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DEMISSION D’ALIOU SALL


Aliou Sall, le frère cadet du président sénégalais, Macky Sall, n’aura pas tenu plus de trois semaines. En effet, accusé d’avoir perçu des dessous-de-table d’un montant de 25 000 dollars de la part du groupe Timis dans une affaire d’attribution d’exploitation de champs pétroliers et gaziers, l’homme s’est vu contraint à la démission de ses fonctions de Directeur de la Caisse des dépôts et consignation (CDC) qu’il dirigeait depuis septembre 2017. Dans une longue lettre rendue publique le lundi 24 juin dernier, il donne les raisons de son départ précipité. S’estimant victime d’une campagne visant à le « déshumaniser» et à le présenter comme « un personnage sans foi ni loi qui nargue un peuple exsangue » et comme « l’ennemi public numéro un », il a répondu au devoir de « laver son honneur sali » et de protéger les siens en rendant le tablier.

La cacophonie dans la communication du pouvoir a fini par fissurer la défense du « petit président »

Mais l’homme ne reconnaît pas pour autant les fautes dont on l’accuse et dénonce une « malheureuse controverse entretenue autour d’un tissu d’amalgames et de contrevérités », tout en nourrissant l’espoir que la lumière finira par triompher des ténèbres. Aliou Sall n’oublie pas, pour terminer son écrit, de remercier son frère qu’il prend à témoin en ces termes : « Monsieur le Président de la République, qui, au-delà du même sang que nous partageons, sait mieux que quiconque dans quel moule de vertu, de sagesse et d’humilité nous avons été éduqués ensemble, comprend les actes que je pose en ce moment précis ».  Au-delà des raisons que le frère cadet du chef de l’Etat avance pour expliquer sa démission, il est difficile de faire abstraction de certains autres facteurs qui ont eu pour effet de précipiter les évènements. Il s’agit d’abord de la pression de la rue et de l’opposition sénégalaise qui, malgré toutes les explications fournies par le mis en cause et le gouvernement sénégalais, n’ont pas lâché la proie pour l’ombre. Un autre facteur et pas des moindres, c’est la cacophonie dans la communication du pouvoir qui a fini par fissurer la défense du « petit président ». En effet, alors que jusque-là, le président et son entourage étaient dans le déni total des faits et tentaient même de tourner en dérision l’affaire, la semaine passée, l’un des conseillers du chef de l’Etat a indiqué qu’un virement avait été bel et bien fait au profit d’Aliou Sall qui l’aurait encaissé en sa qualité de consultant en agriculture. En attendant que l’enquête judiciaire en cours vienne élucider cette ténébreuse affaire, l’on peut, malgré tout, se féliciter du courage d’Aliou Sall qui, tout petit frère du Chef de l’Etat qu’il est, a accepté de démissionner de son poste. Sous d’autres cieux, des scandales du genre ont éclaboussé bien des membres de la famille de chefs d’Etat en Afrique sans que l’on n’en tire les conséquences comme cela vient de se faire au Sénégal. Bien au contraire, les accusés se sont très souvent cramponnés à leurs privilèges, mettant ainsi mal à l’aise le président. L’on peut par ailleurs saluer le dynamisme de la société civile sénégalaise qui a aussi pesé de tout son poids pour que l’affaire évolue dans le sens souhaité.

Il importe que le président Macky Sall n’use pas de son statut pour interférer dans ce dossier judiciaire

Elle n’a pas failli à sa réputation et confirme bien qu’au Sénégal, l’opinion publique ne compte pas pour du beurre. Et comment, enfin, ne pas magnifier le rôle joué par la presse qui démontre, si besoin en était encore, qu’elle joue un incontournable rôle dans la promotion de la bonne gouvernance ? L’on se souvient, en effet, que c’est un reportage de la BBC qui avait levé le lièvre dans cette ténébreuse affaire de pots-de-vin. Cela dit, le tout n’est pas, pour Aliou Sall, de démissionner. Il faut que l’homme accepte de se mettre à la disposition de la Justice et collabore avec les hommes de droit pour que toute la lumière se fasse, comme le souhaite l’opinion. Et s’il est reconnu coupable, qu’il subisse toute la rigueur de la loi. Il importe surtout que son frère aîné, le président Macky Sall qui joue toute sa crédibilité dans cette affaire, n’use pas de son statut pour interférer dans ce dossier judiciaire et fasse freiner des quatre fers, au nom des liens de sang, l’avancée de la procédure. Toute autre attitude ne serait que du deux poids deux mesures. En effet, l’on se souvient que le maire de Dakar, Khalifa Sall, croupit dans les geôles pour une affaire de corruption. Parallélisme de formes oblige, Aliou Sall, s’il est reconnu coupable, doit connaître le même sort.  De toute évidence, la société civile qui a déjà remporté une victoire d’étape par la démission d’Aliou Sall, doit ouvrir l’œil et le bon pour que l’on ne noie pas le poisson dans l’eau.

« Le Pays »


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