions dans ces régions. Aujourd’hui, c’est l’attitude du chef de l’Etat qui nous dicte, pour moi, ce comportement conjoncturel. Notre feuille de route va certainement se poursuivre mais tout va dépendre de l’évolution de la situation par rapport à l’article 37 de la Constitution. Nous sommes, en tout état de cause, à l’opposition politique burkinabè, prêts pour éventuellement lancer tout mot d’ordre en phase avec la situation. Si la situation nous recommande aujourd’hui d’aller à une autre étape, soyez rassurés, nous n’hésiterons pas. Nous avons aussi, dans notre précédente feuille de route, parlé de la Campagne contre le référendum (CCR). Cela suppose qu’au sein de l’opposition politique, dans les secteurs, dans les communes rurales et même à l’étranger, tous les partis politiques travaillent en synergie pour être en adéquation avec la direction politique qu’est le CFOP. C’est un travail agencé, bien structuré et articulé et je pense que l’assemblée générale des chefs de partis politiques qui est l’instance suprême, apprécie les situations et détermine la conduite à tenir. Aujourd’hui, le chef de l’Etat n’a pas encore décrété qu’il y aura référendum. Il a émis une simple hypothèse et la réaction de l’opposition est la marche du 23 août.

Mais on a l’impression que la majeure partie des actions de l’opposition sont concentrées dans les grandes villes comme Ouagadougou et Bobo.

 

Comme vous le dites, c’est une impression et ce n’est pas la réalité. Quand vous n’êtes pas dans une phase d’élection, la lisibilité des actions de l’opposition est très faible. J’étais à Banh, localité située dans le Lorum ; j’étais surpris de voir les représentants de tous les partis politiques de l’opposition, y compris l’ADF/RDA, tenir une assemblée générale d’information, car il voulait profiter de l’occasion pour comprendre les directives, les mots d’ordre et le sens des luttes qu’on mène contre la modification de l’article 37 de la Constitution. Les activités du genre passent inaperçues quand nous n’avons pas la possibilité de les faire relayer par la presse. Chaque jour que Dieu fait, des activités de ce genre sont menées dans nos provinces et les camarades se retrouvent et se concertent. C’est donc l’occasion de souligner le problème de moyens de la presse à couvrir, jusqu’au dernier village, les activités des acteurs politiques. C’est une limite objective parce que, si aujourd’hui on avait suffisamment de moyens ou si la presse avait suffisamment de moyens pour couvrir toutes les activités, il y aurait plus de visibilité des activités de l’Opposition. Cela est dû au fait que la presse est a priori concentrée dans les grandes villes, en dehors de quelques radio FM qui sont souvent limitées dans les zones communautaires. C’est une situation qui conditionne aussi la liberté de la presse. Parce que, pour moi, la liberté de la presse, ce n’est pas de faire des journaux à souhait.

Propos recueillis et retranscrits par T.S.S et A.S

 


Comments
  • Blaise Compaore a la chance que l’opposition existe et le protege. S’il n’y avait pas cette histoire de democratie et d’opposition y’a longtemps que le vrai homme fort du moment s’etait fait connaitre.

    24 août 2014

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