HomeA la uneBERTIN NONGUIERMA, DIRECTEUR DES BOURSES ET DES AIDES FINANCIERES : « Il n’y a pas de corruption dans la gestion des bourses »

BERTIN NONGUIERMA, DIRECTEUR DES BOURSES ET DES AIDES FINANCIERES : « Il n’y a pas de corruption dans la gestion des bourses »


« La gestion des bourses octroyées aux étudiants a toujours été transparente ». Telle est la conviction du directeur des bourses et des aides financières du Centre national de l’information, de l’orientation scolaire et professionnelle et des bourses (CIOSPB), Bertin Nonguierma. Pour lui, les critiques sur le système d’attribution des bourses, relèvent plutôt de la non-maîtrise des critères utilisés. « Beaucoup de gens pensent que les bourses sont données par affinités. Or, c’est la non- maîtrise des critères qui provoque cela. Il y en a même qui ne savent pas qu’il y a des critères, qui ignorent l’existence de la Commission nationale des bourses d’études et de stages», a-t-il expliqué au cours d’une interview qu’il nous accordée, le mercredi 21 septembre 2016, à Ouagadougou. Dans cette interview, il dévoile les missions de la structure qu’il dirige ainsi que les difficultés qu’elle rencontre dans la gestion des bourses attribuées aux étudiants.

 

Le Pays : Quelles sont les missions assignées à la direction des bourses et des aides financières ?

 

Bertin Nonguierma : La principale mission de la Direction des bourses et des aides financières, est de préparer les dossiers de demande de bourses pour examen par la Commission nationale des bourses d’études et de stages (CNBS). Quand il y a des bourses à mettre en compétition, il y a un communiqué que nous préparons et qui est signé du ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l’innovation. Ce communiqué appelle à candidatures. Tous les étudiants qui remplissent les conditions élémentaires édictées par le communiqué, peuvent postuler. Nous réceptionnons les dossiers, nous les préparons sur des fiches et nous les mettons sur une liste que la CNBS va examiner pour pouvoir attribuer les bourses. Une fois que cette commission a siégé et a attribué les bourses, c’est à nous de publier le communiqué qui attribue les bourses et de mettre en œuvre le processus, c’est-à-dire du mandatement jusqu’au paiement effectif des étudiants qui seront attributaires. S’il y a des étudiants qui doivent aller hors du pays, c’est nous qui les mettons en route dans leurs destinations respectives en payant les billets d’avion s’ils doivent aller en avion, en payant leurs tickets de voyage s’ils doivent aller par la route. Ceux qui voyagent par la route sont ceux qui vont dans les pays limitrophes de notre pays. Mais si ce n’est pas dans un pays limitrophe, nous leur payons des billets d’avion.

 

Quels sont les différents types de bourses au Burkina Faso ?

 

Il y a plusieurs types de bourses qui sont attribuées par niveau et notamment par cycle. On donne les bourses en début de cycle. Il y a des bourses du premier cycle (immédiatement après le BAC), du second cycle après la licence et du 3e cycle après le master de recherche. Toutefois, pour le cas spécifique du  Burkina Faso, il y a ce que l’on appelle les bourses intermédiaires. C’est-à-dire un étudiant qui a été attributaire de bourse dès l’obtention du BAC, peut retrouver la bourse en 2e ou 3e  année.  Cette catégorie de bourses n’existe que pour le Burkina Faso. Elle n’existe pas hors du pays. Les bourses sont mises à la disposition des étudiants dans les universités publiques du Burkina Faso. Toutefois, il y a un mécanisme qui permet à un nouveau bachelier d’être affecté dans une université privée. Mais là, c’est la compétition. On affecte un quota à chaque université privée et ce sont les meilleurs que l’on prend jusqu’à hauteur du quota indiqué par cette université privée.

 

Comment se fait le mécanisme d’attribution des bourses ?

 

Il y a des critères généraux qui sont par exemple l’âge du candidat, le diplôme d’origine pour les bourses de second et 3e cycle, etc. Pour les bourses du 1er cycle, c’est-à-dire les nouveaux bacheliers, il y a un 3e critère qui n’est pas très bien connu à savoir le revenu des parents. Ce critère n’existe que pour les bourses du 1er cycle. Pour les bourses du second cycle, il y a des critères spécifiques, en plus des critères généraux. C’est le cas par exemple des critères de second cycle hors d’Afrique, puisque ce sont ces bourses que nous venons d’attribuer. A ce niveau, il y a la CNBS qui recense les candidatures en fonction de leur origine, c’est-à-dire la provenance des diplômes. Elle a identifié 4 chapeaux dont le premier concerne les candidatures en provenance des universités publiques du Burkina Faso. Le deuxième chapeau traite des candidatures en provenance des universités privées du Burkina Faso. Le troisième chapeau est focalisé sur les candidatures en provenance des universités d’Afrique. Le quatrième se rapporte aux candidatures en provenance des universités hors d’Afrique. Donc, selon leur provenance, les demandeurs de bourses sont inscrits dans un des tableaux et ils compétissent à l’intérieur de ce tableau. Et le niveau de compétition ne sera pas le même pour chaque catégorie. Ainsi, les moyennes et le quota ne seront pas les mêmes. On ne va pas affecter le même quota pour les universités publiques que pour les universités privées, pour les universités privées que celles d’Afrique. Déjà, le nombre de candidatures ne sera pas le même. Ce sont ces critères spécifiques qui font que certaines fois, il y a des amalgames parce que les étudiants peuvent ne pas être au courant de ces critères.

 

A quoi renvoient les amalgames auxquels vous faites allusion ?

 

Nous essuyons régulièrement des critiques de la part de nos usagers. Beaucoup de gens pensent que les bourses sont données par affinités. Or, c’est la non-maîtrise des critères qui provoque cela. Il y en a même qui ne savent pas qu’il y a des critères, qui ignorent l’existence de la CNBS. Ils pensent que c’est le CIOSPB où le directeur des bourses qui s’asseoit dans son bureau et qui octroie les bourses à qui il veut. Alors que ce n’est pas le cas. C’est géré par une structure qu’est la CNBS et les critères sont transparents.

 

Voulez-vous dire que ceux qui pensent qu’il y a de la corruption dans l’attribution des bourses, se trompent ?

 

Bien sûr. Il n’y a pas de corruption dans la gestion des bourses. Moi j’entends mais je comprends aussi parce que les bourses sont rares. Elles ne sont pas nombreuses. Si vous avez une bonne moyenne, vous compétissez et si vous n’êtes pas attributaire, vous avez le sentiment que l’on vous a volé votre bourse. Ça c’est une explication. Une autre explication se trouve au niveau de la communication. Je dois concéder aux gens que nous ne communiquons pas assez. Il y a certains facteurs qui font aussi qu’il y a des amalgames, des incompréhensions. Il y a la CNBS qui attribue et qui renouvelle les bourses et qui est habilitée à le faire. Au CIOSPB, nous ne pouvons pas attribuer de bourse. Dans la composition de cette commission, il y a deux représentants élus des étudiants, qui siègent.

 

N’y a-t-il pas de tiraillements entre les représentants des étudiants qui siègent dans la CNBS ?

 

Il n’y a pas de tiraillements. Il peut y avoir des points de vue différents. Compte tenu des retards qui sont accusés par les universités, on peut repartir en arrière. Par exemple, pour les bourses de 2016-2017, ceux qui doivent compétir sont ceux qui ont des diplômes de 2015-2016. Maintenant, compte tenu des retards dans les universités publiques, on peut repartir et accepter les diplômes de 2014-2015. Des gens peuvent penser que le retard est plus prononcé que cela. Ils veulent même repartir pour prendre en compte des diplômes de 2014-2015. On s’entend sur ces conditions avant de démarrer. Mais généralement, il y a consensus à l’intérieur des membres de la CNBS. Pour les bourses de 2016-2017, c’est celles que l’on vient d’attribuer.

 

Pensez-vous que l’attribution des bourses a toujours été transparente ?

 

Je suis là depuis 5 ans. L’attribution des bourses a toujours été transparente. Je ne vois pas à quel moment donné, l’on peut attribuer des bourses par affinités. Cela se passerait si c’était une personne, voire deux qui pouvaient piloter. C’est toute une machine. Près d’une trentaine de personnes composent la CNBS. On ne voit pas comment est-ce qu’il peut y avoir des dessous-de-table.

 

Certains estiment que la CNBS constitue un gâteau que certains de ses membres se partagent. Qu’en dites-vous ?

 

Les membres de la CNBS sont des gens avertis aux questions académiques, qui viennent siéger et attribuer des bourses. Et il y a un contingent que le Burkina Faso met à la disposition des étudiants chaque année, et l’on fait de telle sorte que ce contingent soit plein en fin d’année. Je ne vois pas comment l’on peut fauter dans la mesure où ces bourses sont toutes attribuées par la CNBS.

 

Pourquoi les critères d’attribution ne sont-ils pas à la disposition de tout le monde ?

 

Les critères varient. Quand on lance un communiqué, il y a des critères généraux mais la spécificité vient des difficultés inhérentes à chaque bourse. Les difficultés que l’on doit rencontrer pour les 2e et 3e cycles en Afrique, ne seront pas les mêmes que celles que l’on rencontre hors d’Afrique. Les difficultés que l’on va rencontrer pour les bacheliers au Burkina Faso, ne seront pas les mêmes que pour les bourses intermédiaires. Là, c’est encore beaucoup plus difficile. Ce serait difficile dès le communiqué, de prévoir tous les critères. Quand on lance le communiqué, c’est sur les critères généraux mais quand les commissaires siègent, ils s’entendent sur des préalables avant d’attribuer les bourses. Il y a un contingent annuel de 2000 nouvelles bourses mises par l’Etat, chaque année. Depuis 2014, il est institué un quota spécial que l’on appelle contingent spécial exclusif pour les filles. Il est de 300 bourses et ça fait 3 ans qu’on le renouvelle.

 

Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontés dans la gestion des bourses ?

 

Présentement, la difficulté majeure est le fait qu’il y a des retards dans les universités publiques. Il y a des Unités de formation et de recherches (UFR), voire des filières qui n’ont pas fini l’année académique 2014-2015. Or, théoriquement, l’on devrait avoir fini cette année pour attaquer 2016-2017. Quelqu’un qui est boursier et qui n’a pas fini l’année universitaire 2014- 2015, cela veut dire qu’il a au moins 2 ans qu’il n’a pas été payé. Puisque pour renouveler la bourse, il y a des conditions. Il doit notamment présenter des relevés de notes, mais aussi son inscription pour l’année académique suivante. Tant qu’ils ne remplissent pas ces conditions, ils ne peuvent pas être payés. Cela nous cause une difficulté parce que de plus en plus, les étudiants réclament que chaque année, l’on paye la bourse. Et le dispositif juridique que nous avons présentement, ne permet pas de payer tant que l’étudiant n’a pas fini l’année universitaire et tant qu’il ne s’est pas inscrit pour le cycle universitaire suivant. Donc, souvent, il y a des frictions. Certains disent qu’ils souffrent et que nous ne les comprenons pas, etc. L’autre difficulté se situe au niveau interne. Nous ne communiquons pas suffisamment, faute de moyens. Pas que nous ne savons pas que nous devons communiquer pour rendre accessible le CIOSPB, mais les moyens dont nous disposons ne nous permettent pas d’aller à la rencontre des étudiants, de lever certaines équivoques qui nuisent à notre image. Les moyens financiers et matériels font défaut.    

                  

C’est une question de programmation ou de moyens ?

 

C’est un problème de dotation de la part du ministère. Les textes prévoient que les membres qui participent aux travaux de la CNBS, perçoivent des indemnités mais on dit toujours qu’il n’y a pas d’argent et que l’on ne peut pas payer. Cette difficulté va se résorber dans les meilleurs délais parce qu’il y a eu des recommandations. L’ASCE-LC est venue voir dans quelles conditions nous travaillons et a formulé des recommandations que nous sommes en train de mettre en œuvre et si tout va bien, on arrivera à soigner davantage l’image du CIOSPB.

 

Par rapport au problème des chevauchements des années académiques, quelle est la solution pour résoudre cette difficulté ?

 

La solution se trouve dans les universités. Cette question relève des universités. Ce sont des problèmes liés aux universités mais qui ont des répercussions sur le système de gestion des bourses. Nous n’y pouvons rien. Tant que les universités ne vont pas rattraper les retards, tant que les années universitaires ne vont pas redevenir normales, nous aurons toujours des difficultés par rapport à la bourse.

 

Avez-vous les nouvelles des boursiers qui sont à l’extérieur ?

 

On n’a pas de difficultés particulières avec ceux qui sont hors du pays. Ils sont hors du pays et les années ne se chevauchent pas là-bas. Nous payons les bourses à temps, de façon trimestrielle. S’il y a des difficultés, ce sont des cas particuliers que l’on arrive à résoudre.

 

Est-ce que le CIOSPB a un regard sur l’ensemble des bourses qu’il octroie ?

 

Bien sûr. C’est de notre responsabilité d’avoir un regard sur l’ensemble des bourses octroyées par le CIOSPB. Dans la mission assignée au CIOSPB, il y a un adjectif qualificatif qui paraît important. Il s’agit de veiller à la saine gestion des bourses. Et nous pensons que jusqu’à présent, les bourses sont bien gérées.

 

Y a-t-il des bourses qui s’octroient en dehors de votre structure ?

 

C’est possible. J’ai parlé de la saine gestion des bourses. Cela concerne les 2300 bourses que l’Etat met à la disposition des étudiants chaque année. Ces bourses sont bien gérées. Maintenant, s’il y a des bourses hors contingent, c’est-à-dire hors des 2300 nouvelles bourses, je n’ai pas un œil là-dessus. Donc, je ne peux pas m’aventurer à dire comment ces bourses sont gérées. Mais on ne peut pas empêcher un particulier, une représentation diplomatique, une association, un parent qui a les moyens, de prendre en charge son enfant et de l’envoyer faire des études. Il y a certains parents qui payent les études de leurs enfants. Toutes les bourses ne sont pas gérées par le CIOSPB. Celles qui sont gérées par le CIOSPB sont affichées avec les moyennes. C’est un aperçu qui nous permet justement de rendre véritablement transparent, le système de gestion des bourses.

 

Est-ce que vous rassurez que le système d’octroi des bourses est transparent ?

 

Je prends l’exemple de ce qui est affiché récemment. Les bourses du Maghreb, notamment du Maroc. J’ai déjà eu des sms qui me disent qu’untel a eu 16, 23 mais qu’il n’a pas eu la bourse du Maroc. 16, 23 en série D, ce n’est pas suffisant pour aller au Maroc en 2016. Mais quand votre fille ou fils a eu une moyenne de 16, 23, ou de 16, 50 en série D et ne s’envole pas pour le Maroc, vous ne cherchez pas à comprendre. Alors que les gens devraient chercher à vérifier. Les gens peuvent venir au CIOSPB se renseigner et nous montrons les bases à partir desquelles nous avons travaillé et comment la commission est arrivée à cette répartition. C’est transparent.

 

Quel message pour terminer ?

Je demande aux parents d’aller toujours à la source, de chercher à comprendre. Parce que, beaucoup d’étudiants ou leurs parents tirent des conclusions  hâtives. Quand il y a un travail qui est fait par une commission d’une trentaine de personnes, cela ne peut pas être du mauvais. Mais quand on est dehors, on a toujours le sentiment que les autres ne font pas bien leur travail. Il y a une crise de confiance. Les gens ne font pas confiance à l’administration. C’est probablement une des raisons qui expliquent cela. Mais je dois rassurer tout le monde, aussi bien les étudiants que leurs parents, que le travail est transparent et vérifiable. Si quelqu’un a postulé pour la bourse du Maroc, et n’a pas été attributaire ,il suffit de venir  voir  les résultats et de se plaindre.  

 

 

 

 

Propos retranscrits par Saïdou ZOROME

(Collaborateur)

 

 


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