HomeA la uneCHUTE DE BOUTEF EN ALGERIE : Jusqu’à quand la soldatesque pourra-t-elle garder l’arme au pied ?

CHUTE DE BOUTEF EN ALGERIE : Jusqu’à quand la soldatesque pourra-t-elle garder l’arme au pied ?


 

En Algérie, face à la pression de la rue, Abdelaziz Bouteflika, lâché par ses soutiens les plus puissants, en l’occurrence l’armée, a fini par abdiquer avant le délai précédemment annoncé du 28 avril 2019. C’est le président du Conseil Constitutionnel, Tayeb Belaiz, qui l’a confirmé, hier, 3 avril 2019. C’est donc finalement la volonté de l’armée qui a été ainsi faite ; elle qui ne voyait de solution à la crise que la mise en œuvre de l’article 102 de la Constitution. Le moins que l’on puisse dire, et en attendant de voir l’évolution de la situation, c’est que le peuple algérien vient de remporter une bataille décisive, celle de dégommer du paysage politique, l’effigie d’un homme qui aura trôné plus deux décennies durant dans l’arène politique en Algérie. Mais cette bataille de gagnée n’est qu’une victoire d’étape.

L’armée n’a pas intérêt à opérer un passage en force

Reste maintenant la plus cruciale du peuple contre l’armée qui campe, contrairement aux revendications de la rue, sur la Constitution pour gérer la Transition. La question que l’on peut, en toute logique, se poser est de savoir si l’armée va plier face à la rue. Rien n’est moins sûr car cette armée algérienne est l’une des composantes essentielles du système politique algérien. Se considérant comme l’héritière de toutes les luttes du peuple algérien depuis la guerre de libération nationale, elle a payé le prix fort de la période ensanglantée de la lutte contre le Front islamique du salut (FIS) et cela relèverait du miracle qu’elle se laisse déposséder du pouvoir d’Etat qu’elle a acquis de haute lutte. De quoi donc sera fait demain en Algérie ? Jusque-là, l’on peut féliciter l’armée qui, durant les 6 semaines de mobilisation dans la rue, s’est abstenue de faire couler le sang. Mais jusqu’à quand la soldatesque pourra-t-elle garder l’arme au pied ? En tout cas, de l’avis de nombreux observateurs, l’armée n’a pas intérêt à opérer un passage en force. D’abord, parce qu’une telle attitude serait contraire au discours qu’elle a tenu jusque-là. Ensuite, parce qu’aucune armée, aussi puissante soit-elle, n’est jamais parvenue à vaincre un peuple debout et déterminé. Enfin, ce serait une grave confusion que l’armée ferait non seulement entre les intérêts personnels de certains de ses cadres, notamment le Chef d’Etat-major, et les intérêts du peuple.  Cela dit, une chose semble certaine. Les Algériens semblent bien conscients des enjeux de la Transition qui s’ouvre et sont déterminés à ne pas se laisser conter fleurette. Ils ont bien compris que contrairement au proverbe bambara qui dit que « sans sa tête, le serpent n’est qu’une ceinture », l’armée, sans Bouteflika, est un élément de perpétuation du système que ce dernier a incarné. Quelle peut alors être la piste de sortie de crise, pourrait-on se demander ?

Il reste à espérer que les nouveaux visages se montreront à la hauteur des espoirs qu’ils incarnent

La réponse, on peut sans risque de se tromper, le dire, se trouve dans le slogan bien connu des révolutionnaires : « pas un pas sans le peuple ». La seule mesure à même de faire baisser durablement le thermomètre aujourd’hui en Algérie, est l’ouverture d’une transition véritablement démocratique à laquelle seront entièrement parties prenantes les nouveaux visages qui commencent à émerger des immenses foules qui ont pris possession de la rue algérienne. Il reste à espérer que ceux-ci se montreront à la hauteur des espoirs qu’ils incarnent aux yeux de la rue.  En tout état de cause, ce qu’il faut craindre aujourd’hui en Algérie, c’est le syndrome du vide après la démission de Boutef, c’est-à-dire que les contradictions entre l’armée et la rue ne laissent survenir un troisième larron qui viendra, à défaut de s’emparer du pouvoir, corser l’équation algérienne. Et là, tous les regards sont tournés vers les islamistes qui ne sommeillent que d’un œil sur les dunes du désert algérien. L’évocation de ce douloureux passé ne vise pas seulement à faire peur mais des franges de la société algérienne pensent que l’alternative à la gouvernance décriée serait l’arrivée au pouvoir des mouvements islamistes. Mais là aussi, l’on ne serait pas loin du scénario égyptien où l’armée, après une brève parenthèse civile, a repris la main. Mais l’on peut encore éviter ce scénario-catastrophe si le chef d’état-major accepte de ravaler son orgueil pour suivre le rythme imprimé par la rue ou si le peuple accepte un compromis avec les hommes en treillis en se disant que l’on ne peut tout avoir tout de suite et maintenant. Dans ce dernier cas, des officiers intègres qui avaient pris leurs distances avec le défunt pouvoir, pourraient jouer les premiers rôles. A ce titre, l’on peut penser à Lamine Zéroual qui semble faire consensus et dont le nom revient sur bien des lèvres. Mais attendons de voir ce que dira la rue demain vendredi 5 avril 2019.

«  Le Pays »


No Comments

Leave A Comment