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CLEMENT SAWADOGO, SG DU MPP, A PROPOS DU DEBAT SUR LE CODE ELECTORAL : « Si notre volonté de faire voter nos concitoyens de l’étranger doit se faire dans u


 Le débat fait rage sur le nouveau Code électoral au Burkina Faso. L’opposition politique est vent debout pour dénoncer un « passage en force » de la part du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) et de ses alliés qui soutiennent l’adoption de la révision à l’Assemblée nationale. Au regard des positions antagoniques sur le sujet au sein de la classe politique et surtout, des accusations portées à l’encontre du parti au pouvoir, nous sommes allé à la rencontre d’un des hauts responsables du MPP. Clément P. Sawadogo, secrétaire général du MPP, également ministre de la Sécurité, est l’invité de « Mardi Politique » de ce jour.

 

« Le Pays » : Quelle est la posture actuelle du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) dans le débat sur le Code électoral ?

 

Clément Sawadogo : D’abord, merci de cette occasion d’expression que vous nous donnez. Le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) ne peut que se réjouir de ce qu’une étape décisive est en train d’être franchie dans le processus démocratique de notre pays, en ce sens que ce nouveau Code électoral va permettre d’affiner davantage le fichier électoral et surtout permettre à nos compatriotes vivant à l’étranger de voter effectivement, après toute une décennie de tergiversations sur cette dernière question.

 

Au regard de la polémique actuelle, on a l’impression que le MPP et ses alliés ont minimisé la portée du sujet portant nouvelles dispositions à insérer dans le Code électoral. Notre impression se justifie-t-elle selon vous ?

 

Ni le MPP, ni le Gouvernement, n’a minimisé la portée de ce débat. Et pour preuve, le président du Faso, lui-même, a eu des discussions avec les acteurs politiques, quatre fois de suite, c’est-à-dire la Majorité et l’Opposition. Cela est inédit dans notre pays. Autrefois, le soin était laissé au ministre de l’Administration territoriale de « se débrouiller » avec les partis, pour obtenir des consensus quasiment impossibles. Ceci étant, le président du Faso qui s’est mis en première ligne (sans y être contraint par personne), tenait à inaugurer une autre manière de travailler sur ces questions dont on sait qu’elles sont d’habitude très polémiques et parfois confligènes. L’exercice avait été salué par tous ; mieux, un consensus avait été quasiment obtenu à sa dernière rencontre avec les deux parties. Notre surprise a été totale quand nous avons suivi les développements du président du CFOP, les jours suivants. Je précise que même à l’Assemblée nationale, il nous a été rapporté que les débats en commissions ont été sereins, et à la limite, consensuels. Allez-y donc comprendre ces revirements spectaculaires !

Quelles sont les grandes innovations ou les grands changements qu’apporte le nouveau Code électoral ?

 

Les principales innovations portent sur les deux grands sujets que sont le fichier électoral et le vote à l’étranger. En ce qui concerne le fichier électoral, suite à un travail technique remarquable fait par la CENI, nous en sommes arrivés à comprendre que nous pouvions désormais faire l’économie de plusieurs dizaines de milliards de F CFA pour, à chaque fois, reconstituer ou compléter le fichier par un dispositif biométrique propre à la CENI. L’Office national d’identification (ONI) ayant déjà assis son dispositif qui est biométrique et fiable, pourquoi ne pas mutualiser avec la CENI pour obtenir un fichier propre tout en minimisant les coûts ? Certes, la démocratie a son coût inévitable, mais on peut quand même éviter les coûts “bêtes” si vous permettez l’expression. Je rappelle qu’à ce jour, personne n’a pu remettre en cause la fiabilité de notre CNIB qui est sur les standards internationaux des plus reconnus. S’agissant de la deuxième innovation de la loi qui porte sur le vote des Burkinabè de l’étranger, il s’agissait là de policer les dispositions qui y figuraient antérieurement et qui, du reste, n’avaient jamais été appliquées dans le sens de les rendre réellement applicables tout en étant davantage fiables. Cela passe par l’option, pour un effectif minimal, de Burkinabè dans le pays étranger pour être retenu (nombre de 500 Burkinabè immatriculés), également par le choix de la CNIB et du passeport ordinaire comme seules pièces,  et pour l’enrôlement et pour le vote, enfin pour les lieux de vote qui seront nos ambassades et consulats.

« Quelles conditions doit-on aménager pour leur permettre d’avoir à bonne date le précieux sésame ? Il revient au gouvernement de créer ces conditions et nous nous y attèlerons avec l’ONI »

 

En quoi ces changements participent-ils du renforcement de la démocratie au Burkina Faso ? Ou du moins, quelles sont les garanties que les nouvelles dispositions permettront aux Burkinabè de l’extérieur, de participer aux votes dans les règles de l’art ?

 

Remarquons déjà qu’avec les anciennes dispositions qui incluaient, notamment la carte consulaire, les anciens gouvernements n’avaient jamais pu tenir le vote effectif des Burkinabè de l’étranger. Parce que les conditions n’étaient jamais réunies pour le faire ! Les cartes consulaires étaient variables d’un pays à l’autre et leur délivrance très problématique, sans compter les autres types de problèmes. Avec ces nouvelles conditions, même si elles comportent l’enjeu de la délivrance de CNIB à tous ceux qui le désireraient, le vote est bel et bien possible et sécurisé ; ce qui va renforcer la démocratie.

 

L’opposition vous accuse de vouloir exclure une bonne partie des Burkinabè de l’extérieur des élections en 2020. Que lui répondez-vous ?

 

Je le répète souvent, la démocratie, ce n’est ni le populisme, ni l’anarchie encore moins le désordre. Si notre volonté de faire voter nos concitoyens de l’étranger doit s’effectuer dans une totale cacophonie, nous aurons fait régresser la démocratie. Exiger la présentation d’une pièce sur laquelle est bâtie votre identité burkinabè, n’a rien d’une exclusion. Si ceux de l’intérieur sont tenus de le faire, pourquoi ceux de l’extérieur ne le pourraient-ils ou ne le devraient-ils pas ? La question légitime serait plutôt la suivante :  quelles conditions doit-on aménager pour leur permettre d’avoir à bonne date le précieux sésame ? Il revient au gouvernement de créer ces conditions et nous nous y attèlerons avec l’ONI.

 

D’aucuns estiment qu’en réalité, le pouvoir en place a peur du vote de la diaspora, notamment celle résidant en Côte d’Ivoire. Est-ce le cas ?

 

Et pour quelle raison aurions-nous peur ? Si nous avons pu battre à plate couture en 2015 nos candidats rivaux dès le 1er tour, pourquoi aurions-nous à craindre de les affronter dedans ou dehors ? Ceux qui racontent ces histoires évitent de rappeler que l’ancien régime n’avait même pas pu démarrer cette opération, que ce soit a minima ou a maxima ! Avait-il aussi peur des Burkinabè de l’étranger, notamment en Côte-d’Ivoire ? (Rires). Disons-le tout net, ces supputations et critiques relèvent de la politique politicienne. Regardons juste les choses en face, avec toute l’objectivité requise et faisons juste ce qui doit être fait pour le présent et l’avenir radieux de notre pays !

« Je suis surpris que des commissaires de la CENI veuillent se positionner dans un processus d’élaboration des lois ; ce qui n’est pas de leur ressort »

 

Pour ce qui concerne la Côte d’Ivoire justement, en 2013,  le gouvernement burkinabè passait un contrat de production de 6 millions de cartes consulaires biométriques avec la société SNEDAI-BURKINA d’Adama Bictogo. Certains, en son temps, avaient parlé de « deal » aux contours très flous. Avez-vous une idée exacte des résultats de cette opération ? 

 

Je ne saurais vous dire s’il y a eu deal ou pas. Mais justement, l’existence de ce doute pose en elle-même problème, car un doute peut en cacher un autre ! Qu’est-ce qui nous dit qu’il n’y a pas de réseaux secrets tapis derrière, prêts à exécuter des mots d’ordre en temps voulu ? Mais je le dis bien, je n’ai pas les preuves de deal ou de non deal. Ce qu’il importe de souligner, c’est que la biométrie de la carte consulaire, quelle que soit sa fiabilité technologique, n’élude pas la question centrale de la preuve de la nationalité du bénéficiaire. Vous pouvez très bien vous la faire établir avec une pièce de naissance délivrée par une administration étrangère et pour preuve, c’est le cas de plus de 70 % des détenteurs en Côte d’Ivoire.

Peut-on certifier la fiabilité des pièces qui ont été produites à l’occasion de cette opération ?

 

J’ai, du coup, déjà répondu à cette question. Fiabilité de la carte consulaire sur la biométrie peut-être (ce qui veut dire que le détenteur de la carte est bien cette personne physique), mais aucune certitude sur la nationalité burkinabè de la personne !

Que représente, pour vous, parti au pouvoir, le vote des Burkinabè de l’extérieur en 2020 ?

 

Ce vote représente pour nous d’abord, le respect de la parole donnée si chère au Président Roch. Parce qu’il l’a promis lors de sa campagne électorale. Ensuite, il signifie que la démocratie se renforce. Enfin, il traduit l’importance accordée par ce régime, à nos chers compatriotes à l’étranger. D’ailleurs, la récente tenue du Forum des Burkinabè de l’étranger en était une parfaite illustration. Après avoir voté, le Burkinabè hors de son pays se sentira davantage pris en compte, impliqué dans la vie et la construction de son pays. Et cela est très important.

 

Il nous est revenu que la CENI  a fait des observations techniques dont le MATD n’a pas tenu compte. Les commissaires représentant l’Opposition à la CENI s’en plaignent d’ailleurs. Quel commentaire en faites-vous ?

 

Je suis surpris que des commissaires de la CENI veuillent se positionner dans un processus d’élaboration des lois ; ce qui n’est pas de leur ressort. Leur rôle étant d’appliquer la loi électorale et non de la produire. Cependant, j’admets que ceux qui sont chargés de l’application aient à suggérer des améliorations aux textes, mais en parfaite reconnaissance de ce que la loi reste du strict ressort du gouvernement et du parlement. Qu’ils en arrivent à faire des injonctions ou des réclamations sur leurs observations, me paraît tout simplement indécent de leur part. De plus, quand j’ai lu lesdites observations, je me suis demandé si ces commissaires  (qui sont de l’Opposition) ont suffisamment mesuré les incidences de leurs propositions. Car, encore une fois, il ne s’agit pas d’être volontariste. Encore faut-il que ce que l’on prêche soit applicable !

 

Le pouvoir en place et ses alliés ne devraient-ils pas dialoguer avec l’opposition sur la question au lieu de « vouloir passer en force » comme certains de leurs détracteurs le disent ?

 

Il n’y a pas de passage en force. Je rappelle qu’il y a eu épuisement des discussions autour du président du Faso. De bonnes personnes nous ont d’ailleurs reproché de n’avoir pas fait beaucoup de communications autour de ce dialogue de très haut niveau. Le Président a fait le choix de la discrétion pour sauvegarder la sérénité des échanges. En tout état de cause, il sera toujours difficile de réveiller quelqu’un qui ne dort pas. Quelle que soit la pertinence de nos arguments, si l’opposition en mal de sujets, veut faire de l’agitation, elle pourra toujours s’y livrer à partir d’un thème aussi politique et sensible.

 Un vote référendaire est prévu pour 2019. Peut-on considérer que ce vote sera une occasion de tester le nouveau dispositif électoral ?

 

Le vote référendaire de 2019 permettra de tester le nouveau mécanisme qui sera mis en place par la CENI pour le fichier électoral, mais ne le permettra pas pour le vote à l’étranger, lequel ne commencera qu’en 2020.

Interview réalisée par Michel NANA

 

 


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