HomeA la uneCONDAMNATION DE RESPONSABLES DE LA POLICE POLITIQUE DE HISSENE HABRE  : Le procès des lampistes

CONDAMNATION DE RESPONSABLES DE LA POLICE POLITIQUE DE HISSENE HABRE  : Le procès des lampistes


Pas moins de quarante mille morts dont plusieurs centaines de victimes enterrées dans des fosses communes. C’est le bilan macabre du régime Hissène Habré, en huit ans de règne au Tchad, de 1982 à décembre 1990, année à laquelle il a été renversé par l’actuel président Idriss Déby Itno.

Pendant que le principal commanditaire est lui-même écroué au Sénégal dans l’attente de son procès prévu pour mi-2015, certains de ses éléments de la tristement célèbre Direction de la documentation et de la sécurité (DDS), qui étaient son bras armé et qui lui obéissaient au doigt et à l’œil, viennent d’être situés sur leur sort.

En effet, le mercredi 25 mars dernier, la Cour criminelle spéciale de N’Djamena a condamné à la réclusion à perpétuité, sept anciens agents de cette sinistre police politique de Hissène Habré dont les pratiques sont dignes de la Gestapo, en termes d’enlèvements, de séquestrations, de détentions arbitraires, de tortures, d’assassinats, de disparition, etc, faits pour lesquels ils étaient 28 à être jugés depuis le 14 novembre dernier. Les autres peines s’échelonnent de sept à vingt ans de travaux forcés, avec toutefois, quatre acquittements. A noter que l’action publique s’est éteinte pour cinq accusés, décédés pendant la procédure.

Parmi les sept condamnés à  perpète, figurent l’ancien patron de la DDS, Saleh Younous, ainsi que Mahamat Djibrine dit « El Djonto », présenté comme l’un des tortionnaires les plus redoutés du régime. Rien qu’à l’évocation de ces noms, certains Tchadiens en tremblent encore de frayeur.

Mais comme le dit l’adage, mieux vaut tard que jamais. Il est donc heureux que, même si c’est vingt-quatre ans après la chute du régime, ces personnes répondent de leurs actes et que justice soit rendue aux familles des victimes. En cela, il faut saluer la Justice tchadienne, mais aussi les organisations de défense des droits de l’Homme qui n’ont jamais abandonné le combat.

 

Ce procès est un avant-goût de celui de Hissène Habré lui-même

 

Toutefois, ce procès garde un certain goût d’inachevé, car, il est difficile de comprendre qu’un tel procès puisse être mené jusqu’à son terme, sans qu’un personnage central comme l’actuel président, Idriss Déby Itno, qui était au cœur du système Habré pour avoir été  pendant longtemps son chef d’état-major, ne puisse être entendu. Pour l’histoire, il aurait dû comparaître aussi pour dire sa part de vérité, quitte à être acquitté comme l’ont, du reste, été quatre des co-accusés. Cela aurait eu le mérite de situer ses compatriotes et l’opinion internationale sur son rôle durant cette période trouble de l’histoire de son pays.  Mais, en menant ce procès de la sorte, c’est comme si Idriss Déby n’avait rien à voir dans cette affaire. Or, ce procès contre la terreur aurait dû être aussi le sien. Car Idriss Déby est loin d’être un ange, lui qui en a montré des vertes et des pas mûres à ses opposants pendant ses vingt-quatre ans de règne. On en est encore à s’interroger sur l’affaire de l’opposant Ibni Oumar Mahamat Saleh, disparu en février 2008, qui reste, jusque-là, non élucidée et que le président tchadien traîne comme un boulet à la cheville. C’est pourquoi l’on ne peut s’empêcher de penser que c’est parce qu’il est encore aux affaires que, pour le moment, il n’est pas inquiété. D’autant plus que la communauté internationale a actuellement besoin de lui, notamment pour son rôle immense dans la lutte contre le terrorisme dans la sous-région ouest-africaine. C’est ceci donc qui pourrait expliquer cela. Mais Déby ne perd rien pour attendre. Car, l’un des enseignements majeurs de ce procès, c’est que quel que soit ce que vous faites en mal, l’histoire finit toujours par vous rattraper. Le jour où il ne sera plus au pouvoir, ses placards s’ouvriront certainement. A ce moment, il lui sera difficile de s’échapper.

Au demeurant, l’on peut reconnaître à ce procès une certaine valeur pédagogique pour tous ces sécurocrates qui, non contents d’obéir aveuglément aux ordres, font souvent preuve d’excès de zèle dans l’exercice de leurs fonctions, même les plus abjectes, pour plaire au prince régnant. Le jour où le chef tombe, chacun récolte ce qu’il a semé.

En tout état de cause, l’on peut dire que ce procès est un avant-goût de celui de Hissène Habré lui-même, en tant que commanditaire de ces crimes. Et Dakar ne peut pas faire moins que N’Djamena, surtout que c’est elle qui  a eu le mérite de lever le lièvre, en écrouant Hissène Habré, ce qui a eu un effet d’entraînement à N’Djamena où jusqu’en 2013, ces individus n’étaient pas inquiétés.

Le procès du maître devrait donc dépasser en sévérité, celui des lampistes.

 

Outélé KEITA

 


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