HomeDialogue intérieurCRISE BURUNDAISE : Que peut bien apporter Museveni ?

CRISE BURUNDAISE : Que peut bien apporter Museveni ?


Comme l’on pouvait s’y attendre, le troisième sommet des chefs d’Etat de la Communauté est-africaine (EAC) sur la crise burundaise, a accouché d’une souris. Non seulement dans sa forme, puisque sur cinq chefs d’Etat attendus, seuls deux étaient présents, mais aussi dans le fond, puisque ce sommet n’a trouvé d’autre traitement que de prescrire un placebo au malade burundais. En effet, les résolutions du sommet ont royalement ignoré le nœud gordien du problème que constitue la candidature de Pierre Nkurunziza à un troisième mandat présidentiel, pour proposer, entre autres, comme solutions de sortie de crise, le report de la présidentielle de deux semaines, soit du 15 au 30 juillet prochain, le désarmement des milices sous la surveillance d’observateurs militaires de l’Union africaine, la formation d’un gouvernement d’union nationale à l’issue des élections, qui inclurait même les non-participants au scrutin, et l’engagement du nouveau gouvernement à respecter l’accord d’Arusha et de ne pas modifier la Constitution.

 

 

Le sommet des chefs d’Etat de l’EAC ressemble à un fiasco

De prime abord, l’on aurait pu saluer la tenue d’un tel sommet, dans la mesure où il se situait dans le cadre de la recherche de solutions pour venir en aide à un pays en difficulté. Mais l’on aurait pris leurs résolutions au sérieux, si les participants avaient commencé par demander à Nkurunziza de respecter l’accord d’Arusha, comme ils proposent d’en demander le respect au futur gouvernement.

Aussi, à y regarder de près, ce sommet sans quorum ressemble à un fiasco. Car, il présente tous les attributs d’une démission de chefs d’Etat en manque de courage pour remonter les bretelles à un de leurs pairs, qui est en train de marcher, sans frémir et sans coups férir, sur les cadavres de ses concitoyens, dans le seul but de se maintenir au pouvoir.

Comment ne pas donc donner raison à Henry Kissinger, politologue et diplomate américain, Prix Nobel de la paix 1973, qui disait que « le pouvoir est l’aphrodisiaque suprême», surtout face au comportement d’un Nkurunziza qui prend visiblement le malin plaisir à disposer de la vie et du destin de ses compatriotes, comme pour se convaincre de sa toute puissance? C’est pourquoi l’on est porté à penser que les résolutions de ce sommet sont de la poudre aux yeux, et profitent plutôt au satrape de Bujumbura qu’à son peuple, dans la mesure où la question de sa candidature n’est pas remise en question. Pire, en ne pipant pas mot sur les élections locales qui viennent de se passer, dans les conditions calamiteuses que l’on sait et qui ont été dénoncées par l’ONU, l’EAC fait l’impasse sur un des points de désaccord des protagonistes burundais et donne à croire qu’elle entérine de facto les résultats de ces scrutins ; toute chose qui ne pourrait que renforcer Nkurunziza dans son obstination à aller jusqu’au bout de sa forfaiture.

Cela dit, après l’Algérien Saïd Djinnit et le Sénégalais Abdoulaye Bathily, le Burundi vient de se trouver un troisième médiateur-facilitateur en la personne du président ougandais, Yoweri Museveni, porté à ce niveau de responsabilités par le dernier sommet de Dar-es-Salaam. Mais que peut bien apporter aujourd’hui ce dernier au peuple burundais, en lutte pour plus de liberté et de démocratie  ? Surtout qu’en la matière, Museveni est loin d’être un bon exemple ; lui qui a accédé au pouvoir à la suite d’un coup d’Etat il y a presque trois décennies, et qui, par sa longévité au sommet de l’Etat ougandais, a fini de convaincre même les plus incrédules qu’il est un accroc du pouvoir. En réalité, Museveni devrait d’abord balayer devant sa propre porte, avant de vouloir prêcher l’évangile de la bonne gouvernance politique à d’autres personnes. Surtout qu’on lui prête la volonté d’une dévolution dynastique du pouvoir. En tout cas, il y a longtemps que le maître de Kampala a prouvé qu’il est de la race des présidents qui ne peuvent pas se passer du pouvoir ; tant ils en ont une addiction maladive.

Il faut de la fermeté de la part de la communauté internationale pour arrêter le boucher de Bujumbura

Dans ces conditions, l’on est porté à croire que l’action de Museveni s’inscrira toujours dans la logique de la fuite en avant, voire d’un soutien déguisé à Nkurunziza, sans vraiment s’attaquer au nœud du problème, ni se préoccuper du sort du peuple burundais. Et la satisfaction du gouvernement burundais, des décisions de ce sommet, est un signe qui ne trompe pas. Aussi ne devrait-on pas s’étonner que ce facilitateur soit, d’ici là, récusé à son tour par l’opposition et la société civile qui ne tiennent pas à se laisser rouler dans la farine de Museveni.

Au demeurant, si l’attitude des chefs d’Etat de l’EAC qui ont participé à ce sommet frise la couardise voire la complicité à l’endroit de Nkurunziza, l’on peut dire que celle de ses voisins rwandais et kenyan, qui ont pratiquement « boycotté » ce sommet, n’est pas loin du dépit, voire de la désaffection. Et cela pourrait expliquer que ces pays servent, d’une certaine façon, de base arrière à la résistance.

En tout état de cause, il faut de la fermeté de la part de la communauté internationale pour arrêter le boucher de Bujumbura, et le génocide en préparation dans ce pays. Pour cela, l’ONU et l’UA doivent réaffirmer leur position, en montant au créneau, sans porter de gants, pour signifier à Nkurunziza qu’il est hors-jeu.  Si la position de ces dernières doit se traduire par des mesures inopérantes et de la mollesse, la communauté internationale risque fort d’échouer à faire plier Nkurunziza. Ce serait alors le requiem de la démocratie dans bien des pays africains dont les dirigeants ne se feront pas prier pour adopter la recette Nkurunziza. Ce serait un véritable recul pour le continent.

« Le Pays »

 

 

 

 

 

 


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