HomeA la uneCOUR PENALE INTERNATIONALE : Zuma et l’ANC déplacent le débat

COUR PENALE INTERNATIONALE : Zuma et l’ANC déplacent le débat


 

Que faire de la Cour pénale internationale (CPI) ? C’est la question qui taraude les esprits, face à la défiance dont font preuve les Etats signataires du Traité de Rome à son égard. Dans ce qu’on pourrait qualifier de rébellion contre la CPI, les Etats africains se font particulièrement distinguer. L’Afrique du Sud est le dernier cas en date, de cette rébellion. En effet, son gouvernement menace de quitter l’instance juridictionnelle internationale, si ses propositions de réformes ne sont pas entérinées par les Etats membres. L’une des principales récriminations étant le fait que certains pays comme les Etats-Unis n’ont pas signé le traité de Rome. L’Exécutif sud-africain emboîte ainsi le pas au législatif, car les députés de l’ANC avaient plaidé pour un retrait de l’Afrique du Sud de la CPI. Cette position fait suite à la polémique consécutive à la fuite du président soudanais, Omar El Béchir, lors du dernier sommet de l’Union africaine (UA) à Pretoria, alors que la Justice sud-africaine avait demandé son arrestation. Pris entre les accusations d’avoir violé la Constitution sud-africaine, d’avoir manqué à ses engagements internationaux et les critiques de la communauté internationale, le pouvoir de Zuma a préféré botter en touche en déplaçant le débat sur un autre terrain.

L’Afrique du Sud n’étant pas n’importe quel pays, il va sans dire que sa menace de quitter la CPI, si elle devient réalité, entraînera des conséquences politiques, morales et éthiques sur l’ensemble des pays du continent, membres statutaires de la CPI. On peut convenir que la position sud-africaine ne surprend personne, car épousant la logique du sommet de 2014 où l’UA a contesté le droit de la CPI de poursuivre des présidents en exercice. Depuis lors, les dirigeants du continent sont vent debout contre la juridiction accusée de racisme et de discrimination, et ont accentué leur fronde. Il faut rappeler que depuis l’émission du mandat d’arrêt contre El Béchir, ce dernier a fait le tour de bien des pays membres de la CPI sans être inquiété, notamment la République démocratique du Congo, le Kenya, le Nigeria et tout dernièrement l’Afrique du Sud. Les chefs d’Etat ne coopèrent avec la juridiction  que quand il s’agit de se débarrasser d’adversaires encombrants comme c’est le cas en Côte d’Ivoire avec Laurent Koudou Gbagbo.

Le pouvoir de Jacob Zuma se trompe de combat

Ceci étant, faut-il croire que les 300 000 morts et les 2,5 millions de blessés de la crise au Darfour, et autres crimes contre l’humanité perpétrés dans les quatre coins du continent par des dictateurs invétérés ou des rebelles sans vergogne, passeront par pertes à profits ? Il est illusoire, en tout cas, de penser que les peuples d’Afrique soutiennent cette façon  de cautionner les crimes ou d’entraver la justice pour les victimes des atrocités et autres abus des pouvoirs autocratiques.

Une chose est de pourfendre la CPI pour ses limites et faiblesses avérées, une autre est de reconnaître que tout citoyen  a droit à la justice et de prendre les dispositions nécessaires pour qu’elle soit rendue en toute indépendance et en toute transparence. Le pouvoir de Jacob Zuma se trompe de combat. Il joue un rôle négatif quant aux obligations des Etats africains à rendre justice. Il a annoncé l’ouverture de négociations immédiates avec l’UA et ses Etats membres pour réfléchir à la mise en œuvre de mécanismes africains de résolution des conflits, qui puissent assurer que les crimes les plus graves ne resteront pas impunis. Croisons les doigts et voyons si Pretoria arrivera à vaincre ces aménités légendaires de nos présidents à l’égard de l’impunité. C’est une mission historique que s’est fixée l’Afrique du Sud ; pour cela, elle devrait assumer sa responsabilité morale et politique d’un échec, synonyme d’impunité totale pour les criminels du continent qui se réfugient dernière les récriminations contre la CPI pour ne pas répondre de leurs actes.

Au même moment, il appartient à la CPI de faire prévaloir son autorité et son impartialité, en se dotant des moyens politiques, institutionnels et financiers qu’il faut pour assumer pleinement ses missions, partout où cela sera nécessaire. Les Irakiens, les Palestiniens, les Ukrainiens, les Birmans, les Coréens, les habitants du Darfour, tous les peuples opprimés à travers la planète, ont besoin que la justice internationale entende leur cause.

Michel NANA


Comments
  • Il ne faut pas se leurrer. La CPI n’est pas faites pour la justice. C’est plutôt un énième instrument de l’hégémonie occidentale. Voyez vous mêmes :
    Des libyens sont massacrés sous l’applaudissement des occidentaux (et sous leurs bombes)
    idem pour les yéménites aujourd’hui;
    En Syrie, Laurent Fabius est allé jusqu’à dire que Alnostra (Al quaida) “fait quand même du bon boulot” parce qu’il décapite les syriens qui ont décidé de rester fidèle à leur patrie;
    Au Mali les rebelles du MNLA (soutenus par l’occident) ont décapité des soldats malien désarmés, et personne en occident ne s’en est ému;
    Aujourd’hui on sait qui soutient (directement ou indirectement) Boko Haram, EI, Alqaida, etc. mais ils ne sont pas inquiété par aucune organisation internationale soit disant de justice ou de droit de l’homme.
    Nous au Faso, il nous a fallu chasser nous même notre dictateur tueur, que l’occident adorait tant!!
    TOUTE L’AFRIQUE ET LE MONDE LIBRE DOIT QUITTER CETTE HYPCRISIE

    26 juin 2015
  • La CPI sait où trouver Bechir. Loin de moi l’idée de soutenir ce dictateur, pour avoir fait le Darfur son retour paraît le moindre mal. A-t-on seulement pensé aux éventuelles répressions contre le peuple Darfuri? Au relations entre la RSA et le Soudan? Aux débats contradictoires entre les différents exécutifs africains?
    Les grandes puissances qui poussent à le réclamer savent où le trouver.

    26 juin 2015

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