HomeA la uneCANDIDATURES MULTIPLES DE LA CNC A LA PRESIDENTIELLE IVOIRIENNE : Une stratégie qui peut s’avérer improductive

CANDIDATURES MULTIPLES DE LA CNC A LA PRESIDENTIELLE IVOIRIENNE : Une stratégie qui peut s’avérer improductive


A quelques mois de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, on note une effervescence dans les états-majors des partis politiques, du côté de l’opposition comme de la Coalition au pouvoir. Et comme qui veut aller loin ménage sa monture, les candidats déclarés ou potentiels ont commencé à affiner leurs stratégies de campagne électorale, à commencer par le président sortant Alassane Ouattara, investi le 25 avril dernier dans une ambiance de carnaval au stade Houphouet Boigny par la coalition au pouvoir, le Rassemblement Houphouétiste pour la Démocratie et la Paix (RHDP). Depuis cette date, il multiplie les sorties sur le terrain et annonce urbi et orbi les réalisations qu’il entend entreprendre sur les plans économique et social, avant de soumettre son bilan quinquennal à la sanction de ses concitoyens en octobre prochain.

Du côté de l’opposition, c’est le même branle-bas de combat, mais davantage orienté vers la recherche de la meilleure formule pour contraindre le président sortant à un second tour et gagner l’élection au soir du scrutin.

C’est conscient de cet énorme défi et surtout du rapport de force qui est, quoiqu’on dise, en faveur du candidat du RHDP, qu’une vingtaine de cadres de l’opposition et de dissidents de la majorité ont décidé le 15 mai 2015 d’unir leurs forces pour aller aux élections, en créant la Coalition nationale pour le changement (CNC).

A la création de cette coalition, il y avait des figures de proue de la politique ivoirienne comme Charles Konan Banny et Amara Essy, tous deux dissidents du PDCI, Mamadou Koulibaly du LIDER, Anaky Kobena du Mouvement des Forces d’Avenir, et Aboudramane Sangaré de l’aile radicale du Front populaire ivoirien (FPI) de l’ex- président Laurent Gbagbo. En plus de ces bêtes politiques aux dents acérées, il y avait Kouadio Konan Bertin, Jean Jacques Béchio, Martial Ahipeaud, entre autres.

Rien que de par la composition hétéroclite de ce groupe, on pouvait se douter de la capacité des acteurs à taire des ego souvent surdimensionnés pour exiger, ne serait-ce que des conditions d’élections transparentes et démocratiques, comme c’est prévu dans la charte constitutive de la Coalition. On aurait même pu espérer mieux, c’est-à-dire un regroupement de leaders politiques, « couchés » sur la même natte et… faisant le même rêve de déboulonner Alassane Ouattara, soutenu à bout de bras par l’autre mastodonte de la scène politique ivoirienne, Henri Konan Bédié. Cela aurait donné plus de piquant et de suspense à la prochaine élection que beaucoup disent pliée d’avance, au regard des soutiens dont bénéficie l’actuel locataire du palais de Cocody et des risques d’implosion, si ce n’est déjà arrivé, de la CNC.

Dès l’officialisation de la Charte de cette Coalition, on pouvait parier sur sa longévité, au regard des faits plus que troublants qui ont marqué la cérémonie de signature. Il y a d’abord eu ce refus, sans motif officiel, de Mamadou Koulibaly et de Doubia Soumaila alias Doubia Major de faire partie du bureau nouvellement créé de la CNC. Il y a eu ensuite cette absence remarquée de Amara Essy à la cérémonie du 15 mai (d’aucuns disent qu’il l’a snobée) au cours de laquelle son représentant, Prosper Kotchy, a eu une attitude plus que suspecte, en feignant d’apposer sa signature au bas du document pour justifier par la suite son geste par le fait que la proposition de report de la cérémonie de signature, introduite par son parti pour un meilleur examen des clauses contenues dans la charte, n’avait pas trouvé une oreille attentive. Il y a eu enfin ce clash révélateur de l’ambiance délétère dans laquelle s’est déroulée la cérémonie, entre Doumbia Major et Kouadio Konan Bertin.

La stratégie de candidatures multiples de l’opposition risque d’être contre-productive

Si on ajoute à tous ces couacs la décision presque actée de Mamadou Koulibaly de faire désormais cavalier seul, on peut dire que c’est une opposition émiettée, pour ne pas dire laminée qui risque d’affronter le « bravetchè » dans les urnes, dans moins de trois mois. A moins que la multiplicité plus que probable des candidatures dans leurs rangs ne procède d’une stratégie de partage du gâteau électoral, pour qu’en cas de second tour et par le jeu des alliances, ils mettent en déroute la machine électorale mise en place par le duo jusqu’ici gagnant, ADO-Bédié. Mais encore faut-il aller au 2è tour pour assouvir ce rêve, surtout qu’il n’est pas exclu que des militants de ces différentes formations politiques de l’opposition, déçus et désabusés par leurs leaders se ruinant dans des querelles de chiffonniers, aillent grossir les rangs déjà serrés du RHDP, ou, à défaut, choisissent simplement de vaquer à leurs occupations le jour du vote. Le FPI de Laurent Gbagbo qui, il n’y a pas longtemps, mobilisait, est devenu l’ombre de lui-même, justement de par la faute de certains de ses cadres qui se sont crus trop vite « dignes de commander, alors qu’ils sont incapables de se commander eux-mêmes pour être dignes ».

En un mot comme en mille, ce jeu du quitte ou double, cette stratégie de candidatures multiples de l’opposition, si c’en est une, risque d’être contre-productive, non seulement en raison du manque de charisme de ses leaders, mais aussi et surtout du bilan plus que probant de l’actuel président de la République qui ne manquera pas de gêner ses opposants aux entournures. Car, il faut bien le dire, Alassane Ouattara peut bien se targuer d’avoir réussi le tour de force de replacer la Côte d’Ivoire dans son rôle naguère perdu de locomotive économique de Afrique de l’ouest francophone, en seulement 5 ans de présidence ! L’assurance et la couverture « maladie universelle », une croissance annuelle de l’ordre de 9%, la rénovation à coup de milliards d’infrastructures en déliquescence, la restauration de l’autorité de l’Etat… sont des réalités que même ses opposants les plus irréductibles ne peuvent contester. Certes, des efforts restent à faire sur le plan de la réconciliation nationale et du traitement des dossiers judiciaires, mais avouons que pour avoir hérité d’un pays presqu’en lambeaux après une décennie de crise, on ne pouvait raisonnablement en attendre mieux du candidat du RHDP. Et pour convaincre l’électorat ivoirien du contraire, les partis de l’opposition doivent non seulement se serrer les coudes, mais aussi et surtout proposer une alternative plus alléchante au peuple de Côte d’Ivoire ; ce qui pourrait s’avérer être un travail d’Hercule, qu’Hercule lui-même n’a pas eu à faire.

Hamadou GADIAGA


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