HomeOmbre et lumièreCRISE A l’UNIVERSITE OUAGA I Pr. JOSEPH KI-ZERBO : Le SYNADEC contre « toute forme de violence »

CRISE A l’UNIVERSITE OUAGA I Pr. JOSEPH KI-ZERBO : Le SYNADEC contre « toute forme de violence »


 

Ceci est une déclaration du Syndicat national autonome des enseignants-chercheurs (SYNADEC) sur la crise à l’Université Ouaga I Pr Joseph Ki-Zerbo. Le syndicat revient sur la génèse de la crise et analyse les faits. Lisez plutôt.

Les activités pédagogiques ont repris normalement, au  retour des vacances universitaires de 2016-2017 dans les Universités Ouaga I Pr Joseph Ki-Zerbo (UO I Pr JKZ). On aurait pu  penser que tous les acteurs de la communauté universitaire avaient, en ce début d’année, le même souci, celui de la normalisation des années académiques. Mais les 23 et 24 novembre 2017, l’Association Nationale des Etudiants Burkinabè (ANEB) a décidé d’aller en grève, laquelle grève a été reconduite le 30 Novembre, suivie d’un sit-in à la présidence de UO I Pr JKZ. Ce fait de grève a eu  pour conséquences la perturbation des activités académiques et pédagogiques. Les 4, 5 et 6 décembre 2017, l’ANEB est revenue à la charge avec un mot d’ordre de grève de 72 heures qui s’est soldé par une violence causant des blessés graves parmi les étudiants. Les différents acteurs de la crise  (ANEB et Administration universitaire) s’accusent mutuellement quant aux responsabilités de ces violences.

Rappelons les faits qui ont conduit à cette crise. Le 16 mars 2017, au département d’Etudes Anglophones, un étudiant de première année du nom de Bahan Yénilo, a agressé physiquement son promotionnaire du nom de Zango Karim qui est par ailleurs le délégué de la promotion 2015-2016 d’Anglais. Pourquoi en est-on arrivé à cette agression?

  1. LES FAITS

Dans le souci de résorber le retard académique, le Chef de département d’Etudes Anglophones a demandé au délégué de la promotion 2015-2016 d’Anglais (Zango Karim), de procéder à une concertation avec ses camarades pour le démarrage des cours pour les bacheliers de la session 2016. Bahan Yénilo aurait tenté de persuader le délégué Zango Karim qu’il n’était pas bon de laisser les bacheliers 2016 débuter les cours alors que ceux de la promotion 2015-2016 n’avaient pas encore terminé les cours et les évaluations du semestre 1. Zango Karim aurait, contre l’avis de Bahan Yénilo, organisé une concertation et demandé à ses camarades de s’exprimer par vote. La majorité des étudiants de la promotion aurait donné son accord au début des cours de leurs cadets. Bahan Yénilo aurait, dans les jours qui ont suivi,  porté la main sur Zango Karim. Suite à l’agression, Zango Karim a déposé  alors une plainte à la Direction de  l’UFR/LAC. La Direction demanda aux protagonistes de fournir un rapport.

A la réunion de la Commission interne d’instruction de l’UFR/LAC tenue le 10 Avril 2017, parmi les dossiers à examiner, figure le dossier de l’agression. Cette Commission n’est pas une instance de délibération. Son rôle est d’écouter, conseiller et confronter les différentes parties afin de proposer des sanctions et produire un rapport qui sera transmis au conseil de discipline de UO I Pr JKZ, seule instance habilitée à prendre des décisions en la matière conformément aux textes en vigueur (DÉCRET N°2012- 646/PRES/PM/MESS portant régime disciplinaire applicable aux étudiants et aux candidats aux examens et concours organisés par les universités publiques du Burkina Faso).

Dans le rapport de la Commission, on peut lire ce qui suit : «  L’étudiant Bahan Yénilo n’a pas daigné fournir un rapport à la direction de l’UFR/LAC, malgré l’insistance du  Directeur Adjoint de l’UFR/LAC. Le Président de la commission a procédé à la lecture du rapport fourni par l’étudiant Zango Karim et a donné la parole à Bahan Yénilo qui, au départ, n’a pas  reconnu les faits qui lui ont été  reprochés. Il dit avoir été surpris de la convocation de la secrétaire principale, d’autant plus qu’il n’a agressé personne; c’est pourquoi il a demandé au délégué élu des étudiants, élément de l’ANEB, de l’accompagner à la direction de l’UFR/LAC pour répondre et comprendre pourquoi il doit rédiger un rapport. Mais le Directeur adjoint a refusé de les recevoir, au motif qu’il se serait fait accompagné par un délégué d’association, pour une affaire personnelle. »

L’étudiant Bahan Yénilo aurait reconnu par la suite, au cours de réunion de la Commission interne, avoir porté la main sur Zango Karim. Le président de la Commission lui aurait confirmé qu’il s’agit là d’une agression et lui aurait prodigué des conseils sur la diversité d’idées au sein du campus, chacun devant  faire preuve d’une maîtrise de soi afin d’éviter de porter atteinte à l’intégrité physique d’une tierce personne. En outre, il existe en la matière d’autres voies de protestation. Agir en dehors de ce cadre, pourrait porter atteinte aux franchises universitaires.

La parole est donnée à l’étudiant Zango Karim, qui a déploré les propos de Bahan Yénilo, et rappelle qu’il y a des témoins de l’agression dont il a été victime. En outre, tous les délégués des autres promotions étaient présents dans la salle le 10 mars 2017, quand il s’est agi d’expliquer les réalités du campus et exhorter la promotion d’Anglais 2015 à permettre à celle de 2016 de débuter les cours. Selon Zango Karim, la promotion était d’accord, à l’exception de quelques éléments de l’ANEB.

Le délégué ANEB a alors pris la parole pour déplorer le refus du Directeur Adjoint de les recevoir. Il dit être venu voir le Directeur Adjoint en tant que délégué élu, même si Bahan et lui sont membres de l’ANEB. Selon lui, l’administration est en partie responsable du fait des programmations anormales. Il a demandé de rester dans le cadre des conseils et de ne pas proposer de sanction à l’encontre de Bahan Yénilo.

La Commission d’instruction interne de l’UFR/LAC, se basant sur les incohérences de l’étudiant Bahan Yénilo et son refus de produire un rapport, a alors retenu qu’il y a eu agression, ce qui allait à l’encontre des textes. Par conséquent, elle a proposé comme sanction le niveau six (6) conformément aux textes en vigueur (Décret N°2012- 646/PRES/PM/MESS portant régime disciplinaire applicable aux étudiants et aux candidats aux examens et concours organisés par les universités publiques du Burkina Faso).

Le rapport de la Commission d’instruction interne fut transmis au Conseil de discipline  de l’UO I Pr JKZ. Le 14 Juillet 2017, s’est tenue la première réunion dudit Conseil. Selon le président du conseil, toutes les dispositions réglementaires ont été prises pour la tenue du Conseil.  Par ailleurs, il était de son rôle de donner des conseils à tout étudiant, avant la tenue du conseil. Suite à la délibération du Conseil la sanction prise contre l’étudiant Bahan Yénilo est l’annulation des résultats des deux semestres S1 et S2. L’ANEB a dénoncé ce qu’elle a appelé une irrégularité due à l’absence du Président et du Vice-président chargé des Enseignements et des Innovations Pédagogiques (VP/EIP). De l’avis du président du Conseil de discipline, ces absences du Président et du VP/EIP ne remettent pas en cause la tenue du Conseil, conformément aux textes (Alinéa 1 de l’article 26 du DÉCRET N°2012- 646/PRES/PM/MESS portant régime disciplinaire applicable aux étudiants et aux candidats aux examens et concours organisés par les universités publiques du Burkina Faso : « Le Conseil de discipline délibère si plus de la moitié de ses membres avec voix délibérative sont présents »). Toutefois, dans le souci d’un apaisement, le Président de l’ UO I Pr JKZ a demandé au conseil de se réunir une deuxième fois, pour satisfaire à la régularité souhaitée par l’ANEB. A la délibération de ce deuxième conseil, l’étudiant Bahan Yénilo a bénéficié d’un allègement de sanctions : il est autorisé à s’inscrire en mars 2018 et il lui est demandé de se réconcilier avec son camarade Zango Karim.

  1. ANALYSES DES FAITS

Trois faits marquants retiennent l’attention, dans cette crise.

Le premier fait marquant est la délégation des prérogatives de l’administration universitaire aux étudiants. Est-ce aux étudiants de décider du début des enseignements ?

Le second fait marquant est le refus de Bahan Yénilo de produire un rapport, donc de se soumettre à l’administration universitaire.

Le troisième fait marquant est la suspension du premier délibéré du Conseil de discipline par le Président de UO I Pr JKZ, alors que, de l’avis du président du Conseil de discipline, les absences du Président et du VP/EIP ne remettaient pas en cause la tenue de premier conseil (cf. alinéa 1 de l’article 26 du décret cité ci-dessus). La reprise du conseil en deuxième délibération, suscite les questions suivantes : quelles sont les dispositions réglementaires pertinentes  permettant de procéder à une telle reprise, alors même que l’article 33 du même décret précise que les décisions du Conseil de discipline sont sans appel. En tout état de cause, dans une  telle situation où les décisions du Conseil de discipline sont sans appel,  la seule voie de  recours pour la partie qui s’estime lésée, est la saisine du juge administratif pour apprécier de la légalité de la décision du Conseil de discipline.

La gestion de cette crise traduit, encore une fois, la défaillance de la gouvernance dans les Institutions d’Enseignement Supérieur Public (IEP). Il est important de rappeler que la gouvernance universitaire nous renvoie aux droits et devoirs de chacune des composantes du système universitaire. Il faut que chacun sache ce qu’il doit faire et, pour cela, il faut des textes clairs et transparents pour tous les acteurs de l’université, qu’ils soient appliqués et qu’un climat de sécurité règne sur le campus. Des voies de recours juridiques existent en la matière, sans que l’on soit obligé d’en venir à des affrontements sanglants entre étudiants, affrontements qui auraient pu conduire à des pertes en vie humaine. Il ne s’agit pas pour le SYNADEC, en tant que structure syndicale de donner raison à un acteur de la crise, mais de préciser et d’insister sur l’application des textes et les voies de recours juridiques pour la gestion des conflits et des différentes crises au sein des Institutions d’enseignement supérieur public (IEP). En effet, il est arrivé, par le passé, que sous des pressions diverses, les autorités foulent aux pieds les textes régissant la vie universitaire. Depuis sa création, le SYNADEC a toujours insisté sur la gouvernance par l’application stricte des textes. C’est la non-application rigoureuse des textes, qui est source de tout ce désordre observé sur nos campus universitaires.

L’Université a ceci de merveilleux qu’elle est une institution qui regroupe des personnes de cultures, de races, de religions, de couches sociales, de pensées différentes. C’est le débat d’idées qui doit primer. Et si l’on veut convaincre, c’est avec ses idées et non en agressant physiquement. Où sont alors les franchises universitaires tant réclamées par les différents acteurs de la communauté, si nous devons nous emmurer dans une pensée unique ? Dans un tel milieu complexe, la question qu’il faut oser se poser est la suivante : suffit-il pour avoir de la légitimité, de fixer des règles ? La réponse est non, car la légitimité reposera : (i) sur le respect des lois dans le règlement des conflits ou des incidents ; (ii) sur le respect de la hiérarchie des normes.

Le SYNADEC tient à rappeler qu’à l’issue des récentes négociations qui se sont déroulées en deux phases (mai-juin 2016, septembre 2016), des points d’accord ont été obtenus sur la gouvernance dans les IES, et ces points d’accord ont engagé tous les syndicats présents (SYNADEC, F-SYNTER et SNESS) et la partie gouvernementale. Parmi les points d’accord, figurait l’application stricte, par l’autorité universitaire, des textes régissant la vie et la formation dans les IEP.

Le SYNADEC voudrait ici souhaiter un prompt rétablissement à tous les étudiants blessés et/ou ayant subi des traumatismes de quelque nature que ce soit.

Au regard de la situation, le SYNADEC :

– condamne toute forme de violence au sein de nos campus ;

– invite les protagonistes (administration universitaire, étudiants) au respect strict des textes régissant la vie universitaire et les invite à saisir toute voie de recours juridique pour le règlement des conflits, en accord avec la loi.

Fait à Ouagadougou le  21 Décembre 2017

Pour le Bureau du secteur SYNADEC de Ouagadougou

Le Secrétaire général

Dr. Somdouda SAWADOGO

 


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