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CANDIDATURE DE BOUTEFLIKA


 Le jeu périlleux du FLN

Fin de suspense en Algérie. Abdel Aziz Bouteflika sera dans les starting-blocks pour la conquête d’un cinquième mandat à la tête de l’Etat. L’annonce a été faite  le 10 février 2019. Bouteflika est-il seulement capable d’annoncer lui-même sa candidature ? Rien n’est moins sûr. On sait qu’il a été victime d’un accident cardio-vasculaire et que ce genre d’attaque laisse toujours des séquelles.

La difficulté de parler qu’on lui prête actuellement et son récent séjour à l’hôpital, confortent cette thèse. Il est donc possible que le candidat Bouteflika, aux prises avec la vieillesse et la maladie, soit physiquement incapable d’annoncer lui-même à haute et intelligible voix sa décision -si c’est vraiment la sienne- de briguer un autre mandat. Tout se passe comme s’il était l’otage consentant ou non de son propre clan. En effet, et comme cela est monnaie courante sous nos tropiques, des chefs d’Etat sont soutenus, voire obligés par leurs proches à rester au pouvoir. Cela, pour que cet entourage puisse perpétuer sa mainmise sur le pays et continuer à jouir de tous les avantages normaux et surtout des privilèges indus qu’ils ont, en toute impunité.

Bien que diminué par l’âge et la maladie, Bouteflika est donc candidat à la prochaine présidentielle. Faut-il en rire ou en pleurer ? On sait qu’en Tunisie voisine, Bourguiba, pour un peu moins que cela, a été déposé pour sénilité. En tout état de cause, l’état de santé du chef de l’Etat algérien plaide plutôt en faveur de l’hypothèse selon laquelle il n’est plus maître de lui-même. Ainsi, en réalité, Bouteflika est à plaindre. En se présentant, il sera non seulement un candidat incapable physiquement d’aller à la rencontre de ses électeurs sur le terrain, de convaincre de vive voix ses concitoyens de son projet de société, mais aussi il sera une sorte de président « prête-nom ».

Cette candidature de Bouteflika dessert la démocratie et la culture de l’alternance au sommet de l’Etat

Certes, la machine électorale de son parti-Etat se chargera de faire sa campagne. Bien plus par souci de sauver ses propres privilèges que par conviction que Bouteflika est actuellement l’homme du salut de l’Algérie, chacun de ses lieutenants s’investira dans la campagne. Pour ce faire, ces fidèles du chef de l’Etat surferont sur la légitimité historique du Front national de libération (FNL) qui, soit dit en passant, est le parti qui a dirigé l’Algérie depuis une cinquantaine d’années. Tous les moyens licites ou non seront utilisés pour consacrer la réélection de Bouteflika.

Mais cette victoire ne sera pas digne du combattant qu’il est. De plus, il sera, une fois élu, juste un chef d’Etat « symbolique», étant donné que son état de santé ne lui donne pas la lucidité et l’énergie nécessaires pour exercer son mandat dans les règles de l’art. D’autres personnes tireront les ficelles, prendront les décisions à sa place. En d’autres termes, il sera responsable et comptable en chef de décisions dont il n’est pas vraiment l’auteur. Le vrai pouvoir sera aux mains de ses proches qui n’ont pourtant pas été mandatés par le peuple algérien à cet effet.

Considérée comme un pays grand dans tous les sens du terme, l’Algérie fait maintenant pâle figure en matière de démocratie, avec cette candidature de trop. C’est dommage que ce pays tant respecté du temps des leaders comme Ben Bella, Houari Boumedienne, terre d’accueil d’illustres combattants de la liberté comme Stockley Carmichael (Panthères noires), de personnes victimes de menaces et d’exactions dans leur pays, comme Miriam Makeba, et deuxième patrie de célébrités comme Frantz Fanon, en vienne à donner ce triste spectacle. Peut-on dire qu’il n’y a pas dans ce pays un seul individu capable de remplacer valablement Bouteflika ? Les proches du président algérien qui tirent les ficelles, qui profitent du mauvais état de santé de Bouteflika pour le mener, et avec lui le pays tout entier, où ils veulent, méritent d’être poursuivis en Justice pour abus de faiblesse. Il faut dire qu’au-delà de l’Algérie, cette candidature de Bouteflika dessert la démocratie et la culture de l’alternance au sommet de l’Etat, sur le continent africain. Certes, et il est important de le préciser, cette candidature de Bouteflika n’est pas illégale en ce sens que Boutef avait auparavant réussi à faire sauter le verrou limitatif du nombre de mandats présidentiels dans la Constitution algérienne. Mais elle est de nature à inspirer et à encourager bien des dictateurs au Sud du Sahara, pourfendeurs de l’alternance et adeptes du pouvoir à vie. Il est vraiment déplorable que la vie et l’avenir d’un pays soient suspendus à la volonté réelle ou orchestrée d’un seul individu et de son clan. Pire, ce drame se joue dans le silence de la communauté internationale, surtout de la France et des Etats-Unis, soi-disant grands défenseurs de la démocratie. Eux qui condamnent pourtant à grand bruit, la gouvernance démocratique du Président du Venezuela.

« Le Pays »


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