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DECISIONS GOUVERNEMENTALES RETOQUEES PAR LA JUSTICE


Au cours des années 2018 – 2019, le gouvernement a pris des mesures sanctionnant des agents publics de l’Etat pour actes d’indiscipline. Sur la même lancée, des conseils municipaux ont été dissous pour dysfonctionnement et des maires ont été révoqués. Les entités et les personnes physiques qui ont été victimes de ces oukases gouvernementaux, ont attaqué le gouvernement en justice, car elles estiment que celui-ci les a abusivement et arbitrairement sanctionnées.
L’on peut faire le constat que les parties plaignantes ont eu gain de cause puisque les mesures les concernant ont été purement et simplement retoquées par la Justice. En rappel, les cas les plus emblématiques sont liés aux GSP (Garde de sécuritaire pénitentiaire) qui avaient été licenciés et dont la Justice a décidé de la réintégration. A cela s’ajoute la dissolution du conseil municipal de Saponé remis en place par la Justice. Le dernier acte de justice à mettre dans ce registre est la réhabilitation du maire de Gourcy qui avait été destitué, on se rappelle, par le gouvernement. Toutes ces mesures systématiquement retoquées par la Justice viennent apporter de l’eau au moulin de tous ceux qui pensent que le gouvernement fait dans le dilettantisme et l’amateurisme dans la prise de ses décisions. Quand ce n’est pas le fond des sanctions qui pose problème, c’est la forme. Très souvent, ce sont les deux qui sont en porte-à-faux avec les lois de la République. Or, dans un Etat de droit digne de ce nom, la Justice est très regardante pour ne pas dire très tatillonne sur tous ces aspects. En tout cas, l’un ne va pas sans l’autre. En justice, la forme tient le fond en l’état. Or, l’on peut faire le constat que ce grand principe est quelque peu négligé par ce gouvernement. Résultat, il perd systématiquement la face chaque fois qu’un citoyen ou une institution l’attaque devant les tribunaux pour mesures prises à leur encontre, qu’ils estiment arbitraires.

La part de l’arbitraire dans la gestion des contentieux opposant les citoyens à l’Etat, est en train de diminuer considérablement

Cette façon dilettante de faire n’est pas sans dommage pour l’Etat. Le premier est qu’elle renvoie du gouvernement une très mauvaise image vis-à-vis non seulement de l’opinion nationale, mais aussi de l’opinion internationale. En effet, un gouvernement sérieux et soucieux de son image prend le temps et la peine d’étudier ses mesures sous tous les angles avant de les porter à la connaissance du public. Dans le cas d’espèce, cette précaution est loin d’avoir été prise. Ce qui donne l’impression de mesures prises sous le coup de la colère et de la précipitation. Un gouvernement qui veut qu’on le respecte ne doit pas fonctionner de façon épidermique. Loin de là, il doit inscrire tous ses actes dans un schéma qui s’inspire de la rationalité juridique et administrative. De ce point de vue, il doit s’entourer de femmes et d’hommes administrativement et juridiquement compétents pour l’accompagner dans ses prises de décision. L’autre dommage que cette façon dilettante de prendre les décisions, peut causer au gouvernement, est lié à l’autorité de l’Etat. Déjà, celle-ci est mal en point du fait de l’incivisme et de l’incapacité de l’Etat à faire respecter ses propres lois. Et ces mesures retoquées à n’en pas finir par la Justice, peuvent contribuer à détériorer davantage l’autorité de l’Etat. Cela dit, ces procès remportés par les tiers contre des décisions gouvernementales, tout en illustrant le caractère dilettante du pouvoir de Roch Marc Christian Kaboré, viennent apporter la preuve que la Justice burkinabè est en train de s’affranchir de la tutelle du pouvoir exécutif. En effet, avant l’insurrection, c’est-à-dire à l’époque de Blaise Compaoré et de ses « juges acquis », il n’était pas dans la culture de la Justice de retoquer les décisions gouvernementales. De ce point de vue, il fallait véritablement être fou pour oser traduire le gouvernement en justice pour des licenciements et autres révocations. Car non seulement l’on était pratiquement sûr à 100% de ne pas avoir raison, mais aussi, on courait le risque d’aggraver la situation. Les « mutins » de 2011 qui ont été radiés de leurs corps respectifs, en savent quelque chose. De ce point de vue, l’on peut affirmer que la part de l’arbitraire dans la gestion des contentieux opposant les citoyens à l’Etat, est en train de diminuer considérablement. Et c’est tant mieux pour la démocratie et l’Etat de droit. Il reste au gouvernement de tout faire dans ses prises de décisions, pour se hisser à la hauteur de toutes les implications liées à la démocratie et à l’Etat de droit. Et la moindre des choses qu’il doit faire dans ce sens, est de cesser de prendre des mesures qui laissent voir de la précipitation, de l’irritation et de la frilosité de sa part. En attendant, il est en train de payer cash la rançon de son amateurisme dans ses prises de mesures à l’encontre de bien des institutions et de citoyens.

Sidzabda


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