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 CLASH ENTRE ADO ET SORO


Le choc des ambitions

« Soro Guillaume démissionnera en février. C’est entendu, c’est réglé ». C’est par ces mots que le président ivoirien, Alassane Dramane Ouattara (ADO), a confirmé, devant les hommes de médias réunis pour les vœux de nouvel an, ce que dame rumeur avait transporté par monts et vallées, son divorce d’avec son ex-chef de guerre.  L’annonce n’a rien de surprenant, tant les phrases sibyllines échangées entre partisans des deux camps, les valses dans la haute sphère du pouvoir ivoirien ayant touché les proches de Guillaume Soro, les actes manqués et les mouvements des deux hommes, avaient préparé les esprits. La question que l’on ne cesse cependant de se poser est la suivante : Guillaume Soro a-t-il été bouté hors du camp présidentiel ou est-il parti de sa propre initiative ?

Le vol en tandem des deux hommes était entré dans une zone de turbulences

La question n’est pas superfétatoire quand on sait que des figures politiques du parti présidentiel et pas des moindres, avaient appelé à de nombreuses reprises, le président de l’Assemblée nationale à rendre le tablier en cas de refus d’adhésion au nouveau parti présidentiel qui a été porté sur ses fonts baptismaux  le 26 janvier dernier.

Il est difficile de trancher la question, tant elle ressemble à l’éternel débat du « verre à moitié plein ou à moitié vide ». Une chose semble certaine : le vol en tandem des deux hommes, était entré dans une zone de turbulences du fait des ambitions affichées par chacun. Soro, emporté par l’élan de son ascension qui l’a vu passer du Secrétariat général de la Fédération

scolaire et estudiantine de la Côte d’Ivoire (FESCI) à la présidence de l’Assemblée nationale en passant par les portefeuilles ministériels de l’Information et de la primature, n’a plus d’yeux que pour le fauteuil présidentiel de ADO dont les intentions et les manœuvres  laissaient difficilement croire qu’il le confirmerait dans le rôle de 1er dauphin. Faute de pouvoir concilier leurs divergences, les compagnons du maquis  d’hier, ont décidé de se séparer. Toutefois, on peut se demander  si cette séparation permettra au futur ex-président de l’Assemblée nationale, d’être maintenant plus libre de ses manœuvres.

A priori, l’on peut répondre par l’affirmative. Car, on le sait, Soro était à l’étroit au sein du Rassemblement pour la démocratie et la République (RDR) où il a toujours été vu comme un parachuté. Il était donc certain qu’il n’aurait jamais eu l’onction du parti qui a convolé en justes noces avec ses alliés dans le cadre du parti unifié baptisé Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et pour la paix (RHDP) pour porter ses couleurs en 2020. Plutôt que d’attendre que ses alliés de circonstance dans la rébellion ivoirienne, fassent l’histoire à sa place, il a décidé de prendre son destin en main. Et pour ce faire, il mise sans doute sur la recomposition annoncée de la scène politique ivoirienne avec non seulement la rupture entre le RDR et le Parti démocratique de Côte d’Ivoire/ Rassemblement démocratique africain (PDCI/RDA) de Henri Konan Bédié qui, dans une interview récente, n’excluait pas « un ticket Bédié-Soro » pour 2020, mais aussi sur le séisme intervenu à la Cour pénale internationale (CPI)  qui pourrait libérer Laurent Gbagbo.

Soro, tout comme Ouattara, est un client potentiel de la CPI

Pour preuve, il avait montré des signes de rapprochement avec ces deux poids lourds du landerneau politique ivoirien. En tout cas, quoi que l’on puisse dire, l’on ne peut pas reprocher à l’enfant de Korhogo de faire valoir ses ambitions.

Toutefois, la démarche n’est pas exempte de risques. Et pour cause. D’abord, sans le parapluie du pouvoir, l’on sait que Soro, tout comme Ouattara, est un client potentiel de la CPI. Si pour l’instant, en raison de leur position au pouvoir, les responsabilités des leaders de l’ex-rébellion dans les violences post-électorales n’ont pas été établies, cela ne signifie pas qu’ils n’ont pas les mains tachées de sang. A cette menace qui plane comme une épée de Damoclès sur la tête du jeune leader sénoufo, il faut ajouter toutes les embuches que ne cesseront de jeter sur la route, ses désormais adversaires politiques pour le faire trébucher. Par ailleurs, en passant du camp de la majorité présidentielle à celui de l’opposition, Soro doit s’attendre à des défections dans son propre camp ; ce qui ne sera pas sans fragiliser davantage ses assises.

Cela dit, le départ de Soro de la majorité présidentielle ne sera pas non plus une piqûre indolore pour le président Ouattara. Car, non seulement ADO perd un compagnon de lutte dont les coups de canon ont permis son accession au  pouvoir, mais aussi il donne la preuve qu’en politique, les alliés d’hier peuvent devenir des adversaires. En effet, après avoir roulé dans la farine Henri Konan Bédié et ses compagnons d’infortune, c’est de Guillaume Soro qu’il se débarrasse comme d’un malpropre, rendant encore plus difficile l’équation de la réconciliation nationale dans un pays où les plaies consécutives à la crise post-électorale de 2010-2011, sont encore béantes.

« Le Pays »

  


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