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CRISE LIBYENNE


Le maréchal Khalifa Haftar était, le 22 mai 2019, à l’Elysée et ce, après que son frère ennemi,  Fayez el-Sarraj, le Premier ministre du gouvernement d’union nationale, reconnu par la communauté internationale, y a été reçu quelques semaines plus tôt dans le cadre d’une tournée européenne. L’homme fort de l’Est libyen a eu, avec le président Emmanuel Macron, un tête-à-tête dont l’objectif officiel était de relancer le processus de dialogue en panne, en Libye, depuis le siège en règle établi par le maréchal devant les portes de Tripoli, avec ses conséquences humanitaires. Au-delà de cet enjeu important, la France qui a essuyé de nombreuses critiques pour son parti pris supposé ou avéré en faveur du maréchal Haftar, veut donner la preuve, aux yeux de l’opinion, de son impartialité dans la crise libyenne en recevant tous les deux protagonistes, l’un après l’autre. La question que l’on est en droit de se poser, est la suivante : la rencontre Haftar/Macron réussira-t-elle à faire bouger les lignes en Libye ?

 

Il est illusoire de croire que la solution à la crise libyenne viendra de l’Hexagone

 

Assurément non d’autant que le maréchal refuse tout cessez-le-feu sur le terrain. L’éventualité de pourparlers immédiats  entre les deux belligérants  relève de plus en plus de l’utopie. Car, alors que la communauté internationale continue d’afficher ses dissensions, les combats ont repris de plus belle dans les banlieues de Tripoli. L’émissaire des Nations unies, Ghassan Salamé, dit même craindre, avec ce nouveau pic de violences, « le début d’une guerre longue et sanglante ». Ce pessimisme du représentant onusien est alimenté par l’entrée massive d’armes lourdes au profit des deux camps, malgré l’embargo qui frappe le pays. La Libye s’est ainsi transformée en un vaste marché d’armements à ciel ouvert où s’approvisionnent les organisations islamistes qui reprennent du poil de la bête dans le Sud du pays. Cela dit, il est tout à fait  illusoire de croire que la solution à la crise libyenne viendra de l’Hexagone car la question de fond qu’il faut se poser est la suivante : à qui profite la guerre en Libye ?  La réponse est évidente : ce sont les Occidentaux qui, pour la même raison qui a été à l’origine de l’assassinat du colonel Mouammar Kadhafi, continuent d’attiser le feu en alimentant le conflit par un vaste trafic d’armes, pour pouvoir exploiter  les immenses champs pétrolifères du pays. Pendant que les Libyens se combattent, les Occidentaux, eux, pillent leurs richesses. Si fait que tous les ballets diplomatiques que l’on observe autour de la Libye, ne sont que l’expression d’une hypocrisie avec la France en tête, qui joue à un double jeu. Le jour, elle s’affiche avec El-Sarraj qui avait menacé, il y a peu, de résilier les contrats d’une quarantaine d’entreprises françaises, et la nuit, elle s’accoquine avec le guerrier de l’Est qui  constitue, à lui seul, un puissant débouché pour l’industrie d’armements française et le gardien d’immenses zones gazières et pétrolières. Même si la diplomatie française dit ne fonder sa coopération avec Haftar que sur la lutte contre le terrorisme, celle-ci n’est tout de même pas désintéressée comme elle tente de le faire croire.

Il est temps que l’Afrique sorte de sa torpeur pour aussi défendre ses intérêts en Libye, comme le font les Européens

 

S’il faut dénoncer cette attitude de l’Hexagone qui reste fidèle à ses principes tels qu’édictés par le général Charles De Gaulle qui disait que la  France n’a ni amis ni ennemis, elle n’a que des intérêts, il appartient aux leaders  libyens de faire preuve d’intelligence en pensant à l’intérêt supérieur de leur nation. S’ils veulent rendre service à leur pays, ils doivent trouver en eux-mêmes les ressources nécessaires pour parvenir  à une paix des braves que l’on peut mettre à profit pour construire une transition consensuelle qui tienne compte de la volonté des  Libyens. Cela dit, ce qu’il faut déplorer dans ce branle-bas diplomatique autour de la Libye, c’est le silence des pays africains. Or, ces derniers  paient le lourd tribut de la guerre en Libye en ce sens que c’est le chaos dans ce pays qui a ouvert les portes du Sahel à tous les groupes armés qui y sèment la peur et la désolation. En tout cas, hormis le récent sommet du Caire, le continent africain reste muet et semble impuissant face à la détérioration de la sécurité à l’intérieur des Etats. Plutôt que de s’attaquer à la plaie originelle qui s’est gangrenée jusqu’à affecter une grande partie  du continent, les Etats semblent avoir fait le choix de s’attaquer aux effets. Il est donc temps que l’Afrique sorte de sa torpeur pour aussi défendre ses intérêts en Libye, comme le font les Européens.

« Le Pays »


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