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CRISE SOCIO-POLITIQUE AU MALI


Après l’échec de la médiation conduite par l’ancien président nigérian, Goodluck Jonathan, quatre chefs d’Etats à savoir Alassane Dramane Ouattara, Macky Sall, Mahamadou Issoufou et Nana Akufo-Addo sont attendus le 23 juillet prochain à Bamako pour tenter d’arracher un accord entre Ibrahim Boubacar Kéita (IBK) et ses contempteurs réunis au sein du M5-RFP. En effet, l’opposition qui demande la démission pure et simple du président IBK, tout en rejetant le plan de sortie de crise de l’institution sous-régionale, a appelé à une trêve de dix jours pour cause de Tabaskia. Un plan qui exclut la démission du chef de l’Etat jugée non constitutionnelle, et prévoyait, outre la reconstitution rapide et consensuelle de la Cour constitutionnelle et le règlement du contentieux électoral, la formation d’un gouvernement d’union nationale avec un quota de 50% de sièges pour le pouvoir, 30% pour l’opposition et 20% pour la société civile. Une proposition qui n’a pas connu l’assentiment des frondeurs qui continuent de camper sur leurs positions et appellent à la poursuite de la désobéissance civile, espérant pouvoir contraindre le président à rendre le tablier.

A force de s’agripper à ses revendications maximalistes, l’opposition risque de pousser IBK à réagir en fauve blessé

Mais jusqu’où ira le bras de fer entre Kankélétigui qui ne semble aucunement disposé à boire le calice de la honte jusqu’à la lie, et ses contempteurs qui semblent tout aussi décidés à avoir son scalp ? Bien malin qui saurait répondre à cette question. Bien malin aussi qui saurait dire combien de temps durera cette crise qui n’est pas loin de conduire à une apoplexie institutionnelle, le pays étant pratiquement sans gouvernement depuis plusieurs semaines. C’est dire si le Mali est véritablement aujourd’hui à la croisée des chemins. Et l’on se demande si les manifestants pourront obtenir la démission de IBK. En tout cas, si les protagonistes ne consentent pas à mettre de l’eau dans leur…thé, nul doute que l’on s’achemine lentement et inexorablement vers un enlisement et un pourrissement de la situation. Toutes choses qui ne seraient pas profitables à ce pays déjà fragilisé par la profonde crise sécuritaire qu’il traverse depuis maintenant près de huit ans. Car, à force de s’agripper à ses revendications maximalistes et d’acculer IBK dans ses derniers retranchements, l’opposition risque de le pousser à réagir en fauve blessé. Ce qui pourrait être fortement préjudiciable à la paix sociale. Et dans le cas d’espèce, on peut même se demander si l’objectif inavoué n’est pas de pousser IBK à la faute pour mieux avoir sa peau. A moins que l’autre dessin inavoué ne soit de pousser la Grande muette à prendre ses responsabilités. Quoi qu’il en soit, si l’on peut comprendre que les opposants sont dans leur rôle, reste que cette situation délétère risque de pousser le pays un peu plus vers le précipice. Et rien ne garantit qu’à la place d’IBK, ils feraient mieux. C’est pourquoi, avec cet échec de la médiation de la CEDEAO, tout porte à croire que la crise est en train d’amorcer une nouvelle phase : celle de la radicalisation des positions. Dans ces conditions, l’on peut, d’ores et déjà, nourrir de sérieuses inquiétudes pour les prochaines manifestations d’autant que les protagonistes pourraient vouloir en finir une fois pour tout dans un scénario du « ça passe ou ça casse ».

La responsabilité des acteurs politiques est plus que jamais engagée

La question est d’autant plus préoccupante que l’on se demande quelle est encore la marge de manœuvre de la CEDEAO. L’institution sous-régionale qui a souvent montré son attachement à la légalité constitutionnelle, a-t-elle, à l’endroit de l’opposition malienne, utilisé la carotte pour mieux brandir le bâton si celle-ci persiste dans sa volonté de défenestrer le locataire du palais de Koulouba par des voies « anticonstitutionnelles »? Ou va-t-elle, in fine, rendre un jugement à la Ponce Pilate en s’en lavant les mains et en laissant les protagonistes maliens face à leurs responsabilités ? L’histoire nous le dira. En attendant, la balle est dans le camp du M5-RFP qui ne semble toujours pas vouloir lâcher du lest. Et à présent, l’on peut se demander ce qu’il compte faire dans les jours à venir. Car, une chose est de vouloir ici et maintenant la tête de IBK, une autre est d’avoir une vision pour sortir le pays de l’impasse sans pour autant poser de précédent dangereux. C’est sur ce terrain-là que l’opposition malienne est attendue. Mais il faut bien reconnaître qu’elle a du mal à convaincre que le changement voulu à travers ses velléités de débarquement sans ménagement de IBK, ne répond pas à d’autres intérêts que ceux du peuple. C’est dire si la solution n’est pas forcément dans le changement d’hommes qui ressemble plus à des mesures cosmétiques pouvant contenter des individus sans être la solution de fond à la crise que traverse le Mali. C’est pourquoi, au regard de la gravité de l’heure, il est impératif que les protagonistes sachent raison garder pour aboutir à ce nécessaire consensus pour le salut du pays. Quitte à mettre dans la balance, la possibilité d’organiser des élections anticipées, avec ou sans IBK. Et plus vite ils parviendront à un consensus, mieux cela vaudra pour le pays, au risque de voir la crise s’inscrire dans la durée avec la résurgence de nouvelles revendications qui pourraient complexifier davantage la situation, sans oublier le risque que les djihadistes qui sont à l’affût, puissent tirer opportunément profit de la situation.  En tout état de cause, malgré l’échec de cette médiation, on veut bien partager l’optimisme de la CEDEAO qui veut toujours croire aux vertus du dialogue dont, dit-elle, les portes restent encore ouvertes. Mais encore faudrait-il que les protagonistes acceptent de s’asseoir autour d’une table de négociations pour se parler. C’est dire si la responsabilité des acteurs politiques est plus que jamais engagée. Au-delà, quand on voit comment de Moussa Traoré à Amadou Toumani Touré, tous les chefs d’Etat, à l’exception près de Alpha Omar Konaré, ont quitté le pouvoir, il y a de quoi se demander s’il n’y a pas aussi, quelque part, une grande part de responsabilité du peuple malien.
 
« Le Pays »


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