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CRISE POLITIQUE A MADAGASCAR


Hery saura-t-il éviter le piège de l’opposition ?

A Madagascar, la tension reste vive, suite à la répression des manifestations de l’opposition par le pouvoir. En effet, après les mouvements du 21 avril dernier qui ont fait trois morts et de nombreux blessés, l’opposition malgache était de nouveau dans la rue le 23 avril 2018, pour protester contre les violences meurtrières du week-end écoulé. Mais, ne voulant pas se laisser conter fleurette, le pouvoir, qui a joué la carte de la fermeté, n’entend pas reculer face aux revendications de l’opposition qui est vent debout contre le vote controversé de lois électorales à l’Assemblée nationale, qui, selon elle, viserait, entre autres, à écarter certains de leurs candidats à la présidentielle, en l’occurrence les anciens présidents Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina.

En multipliant les manifestations, l’opposition compte mettre la pression sur le pouvoir

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’à quelques mois de la présidentielle qui doit se tenir, en principe, en cette fin d’année 2018, les couteaux sont tirés entre pouvoir et opposition sur la Grande île. Et l’on semble se diriger tout droit vers un bras de fer dont nul ne saurait prédire ni la durée ni l’issue, tant les insulaires ont souvent surpris par la violence de leurs manifestations politiques et par les scénarios inédits qui ont parfois marqué l’épilogue de certaines crises. Et dans le cas d’espèce, l’opposition
veut visiblement la tête du président Hery Rajaonarimampianina et ne s’en cache pas, puisque, dit-elle, si elle n’obtient pas gain de cause, elle compte manifester jusqu’à la démission du chef de l’Etat. Aussi, sa persistance à ne pas désarmer malgré la fermeté du pouvoir, si elle ne semble pas traduire une volonté affichée de pousser le chef de l’Etat à l’erreur, paraît, pour le moins, le signe d’une détermination inébranlable à ne pas faire de quartier au pouvoir, quoi que cela puisse lui en coûter. Et en multipliant les manifestations, elle compte visiblement mettre la pression sur le pouvoir à l’effet de l’amener à lâcher du lest. A défaut, ce sera toujours cela de gagné, d’avoir montré à la face du monde le visage répressif d’un pouvoir qui se dit démocratique, mais qui manque visiblement de sang froid face aux revendications d’une opposition plus que jamais en ordre de bataille. C’est pourquoi l’on est porté à se demander si le président Hery saura éviter de tomber dans le piège de l’opposition. Rien n’est moins sûr ! En tout cas, à en juger par le ton choisi pour lancer « un avertissement aux fauteurs de troubles, aux provocateurs, qui n’ont pour but que de faire couler le sang », il y a lieu de croire de le président Hery est dans la logique de ne pas se laisser impressionner, encore moins de faire des concessions à ses adversaires. Or, une telle attitude peut être potentiellement dangereuse pour la paix sociale. Surtout que l’opposition, de son côté, semble camper sur sa position. Car, en choisissant de faire dans la fermeté, le pouvoir ne se donne pas d’autre alternative que le choix de la force pour espérer venir à bout de la résistance de l’opposition.
Mais en faisant dans la répression systématique, il fait preuve d’une cécité politique qui pourrait le perdre. Car, la force brutale n’a jamais rien réglé, sinon qu’à exacerber les tensions et autres frustrations, là où le dialogue aurait pu permettre d’obtenir des avancées constructives. Et rien ne dit que les adversaires politiques du chef de l’Etat ne tirent pas sur la corde rien que pour créer une situation de troubles qui pourrait l’emporter, lui et son gouvernement.

Il revient à la classe politique malgache de se montrer capable d’un sursaut de patriotisme

En tout cas, le scénario de 2009 où, utilisant le mécontentement populaire, Andry Rajoelina alias TGV, maire de la capitale à l’époque, avait réussi à pousser le président Marc Ravalomanana à la sortie, à la faveur de manifestations de rue qui étaient allées grandissantes au point de lui valoir le ralliement de l’armée, est encore frais dans les mémoires. L’histoire va-t-elle se répéter? Pour le moment, l’on ne semble pas en prendre la direction, mais les choses pourraient évoluer rapidement. Surtout si l’opposition doit continuer à compter ses morts, à la suite de ses manifestations.
Quoi qu’il en soit, il y a des signes qui ne trompent pas. Sont de ceux-là, ce manque criard de sérénité dont a fait montre le président Hery qui n’est pas passé par quatre chemins pour qualifier la manif du week-end dernier, de coup d’Etat. A moins que ce ne soit un prétexte pour ne pas se fixer de limites dans la répression des manifestations. Dans tous les cas, cela n’est pas de bon augure car, si l’on n’y prend garde, les choses risquent de se corser davantage, si elles n’évoluent pas rapidement de Charybde en Scylla, avec les conséquences désastreuses qui accompagnent généralement de telles crises politiques. Madagascar n’a pas besoin de cela. Il revient donc à la classe politique malgache dans son ensemble, de se montrer capable de ce sursaut d’orgueil et de patriotisme qui mettrait l’intérêt supérieur de la Nation au dessus des intérêts partisans. C’est à ce prix qu’elle pourra sauver la Grande île d’une nouvelle crise politique d’envergure, après celle de 2009 qui l’avait déjà marquée au fer rouge.

« Le Pays »


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