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COTE D’IVOIRE


C’est au pas de course que le gouvernement et les députés ivoiriens vont procéder à la révision de la Constitution, dans la perspective de la présidentielle d’octobre prochain qui cristallise déjà les passions. En effet, après le discours du président Alassane Dramane Ouattara (ADO) sur l’Etat de la Nation, ce jeudi 5 mars à Yamoussoukro, la capitale politique, se tiendra un Conseil des ministres demain vendredi, pour se pencher sur le projet de loi qui devra être sur la table des parlementaires le lundi suivant. Dans la même semaine, le 13, les sénateurs se prononceront sur le texte avant les députés qui devront réunir les deux tiers des voix pour son adoption le 17 à l’hémicycle. Sa promulgation et sa publication au Journal officiel, sont prévues immédiatement le lendemain 18 mars. C’est dire qu’en deux semaines, le dossier doit être bouclé avant de s’attaquer à celui de la réforme du Code électoral.

La question est de savoir si cette Constitution ne sera pas taillée à la mesure du chef de l’Etat

Pour des questions qui ont connu de profondes divergences entre le gouvernement et les partis politiques au sortir d’un dialogue politique infructueux, ces réformes au pas de course semblent bien suspectes. De là à penser que le pouvoir d’ADO cherchera à tirer la couverture à lui, il y a un pas que l’on ne serait pas étonné de voir ses adversaires franchir. Dès lors, la question que l’on pourrait se poser serait de savoir à qui profitera cette révision constitutionnelle. La question est d’autant plus à propos que le président Alassane Ouattara, qui n’exclut pas la possibilité de se représenter pour un troisième mandat qui fait aussi débat, continue de garder le mystère sur ses intentions. Peut-être en saura-t-on davantage lors de son discours d’aujourd’hui. Car, la question est de savoir si cette Constitution ne sera pas taillée à la mesure du chef de l’Etat pour lui permettre, au cas où le cœur lui en dirait, non seulement de se porter candidat à sa propre succession, mais aussi de pouvoir assurer ses arrières dans une compétition électorale où sa formation politique, le RHDP (Rassemblement des Houphétistes pour la paix), semble engagée dans une lutte à la mort contre les autres grands partis ; des partis qui ne se feraient certainement pas prier pour se liguer contre lui, en cas de second tour. Autrement, comment comprendre la nécessité de ces retouches constitutionnelles, quatre ans seulement après celles de 2016, qui étaient censées s’inspirer des insuffisances du passé pour doter une fois pour toute, la Côte d’Ivoire d’une Loi fondamentale consensuelle ? Il est vrai qu’une Constitution est appelée à évoluer avec le temps, mais à trop souvent la retoucher pour des questions de réajustements, on finit par la désacraliser au point qu’elle puisse passer, aux yeux de certains dirigeants africains, comme un costume taillable à souhait.

Le temps semble maintenant compté

Dans le cas d’espèce de la Côte d’Ivoire, sans remettre en cause la pertinence d’une telle révision, on peut se demander si elle ne contribuera pas à attiser le feu de la discorde et creuser davantage le fossé de la mésentente entre les partis politiques ivoiriens qui se sont séparés sur un constat d’échec du dialogue politique qui attendait pourtant un arbitrage du chef de l’Etat. Car, l’agencement du calendrier ne laisse pratiquement plus de temps à d’éventuelles discussions pour accorder les vues, alors que les acteurs se sont séparés sans parvenir à un consensus sur certaines questions fondamentales. Doit-on alors s’attendre à un passage en force du pouvoir, sachant qu’il est majoritaire au Sénat et à l’Assemblée nationale ? On attend de voir. En attendant, à huit mois de l’élection présidentielle, le temps semble maintenant compté. Et l’on est plus que jamais porté à croire que le président ivoirien agit suivant un calendrier bien calculé. De ce point de vue, la volonté, par exemple, de tout boucler avant la fin du mois de mars, paraît répondre à la nécessité du respect des recommandations de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) qui veulent que six mois avant la tenue des élections, on ne change pas les règles du jeu. C’est dire s’il faudra se résoudre à attendre la fin juillet, comme ADO lui-même l’avait dit l’année dernière, pour connaître sa décision finale de se porter candidat ou non, si le temps de la réflexion qu’il s’était donné, ne lui permet pas de se dévoiler d’ici là.

« Le Pays »


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