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CONDAMNATION A MORT DE SEIF AL-ISLAM : Quand des criminels décident du sort d’un criminel


Quand des criminels jugent un criminel, l’on ne peut que s’attendre à la peine de mort. C’est ce qui est arrivé mardi dernier en Libye où un tribunal de Tripoli a condamné à la peine capitale, Seif al-Islam, le fils de l’ancien président Mouammar Kadhafi, pourtant détenu comme prisonnier par une milice rivale installée à Zentane. Comme on le sait, depuis la chute du Guide de la Jammahiriya, en 2011 dans les conditions que l’on sait, la Libye a basculé dans le chaos, avec la prolifération de milices qui ont mis le pays sous coupe réglée, dans un contexte marqué par une absence totale de l’autorité de l’Etat. A ce jour, la Libye compte deux gouvernements: l’un reconnu par la communauté internationale et installé à Tobrouk, et l’autre basé à Tripoli et considéré par la communauté internationale comme hors-la-loi. Depuis un an, les milices de Zentane et de Tripoli sont en guerre pour le contrôle du pouvoir, alors que l’Etat lui-même, complètement désintégré, a pratiquement cessé d’exister. Le gouvernement qui le représente ou ce qu’il en reste, s’est exilé à Tobrouk, dans l’Est du pays, pour échapper à la pression des milices qui contrôlent la capitale. Et c’est dans ce contexte que sont intervenus à Tripoli, le jugement et la condamnation par contumace du fils du Guide de la Jammahiriya, pour la répression sanglante des manifestations de 2011, en tant qu’héritier politique de son défunt père.

Au-delà de cette condamnation, que retenir de ce jugement ? Faut-il plaindre Seif al-Islam ? Comment un Etat néant peut-il raisonnablement juger et condamner un prisonnier en chair et en os qu’il ne détient pas ? Autant de questions que l’on peut se poser et qui soulèvent du même coup la question de la valeur juridique et de la portée d’un tel procès. De prime abord, l’on a envie de dire que c’est un procès pour rien, un faux procès.

En effet, il est un sacro-saint principe du droit qui veut que même si l’accusé était le pire des criminels, il ait droit à un procès équitable et à des avocats pour le défendre. Or, tout porte à croire que de telles conditions n’étaient pas réunies pour permettre de dire le droit, en toute équité. Quoi qu’il en soit, les conditions de déliquescence dans lesquelles se trouve aujourd’hui la Libye, laissent peu de place au doute quant à la possibilité de la tenue même d’un procès équitable pour le fils du Guide, quel que soit le camp qui viendrait à le juger. Tous ayant combattu son père jusqu’à sa chute et à sa mort en octobre 2011.

Ils sont nombreux ceux-là qui n’ont pas intérêt à ce que Seif al-Islam parle

C’est pourquoi certains voient derrière cette condamnation, en l’absence du prévenu, un procès expéditif qui, du reste, aurait pu s’apparenter à un coup médiatique si Seif n’avait pas été condamné à mort avec huit autres proches du Guide et pas des moindres qui, eux, étaient bien présents au prétoire. Au nombre de ceux-ci, le dernier Premier ministre de Kadhafi, Baghdadi Mahmoudi, et le très redouté Abdallah Senoussi, ex-chef des services de renseignements qui s’était réfugié en Mauritanie juste après la chute de son mentor, avant d’être livré à son pays en 2012.

En tout état de cause, il va bien falloir qu’un procès en bonne et due forme de Seif al-Islam et autres, se tienne un jour, pour rendre justice à tous ces Libyens qui ont été victimes du régime Kadhafi. Lui qui promettait d’écraser les manifestants comme des rats, au plus fort de la contestation.

Et tant qu’il est détenu par une milice rivale, Seif al-Islam peut boire son petit lait, parce que ce n’est pas demain la veille qu’il risque d’être livré à la Cour de Tripoli pour l’exécution de la sentence. D’autant plus que même la Cour pénale internationale qui le réclamait, n’a jusque-là pas eu gain de cause auprès de ses détenteurs qui sont conscients de détenir un prisonnier exquis, un prisonnier VIP, une poule aux œufs d’or. Pour autant, ce dernier n’est pas complètement tiré d’affaire, puisque ses détenteurs peuvent, à tout moment, décider de son sort. Mais au-delà de son pays, ils sont nombreux ceux-là qui n’ont pas intérêt à ce que Seif al-Islam parle. Ceci pourrait expliquer le peu d’empressement des pays occidentaux, à intervenir en Libye pour rétablir l’ordre en vue de la tenue d’un éventuel procès du régime Kadhafi avec lequel beaucoup ont flirté pour des affaires pas toujours catholiques. C’est pourquoi l’on ne peut s’empêcher de penser que le capharnaüm que représente la Libye arrange bien des personnes qui préfèrent laisser le pays aller à la dérive et sombrer chaque jour un peu plus dans l’anarchie. Mais tout cela finira un jour et il n’est pas exclu que chacun réponde de ses actes. Car, comme le dit l’adage, « quelle que soit la durée de la nuit, le jour finira par se lever ».

Outélé KEITA


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