HomeLa chronique du gouvernementConflits agriculteurs-éleveurs : Des mécanismes de règlements existent

Conflits agriculteurs-éleveurs : Des mécanismes de règlements existent


L’activité d’élevage occupe une place sociale et économique majeure au Burkina. Elle est pratiquée par la majorité des ménages ruraux, sans distinction de sexe ou d’ethnie, qui en tirent l’essentiel de leurs revenus. Cependant, le secteur est marqué par de conflits récurrents avec de graves conséquences socio-économiques et culturelles. Des dispositions doivent être prises en vue de garantir un développement au secteur.

Pourvoyeur d’emplois, l’élevage contribue pour plus de 18 % au PIB. Il recèle d’énormes potentialités au regard de l’importance et de la diversité du cheptel (8 millions de bovins, 19 millions de petits ruminants, 35 millions de volailles et 2 millions de porcins.

Bien conduit, l’élevage pastoral est écologiquement viable, économiquement rentable et compétitif, avec un rapport marge brute/coûts de production de viande de bœuf variant entre 0,8 à 2 contre 0,3 à 0,4 pour l’élevage intensif (embouche bovine, production laitière).

Malgré ses multiples avantages, l’élevage pastoral évolue dans une certaine précarité marquée par la restriction progressive des espaces pastoraux et de l’accès aux ressources pastorales.

L’accroissement de la population conjugué aux besoins nouveaux de terres agricoles, au développement de la culture de saison sèche et aux effets néfastes des changements climatiques réduisent considérablement l’espace réservé aux animaux. De ce fait, la mobilité des animaux à la recherche de pâturages, de cures salées et de points d’eau ne se fait pas sans difficultés.

Dans un tel contexte de raréfaction des terres et des ressources naturelles, les individualismes se développent au détriment des valeurs ancestrales de partage et de solidarité. Ainsi, il s’instaure et s’accentue une compétition entre les acteurs du monde rural, principalement entre les éleveurs et les agriculteurs puisque chacun a tendance à privilégier les différences au détriment des similitudes et des intérêts communs. Dans cette véritable lutte d’intérêts, chacun perd ses repères et les contacts se soldent malheureusement par des oppositions rangées.

Ces conflits deviennent de plus en plus nombreux et graves, menaçant ainsi la cohésion sociale de même que les objectifs de développement et d’intégration économique.

Les conflits entre agriculteurs et éleveurs sont généralement liés à la question foncière pourtant régie par, entre autres, la loi portant réorganisation agraire et foncière (RAF), la loi portant régime foncier rural, la loi d’orientation relative au pastoralisme, le code forestier et la loi d’orientation relative à la gestion de l’eau.

De multiples causes sont à l’origine de l’éclosion des conflits. Il s’agit entre autres des destructions de champs, des préjudices ancestraux, de l’insuffisance des interventions des services publics en matière d’aménagements agricoles et pastoraux, des cas de conflits non ou insuffisamment réglés, des problèmes d’identité, de l’absence de concertation et l’inobservation des bonnes pratiques.

Les conflits entre agriculteurs et éleveurs ont toujours été marqués par des pertes diverses.

Au niveau social, on peut citer :

– la détérioration du climat de bonne coexistence. De 2005 à 2011, les services techniques du Ministère des ressources animales ont enregistré au moins 3871 conflits dont 318 au titre du premier semestre 2011. Ces conflits ont entrainé 55 pertes en vie humaine et de nombreux blessés. Les cas les plus graves ont été enregistrés suite aux conflits de Gogo (Zoundwéogo) en 2007 et de Perkoura (Poni) en 2008, avec 18 morts. Après les affrontements rangés, les communautés se regardent en « chiens de faïence » et la moindre étincelle peut rallumer le brasier. De nombreux éleveurs préfèrent déménager vers des lieux plus cléments laissant derrière eux un triste souvenir et le regret de leurs infortunes.

– Le durcissement des conditions d’accueil des transhumants. La méfiance s’étant emparée des populations, le séjour ou le passage de nouveaux migrants éleveurs laisse chacun sur ses gardes.

Au niveau économique :

Lors des affrontements, les pertes matérielles sont nombreuses et variées : animaux domestiques tués, blessés ou disparus, cases incendiées, moyens de locomotion, vêtement, équipements, bijoux et autres objets de valeur volés ou incendiés ainsi que la perte de fortes sommes d’argent. A titre d’exemple, ces pertes ont été évaluées, dans les cas de Gogo et de Perkoura au Burkina Faso à 197 cases incendiées, 28 motos, mobylettes et vélos incendiés, 1200 volailles tuées, 450 ovins et caprins tués, 3138 bovins tués ou disparus, 14 charrues incendiées, 30 tonnes de céréales incendiées, 7.100.000FCFA volés ou brûlés, etc.

Des mesures de prévention et de gestion des conflits

Les conflits entre agriculteurs et éleveurs sont un phénomène qui prend de plus en plus de l’ampleur au risque de compromettre la quiétude entre les communautés et les nations ainsi que le processus d’intégration régionale.

Face à cette situation préoccupante, des stratégies de prévention et de gestion des conflits, ont été développées par le Ministère des Ressources Animales. D’autres mesures sont également envisagées afin de corriger les insuffisances constatées dans la mise en œuvre des différentes dispositions.

Compte tenu de la recrudescence des conflits et des problèmes de gestion des ressources naturelles, la délimitation d’espaces à vocation pastorale ou zones pastorales ont été parmi les premières mesures prises. Au moins 185 zones pastorales ont été identifiées dont 26 sont actuellement fonctionnelles.

La clarification du statut des espaces pastoraux demeure une priorité pour amenuiser les conflits fonciers. A ce niveau, l’Etat et les collectivités territoriales doivent entreprendre les actions suivantes :

– immatriculer les zones d’aménagement spécial ou zones pastorales identifiées au nom de l’Etat ou des collectivités locales ;

– attribuer les titres de jouissance aux éleveurs régulièrement installés dans les zones d’aménagement spécial ;

– entreprendre avec les acteurs concernés, les actions d’aménagement et de valorisation des zones pastorales ;

– dans les espaces de terroir, accompagner les communautés dans l’élaboration et la formalisation de chartes locales d’accès aux ressources naturelles dans le respect de l’équité et des spécificités écologiques et culturelles locales ;

– initier un processus de négociation pour la création, l’aménagement et le balisage des pistes à bétail. Les pistes doivent être classées comme patrimoine des collectivités ou de l’Etat selon leur degré d’usage et ne devront faire l’objet d’aucun changement de destination ;

– sécuriser les aires abritant des infrastructures d’élevage et de promotion des activités pastorales (parcs de vaccination, marchés à bétail, points d’eau pastoraux, stations d’élevage,…) ;

– protéger les droits des éleveurs périurbains en les appuyant dans les actions d’aménagement et en les accompagnant dans l’acquisition de titres de jouissance.

En plus de la sécurisation et des aménagements pastoraux, la prévention des conflits nécessite la mise en place d’organes de gestion des ressources pastorales.

Sur le plan des mesures curatives, le règlement des litiges liés aux activités pastorales est soumis à une procédure obligatoire de conciliation préalable et faute de conciliation, au recours contentieux.

Afin d’assurer l’efficacité des mécanismes de prévention et de gestion des conflits, les dispositions suivantes doivent être prises en collaboration avec d’autres départements ministériels :

– la mise en place effective et le fonctionnement des instances locales de conciliation telles que prévues par la loi portant régime foncier rural au Burkina Faso;

– l’accélération du processus d’élaboration de chartes foncières locales qui déterminent la procédure applicable devant les instances locales de conciliation;

– le renforcement des capacités locales en matière de règlement des conflits au niveau de structures telles que les comités locaux de prévention et de gestion des conflits, les conseils communaux ;

– l’organisation de séminaires de formation des magistrats et auxiliaires de justice sur la loi relative au pastoralisme;

– la relecture de la loi 40-61/AN du 25 juillet 1961 portant réglementation de la divagation des animaux domestiques ;

– la prise d’un arrêté conjoint sur le règlement amiable des conflits entre exploitants des ressources naturelles.

Enfin, la résolution des conflits agriculteurs éleveurs passe par la sécurisation des activités du monde rural dans un climat de paix, d’entente et de solidarité.

Des mécanismes ont existé et existent à cet effet. Il ya lieu d’œuvrer à leur renforcement et cela passe par le développement de la concertation à tous les niveaux.


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