HomeA la uneDECES DE GERARD KANGO OUEDRAOGO :Le Burkina orphelin d’un de ses derniers repères

DECES DE GERARD KANGO OUEDRAOGO :Le Burkina orphelin d’un de ses derniers repères


C’est à l’unisson que les Burkinabè saluent la mémoire de Gérard Kango Ouédraogo. Inhumé dans son Yatenga natal, l’homme fait l’unanimité dans les esprits. Une des plus grandes figures de l’histoire du Burkina Faso, avant, pendant et après l’indépendance du pays, vient de tirer sa révérence. Le « Duc du Yatenga » comme on le surnommait, est un homme qui, de son vivant, a incarné des valeurs fondamentales.

 

Gérard Kango Ouédraogo a su mener avec brio les grands combats de son temps

 

Dignité, fierté nationale, sens de la parole donnée, sobriété, telles sont, entre autres, les valeurs largement reconnues à ce vaillant combattant. Que ce soit comme speaker à Dakar, député au palais Bourbon, ambassadeur à Londres, président de l’Assemblée nationale ou Premier ministre à Ouagadougou, Gérard Kango Ouédraogo a accompli son travail avec passion, défendu de grandes valeurs avec fierté. C’est tout cela qui fait qu’il a réussi à marquer des générations au-delà même des frontières physiques de son pays.

De la lutte pour l’indépendance du Burkina à laquelle il a participé avec abnégation aux efforts de construction de la jeune nation, il n’aura ménagé aucun effort. Il a ainsi su mener avec brio ces grands combats de son temps sous la bannière du Rassemblement démocratique africain (RDA). Bien de ses compagnons de lutte étant décédés plus tôt, il était devenu de facto l’une des rares personnalités vivantes à même d’éclairer la lanterne de ses concitoyens sur certains épisodes passés de la vie nationale et régionale. Témoin de premier plan des grands repères et des remous de l’histoire de la Haute-Volta et des autres pays ouest-africains, il ne manquait ainsi aucune occasion pour instruire ses hôtes et notamment les jeunes générations avec la passion et la fougue qu’on lui connaît. A l’occasion, ce grand homme pétri de culture, à la mémoire d’éléphant et rhéteur hors pair, savait donner à ses propos la dose de conviction nécessaire.

Grand homme politique, Gérard Kango Ouédraogo a été également un grand homme social. En effet, son sens élevé du social est notoire, lui qui a réalisé de grandes œuvres au profit des populations. Ses visites à Ouahigouya étaient des occasions de joie pour de nombreuses familles à qui il ne manquait pas de faire l’amitié d’une visite de courtoisie, surtout quand il y avait des évènements sociaux. On dit de lui qu’il avait le cœur sur la main. Bien apprécié pour sa capacité à pardonner, à réconcilier et à rassembler, Gérard Kango Ouédraogo était un sage. Ces qualités lui ont certainement servi en politique. Il aura été celui qui a donné aux fonctions de président de l’Assemblée nationale et de Premier ministre, le relief qu’il faut. Grâce à son action, à son savoir-faire, ces institutions ont acquis leurs lettres de noblesse au Burkina Faso.

 

Comment conserver et restaurer les valeurs prônées et vécues par le « Duc du Yatenga » ?

 

En homme d’honneur, il a su se retirer de la politique active au bon moment. En tout cas, il ne s’y est pas accroché alors même que la volonté d’accéder à la présidence de la République, une de ses ambitions les plus chères, aurait pu l’aiguiller dans ce sens. Cette attitude de grande classe est une marque de grande sagesse. Droit dans ses bottes, Gérard Kango Ouédraogo a eu à cœur de privilégier l’intérêt national à ses intérêts personnels. C’est cette stature d’homme d’Etat, avec des valeurs caractéristiques de sa génération, qui fait cruellement défaut à la classe politique burkinabè dans son ensemble, aujourd’hui. Il est certain que, tout comme ses illustres devanciers dans l’au-delà, le « Duc du Yatenga », du fond de sa tombe, pleure de voir ce que les hommes politiques qui leur ont succédé, ont comme valeurs aujourd’hui. En tout cas, la nouvelle génération d’hommes politiques burkinabè, dont la majeure partie des membres fait de l’incivisme, du mensonge criminel, de la méchanceté, la volonté de réussir quels que soient les moyens à utiliser, son sport favori, n’est pas la digne héritière de sa devancière.

Certes, l’homme n’était pas parfait. Mais au regard de l’énormité des valeurs qui étaient les siennes, on peut dire qu’il avait le défaut de ses qualités. A présent, son ombre va manquer aux caravanes, comme on le dit. Comment conserver et restaurer les valeurs prônées et vécues par le « Duc du Yatenga » et ses illustres compagnons d’armes dans un monde où l’intérêt national compte beaucoup moins que celui des dirigeants ? Dans ce contexte de délitement accéléré des valeurs, sur quels personnages emblématiques s’appuyer ? Les interrogations sont à la hauteur du vide laissé par ce grand homme qui vient de disparaître ainsi du décor. En tout cas, les repères se font de plus en plus rares. Maître Gilbert Noël Ouédraogo saura-t-il chausser les bottes de son illustre père ? En tout état de cause, il appartient aux hommes politiques actuels de se ressaisir et de donner le change à leurs aînés, en sachant s’inspirer de leurs actions.

 

«Le Pays»


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