HomeA la uneDEBY, DRAMANI ET DLAMINI ZUMA A L’ELYSEE : Des visites, divers enjeux

DEBY, DRAMANI ET DLAMINI ZUMA A L’ELYSEE : Des visites, divers enjeux


 

Chargé, l’agenda du président français, François Hollande, l’aura été ce 5 octobre 2015, en matière de relation franco-africaine. En effet, le locataire de l’Elysée a reçu la visite de trois personnalités africaines et non des moindres. Il s’agit du président tchadien, Idriss Déby Itno, du président ghanéen, John Dramani Mahama, et de la présidente de la Commission de l’Union africaine, Dr Dlamini-Nkosazana Zuma. Ces trois personnalités, comme on l’imagine bien, ont eu des échanges sur des sujets d’intérêt commun avec leur hôte du jour.  Derrière ces visites, il y a divers enjeux ô ! combien importants pour toute ou partie de l’Afrique, mais aussi, pour l’Hexagone.

La France gagnerait à faire en sorte que son ancien pré-carré se démocratise effectivement

Avec Idriss Déby Itno, François Hollande a abordé l’épineuse question de la lutte contre le terrorisme dans son ensemble et contre Boko Haram en particulier. La secte islamiste qui secoue le Nigeria et de plus en plus ses pays voisins comme le Niger et le Cameroun, constitue, faut-il le rappeler, un véritable danger public pour la sécurité et la paix en Afrique de l’Ouest et même au-delà. Le Tchad aussi en fait les frais, depuis qu’il a volé au secours du Cameroun et du Nigeria. Il y a donc urgence à réduire cette nébuleuse à sa plus simple expression, à défaut de pouvoir l’anéantir. C’est donc un combat de grande envergure à mener, surtout que la secte islamiste a fait allégeance à Daech, signe de son internationalisation. C’est dans cette optique qu’il est prévu le déploiement de la force multinationale pour le combattre. Mais comme on le sait, la mise en place de cette force peine à être opérationnelle, faute de moyens. Etant donné qu’il revient au Tchad d’abriter l’état-major de cette force, Déby a probablement sollicité le soutien de son homologue français. Et ce, dans l’intérêt bien compris de la France aussi. Car, ce pays est une cible privilégiée de ces terroristes. Et ce n’est pas l’intervention française contre Daech en Syrie, qui va changer la donne. Loin s’en faut. Les terroristes auront tendance à s’attaquer aux intérêts français là où ils sont les plus vulnérables. C’est dire combien il est de l’intérêt des Français de soutenir la lutte contre le terrorisme en Afrique, qui n’est qu’un prolongement de celle menée aux confins de la Syrie contre Daech. Le drame dans cette situation, c’est que François Hollande a certainement pris le soin d’éviter les sujets qui fâchent. Car il est de notoriété publique que le maître de N’djamena n’est pas un démocrate. Déby ne se voit nulle part d’autre qu’au pouvoir, au grand dam du principe de l’alternance démocratique. La France devait pouvoir faire la morale à ce genre de dirigeant, au nom des droits de l’Homme, de la démocratie et de l’esprit de la Révolution française de 1789. La logique des intérêts amène, hélas, la France a toujours louvoyer. Le dernier exemple en date a été le putsch de septembre 2015 au Burkina. Les représentants français ont louvoyé et n’ont durci le ton avec les putschistes que lorsqu’ils ont senti le vent tourner en faveur de la résistance. En tout cas, la France gagnerait à changer résolument son fusil d’épaule et à faire en sorte que son ancien pré-carré se démocratise effectivement. A l’exemple du Ghana de John Dramani Mahama. En effet, ce territoire, à l’instar de bien des ex-colonies britanniques d’Afrique, brille de mille feux en matière de démocratie. Bien des ex-colonies françaises devraient s’en inspirer. Mais la visite du président ghanéen à Paris, a certainement d’autres motivations que les questions politiques ou sécuritaires. En tout cas, elle a certainement un tout autre enjeu. Certes, tous les pays sont concernés par la lutte anti terroriste. Mais cette lutte n’a probablement pas été le principal sujet de la visite du chef de l’Etat ghanéen à l’Elysée.  Ce, d’autant plus que le Ghana n’est pas, comme le Tchad, au centre du dispositif de lutte anti-terroriste de la Françe en Afrique. Dramani et Hollande ont probablement parlé plus économie à l’Elysée. L’objectif de chacun des deux chefs d’Etat étant de renforcer et de diversifier davantage les partenariats économiques de leurs pays respectifs. Le Ghana a besoin d’un partenaire important comme la France, dans ses échanges économiques. La France aussi est intéressée par le marché ghanéen. Pour cela, rien de tel qu’un pays avec une bonne stabilité politique et économique. En la matière, le Ghana fait bonne figure et on peut donc comprendre que son marché soit attractif.

La France serait bien inspirée d’accompagner franchement l’UA

La troisième hôte et non des moindres de François Hollande, Dlamini Zuma, a certainement fait le déplacement de l’Elysée pour solliciter davantage de soutien de la France. Les défis de l’Union africaine (UA) sont multiples et divers et pour les relever, il y a d’énormes besoins que la France peut aider à satisfaire au sein de la communauté internationale. L’UA, faut-il encore le relever, a, entre autres rôles majeurs, la prévention et la résolution des conflits, la promotion de la paix et de la sécurité, de la démocratie et de l’Etat de droit en Afrique. C’est, du reste, dans le cadre de la défense de la démocratie qu’elle a récemment bandé les muscles contre les putschistes au Burkina Faso, faisant preuve d’une fermeté heureuse, mais inhabituelle. Le peuple burkinabè ne pouvait que s’en réjouir. Tous les démocrates du continent également. C’est ce genre de réactions que les Africains attendent de leur organisation continentale, dans la gestion des problèmes qui minent le continent. Ainsi, la même fermeté serait  nécessaire dans d’autres pays comme le Burundi. En effet, alors que la présidente de la Commission a qualifié les contorsions pour maintenir NKurunziza au pouvoir, de changement anticonstitutionnel, les sanctions qui devaient être décidées, n’ont jusque-là pas suivi. D’où cette impression de louvoiement au sein de l’UA en ce qui concerne l’application des textes dont elle s’est, elle-même, dotée en matière de promotion et de défense de la démocratie et de l’Etat de droit. En tout état de cause, l’UA doit développer une dynamique de fermeté face aux changements anticonstitutionnels des régimes en Afrique. Elle doit également travailler à avoir les moyens de mieux sécuriser ses pays membres et de promouvoir la paix et la démocratie. Pour ce faire, elle a vraiment besoin du soutien de ses partenaires dont la France, encore omniprésente dans bien de ses anciennes colonies toujours rétives à la démocratie. La France serait bien inspirée d’accompagner franchement l’UA dans ses efforts de promotion de la paix, de la sécurité, des droits de l’Homme et de la démocratie. Il y va de sa propre sécurité et de sa propre notoriété.

« Le Pays »


No Comments

Leave A Comment