HomeA la uneCREATION DE JEAN ZERBO COMME CARDINAL AU MALI : Ainsi donc, la soutane a survécu aux Swissleaks  

CREATION DE JEAN ZERBO COMME CARDINAL AU MALI : Ainsi donc, la soutane a survécu aux Swissleaks  


Hier, 28 juin 2017, était un jour de gloire pour l’Eglise catholique malienne,  avec l’entrée au Consistoire, à Rome, de l’Archevêque de Bamako, Jean Zerbo. Elevé à la dignité de Cardinal le 21 mai 2017 par le Saint Père François, le prélat âgé de 74 ans, a reçu aux cotés de quatre autres de ses pairs originaires de la Suède, d’Espagne, du Laos et du Salvador, les symboles et attributs de sa nouvelle fonction : une barrette pourpre et une coiffe ecclésiastique en forme de toque quadrangulaire. Le natif de Ségou appartient désormais au sacré collège de Cardinaux électeurs ; ce qui lui confère le privilège d’être électeur et éligible à la succession du pape. Cet évènement qui est une première pour l’Eglise famille malienne, est à saluer à sa juste valeur. Car au-delà du mérite personnel de l’homme, c’est la petite communauté catholique malienne perdue en terre d’Islam qui est récompensée.

L’Afrique est l’une des terres d’avenir de la foi chrétienne

Mais cette distinction est aussi et surtout une marque de reconnaissance, même tardive, à l’ancien Soudan français qui a constitué l’un des plus importants ponts de l’expansion de la foi chrétienne vers les autres territoires de l’intérieur en Afrique subsaharienne. L’Eglise catholique burkinabè par exemple, on le sait, est fille de celle du Mali car c’est de Ségou que sont parties, sous la conduite de Monseigneur Hacquard,  les toutes premières missions d’évangélisation ayant abouti à l’installation des Pères blancs en territoire moaga. C’est de cette même ville située sur le fleuve Niger qu’est arrivé en 1903 Monseigneur Bazin qui, pour la 1ère fois, célébra la messe à Bobo-Dioulasso. Or, paradoxalement, même si comparaison n’est pas raison, l’Eglise catholique burkinabè est à son deuxième cardinal. Au-delà du Mali, cette nouvelle création de cardinal est un hommage à toute l’Eglise catholique d’Afrique et ce n’est que justice, dans la mesure où l’Afrique, en raison de son poids démographique et de sa forte spiritualité, est l’une des terres d’avenir de la foi chrétienne, même si celle-ci doit faire face à la concurrence des églises protestantes. Avec l’élévation de Monseigneur Jean Zerbo, l’Afrique compte désormais 25 représentants au Collège cardinalice fort de 227 membres  dont 15 cardinaux électeurs, sur les 121 cardinaux électeurs. Même si la matérialisation du rêve de voir un pape noir africain n’est pas pour demain, l’espoir se rapproche. Il a fallu de peu cependant que les rameaux dont on acclame aujourd’hui l’heureux serviteur du Christ venu de Ségou, flétrissent entre les mains de ses ouailles. On le sait, le clergé malien a été accusé de posséder des comptes en Suisse. Monseigneur Jean Zerbo ainsi que d’autres responsables de l’Eglise auraient, pendant plusieurs années, eu accès à des comptes ouverts en 2002 et crédités en 2007 de 12 millions d’euros. Il n’en fallait pas plus pour que d’aucuns crient haro sur le prélat, allant jusqu’à demander que le Saint Siège revienne sur sa décision. Les plus modérés avaient, tout au moins, espéré une enquête qui laverait la soutane de l’homme d’Eglise de la souillure faite par cette accusation ; toute chose qui aurait pu nécessiter un différé de l’entrée  de l’archevêque dans l’assemblée des cardinaux. Mais c’était sans compter avec le conservatisme de l’Eglise catholique dont la mue pour s’accommoder aux exigences de transparence des sociétés démocratiques modernes, se fait au rythme de l’aï.

L’entrée de Monseigneur Jean Zerbo au consistoire sonne comme un désaveu des détracteurs de la CEM

Le Vatican semble s’être contenté du communiqué laconique produit par la Conférence épiscopale du Mali (CEM) démentant les accusations et assurant qu’elle fonctionnait « en toute transparence » et qu’ « aucun évêque n’agit à titre personnel dès lors qu’il s’agit d’une mission qui lui a été confiée par ses pairs ». L’entrée de Monseigneur Jean Zerbo, hier, au consistoire sonne donc comme un désaveu des détracteurs de la CEM et, bien à contrario, comme une onction du Saint-Père au prélat de Bamako. On peut le dire donc, la soutane de Jean Zerbo a survécu au scandale des Swissleaks. Il reste à espérer, comme le dit l’un des dogmes de la foi catholique, que  la Sainte Eglise « ne peut se tromper ni nous tromper » et que cette affaire ne restera pas comme un boulet au pied du premier Cardinal du Mali, au point de l’empêcher de mener à bien sa mission. Cela dit, la question que l’on peut se poser est de savoir quelles conséquences cette création de Cardinal pour le Mali pourrait entraîner, si l’histoire venait à donner raison aux Swissleaks. Si la réponse à cette question n’est pas évidente, l’on sait en revanche que le magistère du prélat, dans cette atmosphère malienne empreinte de violences, ne sera pas de tout repos. Il devra relever de nombreux défis. Car, on le sait, l’homme de Dieu est très attendu dans le domaine du dialogue interreligieux où il est particulièrement engagé. Il a joué un rôle particulièrement très actif dans les négociations de paix au Mali et c’est en cela qu’il a été chaleureusement félicité par le président Ibrahim Boubacar Kéita (IBK) qui attend encore beaucoup de lui. Il devra donc mettre davantage son autorité morale au service de la cohésion de la société malienne dont les anfractuosités menacent l’existence même de la nation. Mais avant tout, le nouveau Cardinal devra mettre l’énergie et la sagesse de ses 74 ans au service de sa vocation  première qui est de conquérir de nouvelles âmes et faire ainsi progresser le taux d’évangélisation dans un Mali ou la religion catholique reste encore largement celle des minorités ethniques.

« Le Pays »


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