HomeA la uneBRUITS DE BOTTES A LA FRONTIERE RWANDA/RDC A qui profite ce regain de tension ?

BRUITS DE BOTTES A LA FRONTIERE RWANDA/RDC A qui profite ce regain de tension ?


 

Après des mois d’accalmie, les affrontements ont repris à la frontière entre le Rwanda et la République démocratique du Congo. L’on ignore encore qui est à l’origine de ces échanges de tirs qui ont eu lieu non loin de Goma, la capitale du Nord-Kivu.

Ce regain de tension n’augure rien de bon. Ni à l’interne, ni à l’externe. Il témoigne, si besoin en était, que le dialogue est rompu entre les deux protagonistes.

 

Ces derniers mois, tout semblait  rose entre les deux voisins

 

La situation devient même alarmante, des témoins ayant fait cas de l’arrivée de renforts, notamment du côté congolais. Au moins trois chars congolais se sont dirigés vers la même zone. Les incidents semblent circonscrits aux mêmes endroits que par le passé : le Nord Kivu ! C’est un point sensible où des années durant, se sont multipliées rébellions et contre-offensives gouvernementales. Ces derniers mois, tout semblait pourtant rose entre les deux voisins ! D’où vient-il que les choses se soient dégradées aussi vite ? Difficile à présent, de croire à un acte isolé ! Reste aussi à savoir si Kabila a véritablement les moyens de sa politique. Vrai que ces derniers temps, les critiques occidentales ont mis à rude épreuve le pouvoir rwandais.   D’après le gouverneur du Nord Kivu, la RD Congo n’a aucunement l’intention de faire la guerre. « Nous voulons la paix dans la région », affirme-t-il.

Qui a donc tiré le premier ? Les versions diffèrent selon les capitales des deux pays. Kinshasa avance que les hostilités ont débuté suite à l’enlèvement et à la mort d’un caporal congolais lors d’une incursion rwandaise en territoire congolais. Kigali soutient le contraire, et dénonce de son côté également une incursion congolaise sur son territoire. De l’avis des autorités rwandaises, cela aurait entraîné la mort de cinq Congolais. De fait, ces derniers temps, les ennemis jurés de Kagamé, les Fronts de libération du Rwanda (FDLR), se sont engagés dans un processus de désarmement. Ce ne sont pas forcément de bonnes nouvelles pour Kigali. En effet, toute démobilisation des FDLR signifiera le retour d’une masse de combattants au Rwanda où leur présence est loin d’être souhaitée. Kagamé ne voudrait sans doute pas subir l’afflux de gens « étrangers » à sa politique. De plus, où caser ce contingent sur un si petit territoire ? Son arrivée  entraînera inévitablement des remous. Il y aura entre autres, des revendications sur la nécessaire révision des mécanismes et des textes en matière de justice sociale, de redistribution des terres, d’insertion économique, de scolarisation, de réformes aux plans politique et démographique. Kagamé sentirait-il alors son pouvoir menacé au point de vouloir semer des troubles chez le voisin congolais, toujours suspecté d’épauler ses adversaires ?

Joseph Kabila aussi ne doit dormir que d’un œil, traumatisé qu’il est à l’idée de voir surgir ça et là des rebelles. Pour les dirigeants actuels de la RD Congo, le Rwanda constitue une  base de départ et de repli de forces hostiles comme le M23. Il ne faut donc pas exclure des escarmouches avec des troupes rwandaises suspectées de chercher à couvrir la fuite de rebelles.  

 

Paul Kagamé et Joseph Kabila cherchent plutôt à faire diversion

 

 Les deux dirigeants ont   en commun cet attachement morbide au pouvoir, cette phobie de voir les autres rôder autour, et une sainte horreur des critiques. Ils ont toujours donné d’eux l’image de dirigeants belliqueux, qui trucident des défenseurs des droits humains et des opposants politiques. Voilà deux hommes en uniforme dont on attendait beaucoup, mais qui ont déçu à cause de passifs lourds au plan de la démocratie et des droits humains. Presque jamais les enquêtes diligentées à propos des événements funestes survenant dans leur gestion de l’Etat, n’ont donné de résultats satisfaisants. Aussi  est-on en droit d’avancer que Paul Kagamé et Joseph Kabila cherchent plutôt à faire diversion en allumant le feu à la frontière. Les deux chefs d’Etats y ont vraiment intérêt. La situation nationale pourrait l’expliquer aisément.

En RD Congo, par exemple, les différends portent sur une éventuelle révision de la Constitution. Partisans et adversaires d’un renouvellement du mandat présidentiel échangent des mots durs. Des cadres de concertations formels ou informels, il ne sort rien de consistant. Au Rwanda également, des questions de succession se posent. Mais, l’absence de libertés démocratiques ruine les espoirs. Dans l’entourage du premier des Rwandais, règne l’omerta.

Ainsi donc, ni Kagamé, ni Kabila, ne donnent l’impression de vouloir un jour céder leur fauteuil  comme pourtant le veut la loi fondamentale. Les deux régimes en place tant à Kigali qu’à Kinshasa, sont loin d’être des exemples de démocratie. Ils ont suffisamment fait la preuve de leur incapacité à le devenir.  

A qui donc profiteraient des troubles à la frontière rwando-congolaise ? Certainement pas aux peuples rwandais et congolais ! Les deux chefs d’Etats eux, pourraient tirer leurs marrons du feu. Mais plus que Paul Kagamé, Joseph Kabila pourrait rallier à lui des concitoyens gagnés par un regain de nationalisme. En outre, il pourrait miser sur la compassion de la communauté internationale. Ragaillardi par l’appui des forces onusiennes face aux menées subversives locales, le chef de l’Etat congolais sait aussi qu’au plan diplomatique, son homologue perd du terrain. Les années ont passé, mais l’opinion internationale a eu le temps de se faire une idée des réalités vécues sur le terrain. En favorisant le retour pacifique et sous protection internationale des FDLR au Rwanda, il piège Kagamé. Celui-ci, qu’il ait été provoqué ou pas, n’a aucun intérêt à voir perdurer des hostilités à sa frontière avec la RD Congo ! Il ne pourra pas non plus s’opposer indéfiniment au retour des FDLR « new look ».

Faut-il donc voir prochainement Kabila et Kagamé allumer et fumer le calumet de la paix ? Possible, mais sous la pression de la communauté internationale. Mais, c’est après eux sans doute que se concrétisera la réconciliation définitive entre peuples congolais et rwandais.

 

« Le Pays » 

 

 


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