HomeA la uneCLEMENT SAWADOGO, MINISTRE DE LA SECURITE « Il y a des casernes en pleine ville, qui nécessiteraient une delocalisation»

CLEMENT SAWADOGO, MINISTRE DE LA SECURITE « Il y a des casernes en pleine ville, qui nécessiteraient une delocalisation»


 

Le 2 mars dernier, Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, a été doublement frappée par des terroristes. L’Etat-major général des armées et l’Ambassade de France ont été attaqués. Après ces attaques, nous sommes allés à la rencontre du ministre de la Sécurité, Clément P. Sawadogo et voilà ce qu’il nous a confié.

 

« Le Pays » : Avez-vous été surpris par les attentats du 02 mars contre l’Etat-major général des armées et l’Ambassade de France ?

 

Clément P. Sawadogo : La menace terroriste étant plus que jamais présente à nos portes, on ne peut vraiment pas dire qu’on est surpris qu’elle poursuive ses actes ignobles. Nos frontières étant poreuses, nous savions qu’il y avait  des infiltrations d’individus malveillants surtout côté des Régions du Sahel, du Nord et   de la Boucle du Mouhoun notamment, et que nous recherchions d’ailleurs par toutes les voies explorables. En dehors même de ces infiltrations, il est évident que certains de nos compatriotes sont également recrutés par ces bandes depuis la forfaiture de Malaam  Dicko et compagnie.

Pensez-vous, comme certains, que les assaillants ont bénéficié de complicités internes au sein de l’armée ?

 

L’enquête en cours nous permettra d’être situés sur la véracité de cette hypothèse. Cependant, même un observateur neutre de la scène nationale ne peut s’empêcher de se poser ces questions, à plus forte raison nous qui sommes aux commandes et qui suivons de très près les événements. Mais tirer des conclusions hâtives ne serait pas non plus responsable si bien qu’il vaut mieux attendre l’issue des investigations. Et même si la thèse de complicité est plausible, encore faut-il identifier avec exactitude les auteurs et commanditaires ; ce qui nécessite un travail plus poussé.

Franchement, monsieur le ministre, est-ce qu’il n’y a pas lieu de revoir votre système sécuritaire qui s’est révélé défaillant ?

 

Il faut savoir qu’aucun système sécuritaire n’arrive à assurer une fiabilité à 100% contre le terrorisme. On dit d’ailleurs dans la sagesse de chez nous qu’on n’est jamais sûr d’être plus malin que son larron. Vous voyez bien que ce qui nous arrive se déroule également dans de grands pays (économiquement parlant) qui, en principe, disposent de moyens sophistiqués aussi bien pour le renseignement que pour l’intervention. Cela dit, avouons que nous avons encore de sérieuses insuffisances dans nos systèmes de sécurité. Notre dispositif préventif a révélé des failles et il y a lieu de le revoir, notamment en ce qui concerne les dispositifs de sécurisation des institutions et sites sensibles. Il y a cependant une note d’espoir qui est là, c’est la capacité réactive de nos Forces de défense et de sécurité (FDS) qui a nettement progressé et qui s’est traduite par la rapidité de la contre-attaque ayant permis de mettre en déroute les assaillants, les empêchant de réaliser un carnage programmé par eux et leurs commanditaires. Si

vous l’avez bien observé, plus de 90%   des blessés l’ont été par les effets de l’explosion et non par les balles.

 

Ne pensez-vous pas qu’il y a lieu de revoir la situation géographique des enceintes militaires pour plus de sécurité ?

 

Entièrement d’accord avec vous ! Le cas de l’Etat-major de l’armée fait l’unanimité sur l’inopportunité de son site actuel. Il y avait d’ailleurs un vieux projet de délocalisation qui cherchait encore son financement. Un bémol néanmoins, parce que l’Etat-major n’est pas une caserne militaire mais la structure administrative de direction et de pilotage stratégique de l’armée. En dehors de ce cas, il y a le cas des casernes qui sont en pleine ville à Ouaga comme à Bobo, qui nécessiteraient également une délocalisation.

 

Que peut-on dire des premiers éléments de l’enquête sur ces attaques ? 

 

Je ne pourrai pas vous dire grand’chose sur cette question, n’étant pas l’autorité qui pilote cette phase, séparation des pouvoirs oblige ! Je ne puis donc que vous référer aux déclarations du Procureur du Faso. Le Gouvernement, en particulier mon département et celui en charge de la défense, suivent de très près le cours des investigations afin de tirer le maximum d’enseignements de cette situation.

 

Les Burkinabè, notamment les Ouagalais, doivent-ils s’attendre à de nouvelles mesures de sécurité d’ici là ?

 

Absolument ! Déjà, les mesures habituelles de vigilance, de contrôle et de surveillance sont activées au maximum au niveau des services de sécurité. Mais nous irons au-delà, pour des actions et mesures beaucoup plus en profondeur. Cela dit, nous avons toujours demandé à la population de coopérer avec les forces de sécurité pour faire remonter toute information digne d’intérêt. Beaucoup le font déjà et cela est à saluer. Certains comportements devraient être également évités, comme l’usage de véhicule sans immatriculation ou encore les vitres teintées (sauf cas autorisés par la sécurité). Les transporteurs doivent s’assurer de ce qu’on leur confie comme matériel à transporter ; la connaissance de personnes « douteuses » doit être signalée aux Forces de défense et de sécurité.

 

Peut-on dire que le Burkina Faso a pris la pleine mesure de la menace terroriste ?

 

En ce qui concerne cette dernière attaque, ce sont les premières leçons que nous sommes en train de tirer. La pleine mesure ne sera prise que  lorsque cet événement malheureux nous aura révélé tous ses secrets. De manière plus large, tous nos systèmes de sécurité sont en train d’être reformés et/ou renforcés pour être à la hauteur du défi.

 

Qu’en est-il de l’affaire d’uniformes volés en mars 2017 ?

 

Il s’agit d’une affaire au niveau de l’armée et je ne saurais vous en parler avec détails et certitude.

 

En tant que ministre de la Sécurité, vous avez été accueilli, a-t-on envie de dire, de façon « dramatique » avec ces attaques ? Comment vous sentez-vous ?

 

Le jour de ma prise de charge (le 5 février dernier), j’avais déjà dit que ce n’était pas un poste de sinécure ou un poste facile, dans aucun pays au monde. Il faut juste serrer la ceinture, retrousser les manches et se battre, avec tout le Gouvernement et nos concitoyens, pour défendre notre sécurité collective. Nous ne pouvons pas nous passer de cette veille collective, parce que les faits qui arrivent ne sont pas si  isolés qu’on le pense.

 

Quel appel avez-vous à lancer aux Burkinabè ?

 

Vigilance, vigilance, vigilance en tout lieu et à tout instant ! Je demeure convaincu qu’un peuple conscient et mobilisé restera un peuple invincible, quelle que soit l’adversité.

 

Propos recueillis par Michel NANA

 

 


No Comments

Leave A Comment