HomeA la uneDEMANDE DE DECLASSIFICATION DES DOSSIERS SUR THOMAS SANKARA : En attendant Godot !

DEMANDE DE DECLASSIFICATION DES DOSSIERS SUR THOMAS SANKARA : En attendant Godot !


Beaucoup de choses ont été dites à tort ou à raison sur l’assassinat, en octobre 1987, du chef de la révolution burkinabè, Thomas Sankara. Ainsi, a-t-on appris par exemple  que derrière le commando qui a posé l’acte sordide, se cachent des commanditaires et non des moindres. A l’appui de cette thèse, l’on évoque l’idée selon laquelle le jeune capitaine constituait une véritable menace pour les intérêts des tenants de la « Françafrique ». Trente ans après sa mort, l’on peut dire qu’au plan local, les lignes commencent à bouger. En effet, à la faveur de l’insurrection d’octobre 2014 qui a mis fin au régime de Blaise Compaoré, l’on peut faire le constat qu’un coup de fouet a été donné au dossier Thomas Sankara. Ainsi, un juge d’instruction, en la personne de François Yaméogo, a déjà été désigné. Et celui-ci semble ne pas chômer, au regard des éléments suivants. La tombe de l’illustre disparu a été expertisée et de nombreux suspects sont derrière les barreaux, en attendant leur procès. A cela, il faut ajouter le fait que le juge d’instruction, en octobre dernier, a demandé à Paris de lui fournir un certain nombre d’éléments. C’est cette demande que vient de reprendre le député français, Pouria Amirshahi. En visite récemment à Ouagadougou, il a interpellé François Hollande sur la nécessité de l’ouverture des archives sur Sankara, arguant du fait que « la France s’honorerait à aider la justice burkinabè ». Bien avant lui, des initiatives de ce genre avaient été enregistrées. L’on peut citer, à titre d’illustration, l’initiative portée par « Le réseau international justice pour Sankara justice pour l’Afrique » et celle entreprise par les députés écologistes et ceux du Front de gauche. Sans oublier les nombreuses actions de Mariam Sankara et de son avocat, Maître Bénéwendé Sankara, à l’Assemblée nationale, à Paris. Ce ne sont donc pas les interpellations à l’adresse de la France qui ont manqué avant celle du député Pouria Amirshahi. Seulement, la France n’avait pas daigné accéder à leur requête.

 

Les Etats sont des monstres froids

 

De ce point de vue, l’on peut se poser la question de savoir si celle du député Amirshahi ne risque pas de connaître le même sort. L’on peut malheureusement y répondre par l’affirmative. Les raisons qui permettent de soutenir une telle réponse sont les suivantes. Premièrement, il y a de fortes chances que la France évoque le sacro-saint principe selon lequel il faut un minimum de 50 ans révolus pour envisager l’ouverture des archives de la diplomatie française et la levée du secret-défense. Bien sûr, le député français espère obtenir une dérogation de la part de François Hollande. Mais l’on voit mal l’actuel locataire de l’Elysée  répondre positivement à cette requête sans s’exposer à la colère de certains de ses camarades du Parti socialiste. Il faut rappeler qu’à l’époque des faits, c’est le Parti socialiste qui était aux affaires, avec à sa tête François Mitterrand. Et par ces temps de campagne pour la présidentielle, une éventuelle ouverture des dossiers sur Thomas Sankara pourrait constituer une véritable bombe qui va donner le coup de grâce au parti fondé par François Mitterrand. Déjà, il a du mal à être audible auprès des Français, du fait du mandat de François Hollande jugé calamiteux par bien de ses compatriotes. Deuxièmement, ce qui nous fait dire que l’interpellation faite au président de la France par le député socialiste a peu de chances d’aboutir, est qu’il n’est pas dans la tradition de la France d’ouvrir ses archives pour permettre d’élucider les zones sombres de son histoire. L’on a vu cela à propos de son passé colonial. Notamment, les crimes de sang et autres tortures à grande échelle qui ont été commis en Algérie. Avant l’Algérie, il y a eu le cas des atrocités commises en Oubangui-Chari, actuelle Centrafrique, dont a fait mention, dans « Batouala », l’écrivain René Maran. Troisièmement, c’est que de manière générale, tous les Etats sont pratiquement des monstres froids. De ce point de vue, pour protéger leurs intérêts, ils sont disposés à s’asseoir sur l’éthique et la morale. C’est d’ailleurs ce qui pourrait expliquer que l’Assemblée nationale française à dominante pourtant socialiste, n’ait pas voulu donner une suite favorable à la requête qui lui avait été adressée par « le réseau international justice pour Thomas Sankara justice pour l’Afrique ». De tout ce qui précède, l’on peut prendre le risque d’affirmer que par rapport à la demande de déclassification des dossiers sur Thomas Sankara, les Burkinabè, et au-delà les Africains, qui trépignent d’impatience pour la manifestation de la vérité, attendront pendant longtemps encore. C’est pourquoi l’on peut oser la comparaison avec le titre de Samuel Beckett, « En attendant Godot ». Et tous ceux qui ont lu l’ouvrage savent que Godot n’est jamais arrivé.

 

Sidzabda


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