HomeLignes de mireCONDAMNATIONS DE SOLDATS AU NIGERIA :La peine de mort était-elle nécessaire ?

CONDAMNATIONS DE SOLDATS AU NIGERIA :La peine de mort était-elle nécessaire ?


 

Douze militaires nigérians ont été condamnés à mort, le mardi dernier, pour mutinerie, par un tribunal militaire. Jugés pour mutinerie, complot criminel, tentative de meurtre, désobéissance, insubordination et fausses accusations pour des faits qui remontent au 14 mai dernier, ces militaires, qui avaient plaidé non coupables, ont écopé de la peine maximale.

 

Le degré de la peine semble quelque peu disproportionné

 

En attendant que les autorités militaires nigérianes se prononcent sur ces condamnations avant l’exécution de la sentence en cas de confirmation, ces peines de mort laissent tout de même perplexe, dans un contexte fortement marqué par la percée de la secte islamiste Boko Haram qui est en train de conquérir de vastes territoires dans le Nord-Est du pays. D’autant plus que les faits reprochés auxdits soldats, c’est de s’être rebellés et d’avoir manifesté face au silence exaspérant de leur supérieur au sujet de la mort de certains de leurs camarades dans une embuscade de Boko Haram. Ils auraient alors lancé des pierres à l’arrivée de l’officier et tiré en l’air au passage du convoi du général qui, heureusement, n’a pas été blessé.

Comme on le sait, on ne badine pas avec la discipline au sein de l’armée. Cette discipline est à la base même de la force de la Grande muette. De plus, l’armée a ses règles que tout militaire doit observer scrupuleusement, sous peine de se faire sanctionner. Ce n’est du reste pas la première fois que des militaires passent devant une cour martiale et sont condamnés. Au demeurant, même en temps de guerre, ce genre de tribunaux spéciaux a toujours existé au sein de l’armé, pour punir sévèrement ceux qui se  rendent coupables de haute trahison. Par conséquent, le principe de la sanction ne saurait souffrir d’aucune contestation. Si les soldats ont fauté, il est normal qu’ils soient punis.

Toutefois, vu de l’extérieur, le degré de la peine semble quelque peu disproportionné, surtout au regard des faits. Aussi, dans le contexte actuel du Nigeria, où Boko Haram est en train de mettre le pays sous coupe réglée, de telles condamnations ne sont pas de nature à amener la sérénité au sein d’un corps qui a pourtant besoin de toute sa cohésion pour faire face à la bande à Abubakar Shekau.

 

Seul le tribunal sait pourquoi il y est allé aussi fort

 

Car, l’on a le sentiment qu’il existe une fracture entre la troupe et le commandement, justement au sujet de la lutte contre la secte islamiste. Plusieurs fois, les soldats ont demandé des moyens conséquents à la hiérarchie pour aller au front, ce qui, du reste, est fort étonnant pour une armée supposée être la première puissance militaire d’Afrique. Mais l’on a le sentiment que la hiérarchie n’en a cure, et se contente de rester dans son confort douillet, loin des champs de bataille, et d’envoyer la troupe au charbon, pour donner l’illusion de lutter contre Boko Haram. Il n’est donc pas étonnant que certains soldats, pour ne pas aller à l’abattoir, fuient comme des lapins devant l’ennemi.

Les chefs militaires nigérians ne doivent  pas se tromper d’adversaire. Ils gagneraient à résoudre les vrais problèmes des troupes nigérianes au lieu de vouloir déplacer le débat. Car, comme dit l’adage, ce n’est pas en cassant le thermomètre que l’on fait baisser la fièvre. Autrement, c’est Boko Haram qui s’en frottera les mains. D’autant plus qu’il ne serait pas surprenant que, de guerre lasse, certains militaires de l’armée régulière désertent les rangs pour rejoindre Boko Haram, dans un pays où tout est possible.

En tout état de cause, le dernier mot revient  aux autorités militaires nigérianes. Seul le tribunal sait pourquoi il y est allé aussi fort. Peut-être est-ce un message de fermeté pour maintenir la discipline au sein de l’armée dont les odeurs de corruption, du sommet à la base, ont fini de franchir les frontières du pays. Peut-être ce tribunal a-t-il tout simplement dit le droit. Ou peut-être veut-on que ces militaires se taisent à jamais ! L’un dans l’autre, au regard du contexte et de la situation, l’on continue de se demander si cette peine de mort était vraiment nécessaire.

 

Outélé KEITA

 


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