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CRISE AU SOMMET A ABIDJAN


 La famille politique ivoirienne, ce panier à crabes !

A un jet de pierre des élections locales, les rancœurs entre le Parti Démocratique de Côte d’Ivoire- Rassemblement Démocratique Africain (PDCI-RDA) et son ex-allié du Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), le Rassemblement pour la Démocratie et la République (RDR), sont des plus vives. En effet, dans une intervention publique, le président du PDCI-RDA, Henri Konan Bédié (HKB), a déclaré que son parti faisait l’objet de « complots visant à le déstabiliser et à le faire disparaître » et a, sans ambages,  pointé du doigt le parti au pouvoir qu’il accuse de « harcèlement judiciaire » dans le but d’en empêcher le bon fonctionnement.

Le divorce entre les deux époux est en train de virer à la guerre des tranchées

Si le réquisitoire que dresse l’enfant de Daoukro contre ADO, venait à se vérifier, ce serait faire dans la tautologie que de dire que le divorce officialisé en début août entre les deux époux est en train de virer à la guerre des tranchées. Mais pouvait-il en  être autrement ?

L’on peut, tout de go, répondre par la négative car l’alliance entre les deux poids lourds de la scène politique ivoirienne, à ce que l’on dit, n’a jamais été autre chose qu’une union de circonstance, donnant ainsi raison à leur ennemi commun, Laurent Gbagbo qui disait : «Où est-ce que vous avez vu la victime épouser son violeur ? Jamais. C’est ce que Bédié et Ouattara veulent nous faire croire (…) 

On connaît leur histoire. Aujourd’hui, ils s’unissent pour affronter Gbagbo. Mais un jour, leurs vraies natures (respectives) vont remonter… Ce mariage peut paraître beau mais, leur séparation sera violente, horrible et vous verrez qu’ils n’ont jamais été unis ».  Les rancœurs sont d’autant plus fortes que le divorce est intervenu sur fond de promesses non tenues et de ressentiments personnels pendant que les deux protagonistes se disputent toujours le même héritage, l’houphouétisme. En tout cas, l’on peut dire que HKB et ADO confirment bien qu’en politique, les amis d’hier sont souvent les ennemis d’aujourd’hui.

Cela dit, la guerre entre les héritiers du père de la nation ivoirienne, peut alimenter quelques regrets. Le premier est celui qui naît du constat que l’idéal houphouétiste n’est finalement qu’un fonds de commerce politique destiné à servir des intérêts personnels. L’houphouétisme ressemble, à cet égard, au sankarisme au Burkina Faso où faute de codification, ceux qui se réclament d’en être les héritiers politiques, n’en font qu’un marchepied vers le pouvoir d’Etat et les richesses nationales. L’on avait ainsi donc fait que ressusciter l’esprit de feu Félix Houphouët Boigny pour le sacrifier sur l’autel de calculs politiques. Le second regret est de voir voler en éclats cette coalition gagnante qui a fait rêver les Ivoiriens après les années sombres de la guerre civile. L’appel de Daoukro n’est plus qu’un lointain souvenir, faisant naître du même coup l’angoisse de l’incertitude de lendemains incertains, avec surtout cette  réconciliation nationale qui va ressembler de plus en plus à un serpent de mer.

En attendant de voir le prochain épisode de ce feuilleton à rebondissements, Henri Konan Bédié est, dans ce marché de dupes, l’homme le plus à plaindre. 

Henri Konan Bédié n’est pas une innocente victime du sort qui semble s’acharner contre lui

Non seulement il a été « roulé dans la farine »  pour reprendre l’expression de l’autre, mais aussi son parti ne semble pas se présenter sous son beau jour au soir de sa vie, faisant voler tout espoir d’un éventuel rebondissement. Et l’on imagine que son rôle est difficilement tenable avec toutes ces forces contraires qui ballotent le navire PDCI-RDA au point de lui faire courir le risque du naufrage. En effet, ce n’est un secret pour personne que les jeunes cadres du parti trépignent d’impatience de parvenir aux commandes des affaires de l’Etat. En témoignent  l’hémorragie dont a été victime le parti ces derniers temps et les contestations ouvertes qui se font entendre de l’intérieur. Et l’on comprend de ce fait pourquoi Bédié s’est enfin résolu à convoquer le congrès extraordinaire que demandaient certains cadres du parti. Ce sera, en effet, l’occasion pour lui de compter les militants qui lui restent fidèles après la déchirure du RDHP et de resserrer les liens autour de lui dans la perspective de la reconquête du pouvoir d’Etat par le « vieux parti » à l’horizon 2020.

Cela dit, le président Henri Konan Bédié n’est pas une innocente victime du sort qui semble s’acharner contre lui. L’on peut,  en effet, déplorer la naïveté qu’il a eue de s’acoquiner  avec un Alassane Ouattara qu’il a autrefois  chassé comme un malpropre, des arcanes du pouvoir à la mort du père de la Nation, Félix Houphouët Boigny, lui laissant tout le loisir de prendre sa revanche

sur l’histoire. L’on peut par ailleurs déplorer le fait que HKB n’a pas préparé véritablement une relève digne de ce nom, qui puisse tenir la dragée haute à ADO. Enfin, ce ne serait pas charger inutilement le parti de Bédié que de dire qu’il n’a pas eu la patience d’attendre son heure en restant à l’écart du pouvoir pour, le moment venu, s’engouffrer dans les brèches de la gouvernance d’ADO et réaliser de par ses propres forces, l’alternance qu’il réclame à cor et à cri aujourd’hui. C’est là une erreur de vision politique que le directoire du parti se doit aujourd’hui d’assumer.

En tout état de cause, la scène de ménage entre les héritiers du président Houphouët ne peut que réjouir et bénéficier au troisième larron qu’est le FPI de Laurent Gbagbo. La menace est d’autant plus sérieuse que le président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro, qui se sent de plus à plus à l’étroit dans le parti présidentiel, n’hésiterait pas, par opportunisme politique, à basculer en faveur de l’homme qu’il a servi un temps comme Premier ministre si la situation l’imposait. En témoigne sa visite au célèbre prisonnier de la Haye.

« Le Pays »


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