HomeA la uneDECLARATION DE POLITIQUE GENERALE : « La défense » de Paul Kaba Thièba devant l’Assemblée nationale  

DECLARATION DE POLITIQUE GENERALE : « La défense » de Paul Kaba Thièba devant l’Assemblée nationale  


 

 « Je vous remercie pour la profondeur et la pertinence des questions. Je ne vais pas répondre dans l’ordre mais s’il arrive que je ne prenne pas une question en compte veuillez m’interpeller là-dessus », a dit le Premier ministre, Paul Kaba Thiéba avant de répondre aux questions des députés de l’Assemblée nationale. Ces questions ont porté, notamment sur la sécurité, le financement du programme du gouvernement, la lutte contre le chômage. Nous vous proposons quelques réponses du chef du gouvernement à la représentation nationale.

Sur les enjeux de la réconciliation

Après tant d’années de souffrances, après tant de lutte, après tant de sang versé par la jeunesse, il est normal que le processus de réconciliation puisse rassembler les Burkinabè. Je voudrais rappeler que le chef de l’Etat a déjà engagé un processus de réconciliation qui suit son cours. Il y a déjà 5000 dossiers qui ont été reçus au niveau de la Commission nationale de réconciliation. D’autres dossiers sont en cours d’analyse au niveau de la justice. Mais, au nom de l’indépendance de la Justice, le pouvoir ne peut pas interférer dans ces dossiers. Mais, il y a quand même quelque chose que je voudrais souligner et sur laquelle on doit s’entendre. Le processus doit se baser sur le triptyque vérité justice réconciliation.  Nous ne pouvons pas faire comme si rien ne s’est passé et passer par perte et profit tout ce que nous avons vécu.  Il y a aussi quelque chose qui me gêne et dont je voudrais faire cas. Dès que j’ai pris fonction, il y a de cela un mois, j’ai été profondément choqué par les évènements qui se sont passés et qui, pour moi, devraient relever du passé. Je veux parler de ce qui s’est passé à Tin Akoff, à Yimdi… D’un côté, il y a des gens qui veulent se réconcilier et le gouvernement travaille à cela. Mais, d’un autre côté on se rend compte qu’il y a une volonté de saper ces efforts. Excusez-moi le terme mais, je me demande si ce sont des Burkinabè ? C’est peut-être des apatrides… qui sont en dehors ou aux frontière du pays, qui continuent à organiser des attaques et qui cherchent à déstabilisés le pays. Tout le monde a vu ce qui s’est passé à Yimdi. Dans le cadre de cette affaire, 29 de ceux qui ont été arrêtés sont de l’ex-RSP. Il faut vraiment que la représentation nationale soit solidaire du gouvernement pour dire “non” à ces pratiques. Il faut que dans la démarche pour la réconciliation nationale il y ait de la sincérité et que toute la représentation nationale condamne fortement ce type d’actes qui visent à saper la liberté, l’engagement que nous prenons pour construire un Burkina nouveau.

Sur la nouvelle Constitution qui va consacrer la 5e république

Conformément au programme du président du Faso, cet aspect sera mis en chantier. Une Commission constitutionnelle qui aura pour mission la rédaction du projet de Constitution sera mise en place. Ensuite, il y aura un référendum qui, dans la mesure du possible, sera couplée aux élections municipales du 22 mai 2016. Le gouvernement avisera donc en fonction de l’évolution du projet. Mais, dans tous les cas, les engagements du président seront tenus.

« Il faut éduquer, il faut sensibiliser mais, il ne faut pas aussi hésiter, quand il le faut, à sanctionner »

 

La politique du gouvernement face à l’incivisme grandissant

Sur cette question, l’engagement fort du chef de l’Etat pour lutter contre l’incivisme fait partie de nos préoccupations. En effet, face à la récurrence du phénomène de l’incivisme dans notre pays, la nécessité d’une synergie d’action s’impose en vue de trouver une meilleure stratégie pour la lutte contre l’incivisme et de restaurer les valeurs de tolérance, de paix et de consolider les efforts de développement. La lutte contre l’incivisme passe donc par la promotion d’une culture de la citoyenneté. En mai 2015, le gouvernement de la Transition a adopté un plan d’action de mise en œuvre des recommandations issues du forum national du civisme dans 6 domaines d’actions prioritaires. En outre, mon gouvernement travaille déjà sur une stratégie d’introduction de l’éducation, des droits humains et du civisme dans les différents domaines d’enseignement. Un manuel citoyen a été élaboré et sera mis à la disposition dans le milieu scolaire, universitaire et de la jeunesse en général. Cependant, il est évident qu’à un moment donné, il faudra passer de la sensibilisation à la prise de mesures dissuasives pour enrayer définitivement ce phénomène. Il faut éduquer, il faut sensibiliser mais, il ne faut pas aussi hésiter, quand il le faut, à sanctionner.

La levée du mandat d’arrêt  a été refusée par les juges. N’y a-t-il pas un risque de clash entre l’Exécutif et la Justice ?

 

Sur ce point, la position du gouvernement est claire. Dans le cadre de la procédure ouverte suite au coup d’Etat, un certain nombre de mandat d’arrêt ont été déféré à la Chambre de contrôle du tribunal militaire pour cause de présumé vice de forme. C’est une procédure normale. La décision de refus de lever le mandat d’arrêt dont fait référence l’honorable député, fait référence à cette décision. Il y a lieu de préciser que ladite décision ne concerne pas ce seul mandat d’arrêt. Dans le fonctionnement des juridictions, cette décision est la première étape de la procédure qui se poursuit devant la cour de cassation. En tout état de cause, autant la procédure judiciaire relève du pouvoir judiciaire, autant la diplomatie relève de l’exécutif. Il n’y a donc pas d’interférences en la matière et un quelconque risque de clash entre l’exécutif et le judiciaire, chacun des pouvoirs étant dans son rôle.

 

Quid des mesures prises pour la sécurité des produits alimentaires ?

 

Des canettes saisies à Koudougou ont fait l’objet de poursuites et les responsables ont été jugés et condamnées. Quant à l’affaire OBOUF, le dossier correctionnel a connu un dénouement. Le volet criminel est toujours en cours dans un cabinet d’instruction au TGI de Ouagadougou. Donc le sujet n’est pas encore épuisé. Dans la récente affaire de riz périmé, une information a été ouverte par le juge d’instruction de Tenkodogo. Des suspects ont été interpellés et incarcérés. Toute chose qui met en exergue l’option de la tolérance zéro  contre toute personne qui se serait rendu coupable de tels agissements.

Sur les risques de dérives des comités locaux de surveillance

Dans le cadre de la lutte contre l’insécurité, il  a été demandé aux autorités de dynamiser les comités locaux de sécurité qui sont des structures créées depuis quelques années par note réglementaire. Les comités locaux de sécurité sont encadrés par les forces de sécurité. Leurs missions est de faire remonter aux autorités compétentes toutes informations et tous cas de personnes suspectes. Là où ces comités n’existent pas, il est demandé aux populations de s’organiser en comité de veille pour jouer le même rôle que les comités de sécurité. Déjà dans les marchés, les commerçants sont également organisés pour assurer la sécurité des marchandises et des infrastructures.

La question sur la dotation de l’armée en équipements

C’est une question très intéressante mais les questions de diplomaties et de défense relèvent des prorogatives du chef de l’Etat. Ce sont des sujets très sensibles. Mais dans le contexte actuel, je vais vous livrer quelques informations. En termes de matériels prévus pour équiper les forces de sécurité, je dirai que ce sont des moyens pour équiper les forces terrestres, l’armée de l’air et les unités de gendarmerie nationale et de police dans le but d’accroître leur capacité opérationnelle. Je demande votre indulgence car je ne vais pas aller dans les détails.

Quelles sont les mesures d’urgences pour assurer la cohésion de l’armée ?

 

Je peux vous assurer que depuis que je suis là, il n’y a pas de crise de cohésion au sein de nos Forces armées nationales. Depuis que je suis là, je travaille tous les jours avec tout  le monde et j’avoue que je n’ai jamais senti la moindre division. Le cas des militaires de l’ex-RSP, tout le monde sait de quoi il s’agit. Il s’agit d’éléments nostalgiques qui veulent saboter la démocratie. Ils ne sont pas contents de nous voir assis ici et de discuter de manière pacifique. Ce qu’ils veulent, c’est la guerre. Mais, nous on n’est pas dans cette logique. On a tourné la page et on veut maintenant rassembler nos énergies, nos intelligences pour trouver la meilleure voie pour développer notre pays.

L’agence nationale de renseignements ne sera-t-elle pas utilisée à des fins politiques ?

 

Je voudrais rassurer la représentation nationale que jamais, au grand jamais, la volonté du gouvernement n’est de créer un service de renseignements pour essayer de faire des choses qui ne sont pas très orthodoxes. La création de l’ANR répond à une question de sécurité nationale. Tout le monde sait qu’on nous impose un type de guerre asymétrique et la matière première de lutte c’est le renseignement. La volonté du gouvernement c’est de fédérer toutes les sources de renseignements de manière à accroître l’efficacité de nos Forces de défense et de sécurité. Toutes les dispositions seront prises pour garantir la liberté individuelle des citoyens.

Sur la réforme de l’armée

 

L’un des axes de la réforme de l’armée, c’est la dépolitisation de l’environnement militaire avec pour finalité de bâtir une armée républicaine au service de la Nation. Je ne vivais pas au Burkina mais quand je suis revenu, j’ai vu les chefs de l’armée travailler avec moi et me faire le garde à vous. J’ai été surpris car, avant, c’était les militaires qui commandaient. Aujourd’hui cela à changer, et vraiment je suis content.

Le besoin d’encadrer la presse afin d’éviter les dérives

 

La presse se présente contre le quatrième pouvoir et cela s’est vérifié lors des évènements récents que notre pays a connus. La presse a joué un rôle essentiel dans l’éveil des consciences de nos concitoyens et il faut les en remercié. C’est vrai qu’à un moment, il y a eu des dérives qu’il faut encadrer. Mais, la liberté de la presse ne doit pas être mise en cause, c’est l’un des fondements de notre démocratie. Mais, il faut qu’on fasse attention et éviter les dérives.  Donc il faut encadrer cela. Dans les autres pays, les gens font ce qu’ils veulent, ils modifient les Constitutions… Tout ça parce qu’il n’y a pas de contre-pouvoir, il n’y a pas de société civile, il n’y a pas de journaux libres. Mais nous, nous avons tout ça aujourd’hui. On ne peut donc qu’encourager cela, quitte à prendre des mesures pour recadrer certaines choses.

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« Je n’ai rien contre la Côte d’Ivoire mais je défends les intérêts de mon pays. »

Comment le gouvernement compte-t-il financer son programme ?

 

Le programme du président avait été chiffré à dix mille milliards, ce qui nous ramène à une moyenne de deux mille milliards par an. C’est vrai que ce sont des montants importants. Lorsqu’on regarde la situation budgétaire, c’est vrai que c’est difficile. Les marges budgétaires sont très serrées. Mais la stratégie du gouvernement est très simple. Lorsque dans une famille, on est confronté à des difficultés, la première des choses à faire c’est de serrer les dépenses. Dans d’autres pays, on assiste à des licenciements de la fonction publique, mais nous ne ferons pas cela. Nous allons diminuer les charges de fonctionnement de l’Etat. La deuxième étape, nous allons augmenter les ressources propres de l’Etat en élargissant l’assiette fiscale. Cela va augmenter les ressources propres de l’Etat. Il y a aussi l’aide extérieure. Bon an mal an, nous recevons, quelque chose comme trois cent milliards. Cela, ajouté aux  mesures de baisse des charges de fonctionnement et à l’élargissement de l’assiette fiscale, il restera quelque chose d’environ mille trois cent milliards à rechercher.  C’est toujours beaucoup mais là aussi, il y a des possibilités. Pour tous les investissements qui peuvent se rembourser seuls, nous allons faire recours au partenariat public-privé. C’est le cas des routes. Donc pour tous les investissements qui se remboursent seuls, notamment les infrastructures, nous allons utiliser le partenariat public-privé. Outre ces aspects, il y  a le marché financier régional. Sur le marché financier de l’UMOA, nous sommes l’un des pays les moins endettés. 50% de l’encours des bons et d’obligation des trésors sur ce marché appartient à des titres ivoiriens. Je n’ai rien contre la Côte d’Ivoire mais je défends les intérêts de mon pays. Donc, nous allons voir nous aussi, comment optimiser nos intérêts sur ce marché. Mais cela se fera sous réserve de la soutenabilité de la dette publique. C’est pour cela que nous voulons créer une agence spécialisée pour réfléchir sur notre stratégie d’endettement en ligne avec le plan national de développement économique et social et les meilleures techniques de financements de sorte à ce que notre dette soit la moins chère possible. Le principe cardinal c’est de respecter le ratio d’endettement, faire en sorte que la dette soit soutenable et faire en sorte que les conditions d’endettement ne nous appauvrissent pas. Donc, nous n’allons pas laisser que l’épargne burkinabè aille sur le marché financier régional et financer le déficit budgétaire des autres pays et nous on est assis ici sans rien faire. La politique de mon gouvernement c’est d’abord l’effort intérieur, l’effort sur le marché financier régional et ensuite sur le marché étranger. Il y a aussi d’autres possibilités à explorer telle que la finance islamique. Nous allons donc entreprendre des pourparlers pour développer la finance islamique et attirer les capitaux arabes dans notre pays. Voilà un peu comment je vois les choses. Sur la question donc du financement du programme, je ne suis pas trop inquiet. Je peux me tromper certes, mais je ne suis pas trop inquiet.

S’agissant l’opportunité de créer la Caisse de dépôt

 

La caisse de dépôt doit être le bras séculier de l’Etat. Un pays ne se développe pas sans des institutions financières spécialisées. Vous pensez que les banques commerciales qui sont ici sont là pour financer l’agriculture ? Ça ne les intéresse pas ! Si vous leur dites de construire une route pour relier le port d’Abidjan cela ne les intéresse pas non plus. Ces banques ont une histoire. Ils sont venus ici pour financer le commerce et rapatrier les bénéfices, point final. Je n’ai rien contre elles. Nous aussi nous savons réfléchir. Il faut qu’on mette en place des banques qui soient au service du développement et la caisse de dépôt doit jouer ce rôle. Nous allons négocier avec tous les partenaires. L’idée c’est de regrouper toutes les ressources, telles les ressources de la CNSS, les ressources des notaires, des huissiers, au sein d’une institution qui est gérée sous la forme publique par une loi qui est protégée par le parlement. Lorsque le Directeur général est nommé, il sera inamovible pendant son mandat pour qu’il soit soustrait à l’influence du pouvoir politique. Sa mission sera de gérer les ressources au profit de l’économie nationale en fonction des critères techniques. Ce sera donc les financements des hôpitaux, le financement des routes, des universités… On a besoin d’un instrument comme ça pour booster notre économie.

« Quand je suis arrivé à Ouagadougou, j’ai eu l’impression que le coût de la communication est plus »

 

Sur la question de l’emploi

Le programme du Chef de l’Etat projette de créer 650000 emplois au cours du quinquennat. Ce que j’ai eu à dire c’était un exemple et une mesure d’urgence. Il y a tellement d’opportunités. Je voudrais dire à l’honorable député qui a posé la question…, elle le sait très bien… elle est très expérimentée… ce n’est pas l’Etat qui crée des emplois. Dans une économie normale, c’est le secteur privé. Encore faut-il qu’il y ait des opportunités que nous allons faire l’effort de créer. Il faut qu’en termes de normes Doing Business, on améliore le climat des affaires au Burkina pour attirer les investisseurs. Il faut aussi que les jeunes puissent s’orienter vers les métiers porteurs. L’Etat va jouer son rôle en mettant en place des infrastructures pour former les jeunes pour cela.

A propos des TIC

 

Quand je suis arrivé à Ouagadougou, j’ai eu l’impression que le coût de la communication est plus élevé. S’agissant de l’internet, j’ai également l’impression qu’il y a des lenteurs. On peut mieux faire. Et le chef de l’Etat a donné instruction au gouvernement de mettre en place une politique pour rattraper le retard que nous avons dans ce domaine.

Ce sont là quelques grands points sur lesquels le Premier ministre est revenu suite aux questions des groupes parlementaires. En plus de ces aspects, Paul Kaba Thiéba a abordé les questions sur l’assainissement, la nutrition, les infrastructures routières. Sur tous ces aspects, le chef du gouvernement a rassuré la représentation nationale sur la volonté du gouvernement de se pencher sur ces questions au cours du quinquennat du président du Faso.

Il était presque minuit et suite à l’interpellation du président de l’Assemblée nationale, Salifou Diallo, Paul Kaba Thiéba, tout en s’excusant pour les questions qu’il n’a pas pu prendre en compte s’est retiré du parloir afin d’attendre le vote des députés. Au nombre des questions qui n’ont pas été prises en compte, il y a le financement de la lutte contre le VIH/SIDA, la problématique des dialysées. Mais, Paul Kaba Thiéba a promis de répondre à ces préoccupations sur d’autres tribunes.

Adama SIGUE et Issa SIGUIRE

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Comments
  • Je n’ai rien vu pour le secteur culturel. Nous sommes loin d’être sortis de l’auberge. ..

    8 février 2016

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